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Fusions/évolutions: le Metal suit son cours.
Par MEFISTO le 12 Mars 2010 Consulté 6036 fois

Il n'y a pas de limites à la création. Qui sommes-nous pour avancer le contraire ou même juger que l'inspiration générale des groupes est pourrie ?

Il n'y en a jamais eu, jamais il n'y en aura.

C'est avec cette mentalité que j'aborde l'art d'habitude. Que les œuvres soient dans mon carcan ou pas. Quand on pense qu'on ne se sert que de 10% de sa matière grise, il serait absurde de croire que la création a plafonné et qu'elle s'approche des oubliettes. L'abyssale versatilité de cette musique se retrouverait-elle donc dans une partie des 90% restants? Peut-être. Une chose est certaine : elle prend simplement des formes insoupçonnées qui nous choquent parfois, qu'on ne comprend pas souvent et qu'on décrie la plupart du temps.

Et pourquoi tant de manifestations sur l'art en général, la musique en particulier, le Metal précisément? Car les temps ont changé. Ils ne cessent de se métamorphoser en des formes différentes et modernisées, en contenu ou en contenant. Pas le choix, faut avancer dans la vie, «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», comme disait Lavoisier.

Exemple: certains ne reconnaissent plus le Black d'antan. Normal. On est en 2010, pas « en antan ». Comme les feuilles d'automne qui tombent, se désagrègent dans le sol et repoussent au printemps, le style s'est régénéré. Certaines années, les feuilles sont éclatantes, certains cycles de température leur donneront une plus belle apparence, alors que le contraire est aussi possible. Et y'a aussi quelques espèces de feuilles qui résistent aux intempéries, au cycle des saisons, et qui demeurent fières et droites en tout temps. Les irréductibles, dont la robe passe parfois pour un tricot désuet face à la coupe rafraîchie de ses voisines d'arbre. C'est son choix.

Cette métaphore représente l'art pour moi. La nature meurt et revit, des groupes meurent, d'autres poussent et contribuent à faire revivre un genre. Et, vous serez d'accord, ils ne se contentent pas d'une pâle copie (à moins d'être habitants du village des irréductibles Gaulois), ils tentent de sublimer le genre en lui incorporant de nouveaux éléments. Reprenons le Black. Que constate-t-on? Qu'il n'y a plus que le Black crado, le Black Mélo ou le Black Sympho à l'ordre du jour. Il y a le Black expérimental, le Death/Black, le Black Progressif, le Black Atmo/Ambiant… Certains groupes, tels que VEKTOR, que vous avez découvert avec moi il y a quelques semaines, lorgnent du côté Prog', voire Black du Metal, tout en demeurant Thrash. Difficile à qualifier, choc pour les habitués des styles clairs et bien définis.

L'époque créative dans laquelle nous pataugeons est celle des fusions et ne date pas d'hier. Cependant, cette mode était marginalisée dans les années 90, notamment avec le jazz fusion ou les groupes de Hardcore tels que NOFX, qui incorporaient divers trucs assez avant-gardistes pour le temps. Aujourd'hui, c'est la foire, le « free for all », tout est possible. Juste l'année dernière, j'ai dû apposer une trentaine d'étiquettes distinctes à des combos, que ce soit Death Groovy ou Doom Épique. La musique est devenue si riche, colorée, qu'on ne peut, intellectuellement parlant, passer à côté des sous-genres. On ne peut les ignorer, ce serait ne pas respecter son époque, donc se fourrer la tête dans le sable et se tirer une balle dans le pied. Je préfère, et de loin, indiquer clairement ce qu'une formation offre comme Metal que seulement dire que c'est du Prog', alors que c'est tellement plus !

Trop, c'est comme pas assez.

Les détracteurs de cette décortication à tout crin se plaignent que c'est trop compliqué de qualifier un groupe. Moi, je trouve que même si la dénomination peut donner des mots de tête quant à la précision des termes, elle simplifie la «compréhension», la présentation des artistes. Les nouveaux métalleux en sont conscients, alors que chez les expérimentés, enfin ceux qui refusent de formater leur disque dur, c'est plus difficile. Ils sont ancrés dans des traditions, comme les vieux amateurs de hockey, habitués à quelques clubs professionnels de qualité, pas des dizaines de médiocres pour quelques-uns potables.

