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CULT OF LUNA par Isaac Ruder
Par ISAACRUDER le 3 Mars 2020
Publiée le 9 Mars 2020 Consultée 2138 fois

Avant d'aller me prendre une branlée sur scène, j'ai eu la chance de rencontrer Johannes, chanteur et guitariste du groupe suédois CULT OF LUNA. L'occasion de discuter de leur dernier album "A Dawn To Fear", mais aussi de choses plus personnelles. Direction leur tour-bus pour une entrevue fort intéressante.

Salut Johannes et merci de me recevoir pour cette entrevue. Cela fait dix ans qu’on s’est rencontré la première fois. Si tu prends le temps de réfléchir à ces dix années passées, que peux-tu nous dire en tant que groupe et individu ?

C’était un nouveau chapitre pour CULT OF LUNA. On avait un rythme rapide de sorties, quasiment une tous les deux ans. Et on a fait un break après cette période. Je pense que c’est là que Klas est parti. Je le sentais venir bien avant mais oui, quand il est parti j’ai eu à assumer la charge de chanteur. Je vois cela comme un nouveau départ pour le groupe, et cela ne veut pas dire que j’ai honte de nos premiers albums. Mais je pense que nous nous sommes constamment améliorés à chaque sortie depuis.

Tu penses que le terme d’amélioration s’applique quand on parle d’art ?

Bien sûr ! C’est quelque chose de très subjectif mais en tant que musicien, il y a des éléments objectifs qui prouvent cela. Le fait de jouer mieux ensemble, en tant que groupe, par exemple. Et je pense que tu peux aussi dire cela de l’écriture, de la composition. Les morceaux ne sont pas nécessairement meilleurs mais tu peux devenir un meilleur compositeur. Sinon, pour revenir sur ces dix ans, du point de vue personnel, j’ai eu deux enfants et ma vie a été complètement bouleversée par cela. Je dirai aussi que quand tu vieillis tu deviens un peu plus sage mais aussi un peu plus stupide, heureusement. Et surtout, tu commences à t’en foutre sur beaucoup d’aspects. Je vais désormais concentrer mon intérêt sur certaines choses et ne pas le faire sur d’autres. Et tout ça c’est parce que je m’en fous. Tu vois, plus tu vieillis, plus tu t’en fous de ce que les gens pensent de toi.

“A Dawn To Fear” me semble être un CULT OF LUNA plus organique, proche de “Somewhere...” et “Eternal Kingdom”.

Oui ! Mais en même temps, qu’est-ce que ça veut dire « organique » ? Tu vois c’est encore très subjectif.

Quand je pense "organique", je pense au son notamment, mais aussi, en parlant de CULT OF LUNA, à une musique plus proche de la terre.

Oui absolument, mais c’est plus quelque chose qui relève de la thématique. Ce que je veux dire c’est que, quand tu crées une narration, un thème pour l’album, c’est cela qui va marquer la musique. Regarde, quand nous étions sur " Vertikal", notre intention était d’en faire un album strict, genre avec des angles stricts, mais avec "A Dawn To Fear" c’est plus spontané et directement du cœur.

Est-ce que tu veux dire que cet album est moins cérébral que "Vertikal" mais qu’il vient davantage du cœur ?

Oui. Mais laisse-moi recommencer mon argumentaire. Tout ce qu’on a fait est toujours venu du cœur, mais il y a quelque chose de subconscient, et beaucoup de ce subconscient a pavé la route de la production. On a moins réfléchi, on l’a juste fait.

J’ai tendance à placer “Vertikal”, “Vertikal II” et “Mariner” à l’intérieur d’une même époque de CULT OF LUNA. Dirais-tu que cette époque est terminée ?

Oui, je suis d’accord. Et oui, ce chapitre est terminé. “Mariner” a été la conclusion. Mais pour être honnête, cela a commencé avec "Salvation" puis "Somewhere Along The Highway", "Eternal Kingdom"… Notre trajectoire était claire : de l’introspection à la solitude qui mène plus profondément dans la forêt, avant d’explorer la ville, puis l’espace. Mais cela est fini. Et peut-être que nous sommes retournés à "Salvation" en un sens…

C’est exactement ce que je voulais dire parce que “A Dawn To Fear” me parait être une rupture et en même temps le retour vers quelque chose de plus mystique et ancien dans son atmosphère. Pour moi cet album ressemble à un successeur de "Eternal Kingdom", bâti autour des riffs et d’une atmosphère sombre. Quand je l’écoute je peux quasiment percevoir la beauté de la Suède et la puissance de son imaginaire.