Plus il y a de choix, plus il y a du dispensable, c'est logique. Dans la musique, comme dans le sport, c'est pareil. Les nostalgiques des années 70-80 déplorent la multiplication des groupes de nos jours. C'est vrai qu'il y en a foutrement plus, mais ce qui est faux, est qu'ils n'inventent plus rien. Dire cela équivaut à dire qu'on ferait mieux d'empêcher les créateurs de bosser, de demander aux musées de fermer, de dire aux fans de musique de ne plus en écouter, qu'il y a que de la merde. Mais je suis désolé, personne ne viendra me prouver hors de tout doute que MAIDEN a plus sa place chez les disquaires qu'un DIABLO SWING ORCHESTRA. D'accord, c'est du Metal plutôt spécial, mais c'est grâce à de nouvelles souches comme celle-là que les feuilles se régénèrent.

Prétendre qu'il n'y a rien de bon qui sort des studios équivaut à crucifier Lavoisier et faire preuve de mollesse intellectuelle. C'est un choix. Garder ses œillères ou s'en départir pour profiter de la manne incroyable que nous offre le marché métallique depuis que le web est roi. Suffit juste de fouiller un peu plus qu'avant, avec la soif de découverte au bout des oreilles.

Car à travers tous les écrans de fumée, la mauvaise foi, les sorties médiocres, les chefs-d'œuvre, les immortels, les éphémères, il reste deux choses : la création et l'inspiration, peu importe la forme qu'elles prennent, que vous aimiez ou non. Celles qui ne mourront jamais. Celles qui sont maltraitées dans une époque où la superficialité et la facilité ont supplanté trop de beauté, coupé trop d'arbres pour de puériles et mercantiles raisons.

Les fusions? Je vote oui.



Le 14/03/2010 par NIGHTSOUL

On utilise pas juste 10% des capacités de notre cerveau, on utilise toutes les capacités de notre cerveau, seulement ce dont on ne se sert pas durant les premières semaines de la vie disparait et certaines fonctions régressent pour ne garder que ce dont on a besoin.

Ton édito est cependant intéressant même si je ne partage pas vraiment ton point de vue ou plutôt il y a des points qui moi m'interloquent plus. Par exemple, le son, la production, l'humanité d'une composition est de mon point de vue en régression. De plus en plus de groupes sonnent pareil, se copient, se repompent allègrement à la note près et parfois on se demande si c'est une machine qui joue et non plus un être humain, ce qui a tendance à me rendre la musique émotionnellement beaucoup moins percutante. Si on ajoute à cela que de plus en plus de nouveaux groupes parlent plus de communication et de marketing, se faire connaître, que de musique et de composition, c'est franchement navrant même si cela n'est pas exclusif au Metal, mais peut-être suis-je un vieux con de regretter certaines mentalités là où le Metal était moins "populaire" et ce n'était pas forcément il y a plus de 15 ans...

Après, je suis d'accord avec cette nécessité d'innover, d'apporter sa personnalité à sa musique même si je ne peux blamer certains groupes de jouer une musique en hommage aux groupes qui les ont lancés sur la voie. Mais même si aujourd'hui je trouve que le Metal est noyé dans un paquet de trucs médiocres, sans intérêt, "m'as-tu vu" plus que "m'as-tu entendu" et qui n'ont de Metal que la disto de leur guitare, il y a de jeunes musiciens et de jeunes groupes très talentueux qui innovent tout en respectant leurs pairs/pères. Je vais prendre l'exemple de Christian Alvestam qui, même si je ne suis pas fan de tout ce qu'il peut faire, innove réellement en artiste accompli qu'il est, il n'y a qu'à voir UNMOORED, son premier groupe et sûrement sa plus grosse réussite artistique, où il est crédité pour tout quasiment, de la musique aux paroles, du chant à la guitare ; tout en restant fidèles à des racines qui elles-mêmes étaient en évolution à l'époque, je parle de EDGE OF SANITY et surtout Dan Swano, qui pour moi, est le père spirituel de Alvestam et c'est peut-être pour ça qu'il est aussi respecté dans le monde Metal scandinave. Il y a des artistes plus récents que lui mais il représente bien ce Metal "moderne " même si je hais ce terme car m'évoquant souvent les pires daubes qui soient ( qui a dit SONIC SYNDICATE ?).

Alors oui je suis pour l'innovation et l'évolution mais pas au détriment de la qualité et de l'orientation artistique.


Le 14/03/2010 par MYSTICMONKEY

Chouette édito !

Je me rappelle, il y a quelques années, quand je rigolais en disant que jamais je n'écouterais de Metal... Aujourd'hui j'en rigole encore plus avec du DRUDKH, KRALLICE, WITTR, SILENCER & co dans les esgourdes, en maudissant ce temps où l'idée même de poser l'oreille sur un truc nouveau et différent me faisait frémir.

Tout ça pour dire, je salue l'ouverture d'esprit qui trouve écho dans tes chroniques. Les fusions, expérimentations en tous genres sont évidemment extrêmement importantes dans l'art, en ce sens qu'elles participent à son renouvellement. Et il arrive qu'un skeud qui sonnera totalement abscons à nos oreilles à la première écoute devienne notre galette de chevet.

Et je suis même d'accord avec ce que tu dis sur les classifications : il est vrai que de nos jours - sans doute plus qu'hier - tout part dans tous les sens, il semble y avoir une volonté de fracasser les barrières des genres. Par conséquent, l'étiquette se doit d'être plus précise (malgré les salmigondis occasionnés aux neurones, il faut reconnaître que l'exercice peut même se révéler amusant ! Et puis, ceux qui s'en foutent n'auront aucun mal à passer outre.)

Tant que c'est bon, peu importe le genre, c'est vrai. M'enfin, un peu plus d'aiguillage ne peut faire de mal...

Belle analyse, Mefisto ! Puisses-tu conserver cet état d'esprit et qualité du propos qui sont l'apanage de NiME, et ce pourquoi, sûrement, nous continuons à vous lire quotidiennement.


Le 14/03/2010 par WENDEK

Le coup du 10% du cerveau, c'est juste une légende urbaine, qui m'hérisse vilainement le poil à chaque fois que je la relis. Un lien parmi d'autres trouvé en trente secondes : http://www.sciencepresse.qc.ca/jdm/jdm37.html

A part ça, gros +1 pour l'édito. Les mélanges des genres (exemple : Black à chant clair à la FEN, ça doit faire grincer les dents de pas mal de puristes) et l'originalité, c'est ce qui est le plus intéressant.


Le 13/03/2010 par SACRIPAN

Lu et approuvé !

MERCI MEFISTO pour ton ouverture d'esprit, dire tout haut ce que nous pensons très fort.


Le 13/03/2010 par MALDOROR

Juste envie de manifester un gros +1 pour Mefisto. C'est avec un esprit progressiste comme le tien que les choses avancent, pas en restant bloqué en 1986. Trop souvent on résume le Metal aux mêmes groupes. Mais je crois en fait que c'est une révolution majeure que tous attendent, la création d'un sous genre je suppose. Mais la révolution est permanente, il suffit d'aller la trouver, comme tu le dis toi même. Je te soutiens à 100%, ton analyse est fine et bien écrite.
Bien joué, cowboy de Québec.


Le 12/03/2010 par NABOMOUETTE

Edito sympa, qui explique assez bien ta position vis-à-vis de tous ces nouveaux courants même si j'aurais certainement à redire.

Par contre toute petite rectification : le jazz fusion, ça date pas du tout des années 90. Les premiers à en faire véritablement (les frères Breaker notamment) ont plutôt commencé dans les seventies. M'enfin, c'est la seule petite faute...


Le 12/03/2010 par LOUVOIR

Alors là je ne peux que m'incliner devant cet édito ! Bravo Mefisto !

Il reflète entièrement ma pensée.

Je suis amoureux des mélanges. Mélange de culture, mélange d'influence, grand bazar à ciel ouvert, alliances contre-natures, tout cela m'émerveillera toujours.

C'est une des raisons principales qui m'ont fait aimer le metal d'ailleurs : sa capacité à se mixer avec d'autres genres. C'est l'ouverture d'esprit qui est derrière tout cela qui me plait énormément.

Personnellement, j'aime beaucoup cette manière qu'on a de donner des noms à rallonge aux groupes afin de coller un maximum avec ce qu'exprime leur musique.

Déjà ça donne des sujets de discussion et puis mine de rien ça renseigne pas mal sur la came qu'on nous présente et du coup on n'a même plus à se farcir les longues chroniques détaillées pour lesquelles vous vous donnez tant de mal (ça c'est le paragraphe humoristique hein !)

Bref, je suis pour que l' metal s'hybride encore plus qu'il ne l'est déjà, puisque pour ma part, l'important n'est pas de conserver un metal "pur", mais d'avoir une musique de qualité et peu importe la proportion que le metal y prend.


Mon crédo ? "Mélangez tout, mélangez vous !"



             



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