Oui oui, il y a des histoires dans cet album qui sont définitivement suédoises. Cela parle beaucoup de la maison. C’est vrai. Je vois la façon dont tu réfléchis quand tu parles de successeur mais comme on le disait, l’art est subjectif, mais je vois, et j’entends la même chose. C’est cependant difficile de comparer cet album à quelque chose qu’on a composé dix ans auparavant.

Cool C’est sûr. Je te parle de cela car je sais que vous avez l’habitude de travailler dans des environnements spécifiques. Quel paysage représente le mieux “A Dawn to Fear” ?

Alors je vais te montrer quelque chose plus tard, mais j’aimerais parler du morceau “Lights On The Hill”, qui est pour le coup une histoire vraie. On ne ment pas toujours.

Comme avec "Eternal Kingdom" ? (Ndlr: le groupe avait menti sur un livre qu'ils avaient apparemment retrouvé dans la maison où ils enregistraient et qui aurait appartenu à un vieux fou à l'imaginaire fantastique. C'est sur ce faux livre qu'ils ont bâti l'imaginaire de l'album)

Ouais ! Donc c’est une histoire vraie. Près de la maison de mon père, qui habite au milieu de nulle part, il y a un arbre, un sapin, vieux et mort. Je peux te montrer, j’ai les preuves de ça. En Suède, nous avons une population autochtone, les Sami, qui ont été traités à peu près comme les Indiens d’Amérique même si la Suède n’a jamais été jusqu’au génocide, mais ils ont été extrêmement mal traités. Et donc, il y avait ce chaman du peuple Sami, à la fin du XVIème siècle, et sa cabane était à côté de cet arbre, le tout était magnifique. Je vais la faire courte mais il a eu une dispute avec un soldat qui était aussi fermier et vivait avec sa femme. Ils l’ont accusé de magie noire, de lancer des sorts, des boules de feu sur la colline. Évidemment, il y a dû y avoir un orage, puis un éclair a frappé la cabane de ce couple mais ils ont accusé le chaman. En tout cas, le soldat est mort durant une guerre avec les Russes et la même année sa femme a tué le chaman. Ces deux hommes, leurs destins étaient finalement liés. On a mis les coordonnées de cet endroit sur notre site. C’est vraiment une attraction touristique en Suède, les gens vont voir l’arbre et écoutent l’histoire.

Et au final, y a-t-il un endroit spécifique qui représente "A Dawn To Fear" ?

Les forêts, celles de la maison.

Proches des canadiennes non ?

Oui. Je me sens d’ailleurs plus à la maison ici que n’importe où en Amérique du Nord. D’ailleurs nous sommes allés à Vancouver, sur la côte ouest et c’est assez similaire.

C’est surtout magnifique !

Oh que oui ! On a moins de volcans cela dit…Sinon c’est similaire à la maison.

Pourquoi avoir fait une collaboration avec Legion pour un médaillon ? Est-ce une façon de construire davantage de mythologie autour de CULT OF LUNA ?

Non, j’adore leur travail!

Mais si je te parle de ”Eviga Riket” par exemple, il y avait déjà cette tentative de bâtir une mythologie.

Oui oui. Je veux raconter des histoires et je veux utiliser différentes possibilités pour raconter cela. On les avait contactés pour savoir s’ils voulaient faire une collaboration liée à l’artwork et ils sont revenus vers nous avec ce signe, que nous avons tous adoré et que j’ai ensuite utilisé comme point de départ pour construire les vidéos.

J’allais justement te demander de nous parler des vidéos que vous avez faites pour "A Dawn To Fear". Il y en a deux, pour les deux premiers titres de l’album. Est-ce que vous avez prévu d’en sortir d’autres ?

Non non non. On n’a pas ce budget.

Et si vous aviez ce budget ?

Si je l’avais oui, mais ce n’est pas le cas. On a mis du temps pour les faire. On a tourné dix-sept minutes en quatre jours.

Et il y aurait une histoire plus complète que tu pourrais faire ?

Non, c’était ça l’histoire.

Et cette histoire est celle de l’album ou seulement les deux morceaux ?

Non juste les deux morceaux. Mais ce n’est pas seulement une histoire sur l’album, c’est une histoire sur beaucoup d’autres choses, il y a beaucoup de références qu’on peut rater. Le cœur de l’histoire reste la lutte contre chez soi et ce que chez soi veut dire. Tout cela est encore subjectif. Un chez soi peut être un chez soi émotionnel, ou un endroit physique…

Lutter contre chez soi ? Que veux-tu dire, est-ce que c’est quelque chose de personnel ?

Oui, ça l’est. Durant ces diX dernières années j’ai réalisé ce qui était important dans la vie et ce qui ne l’était pas. J’ai constaté qu’inconsciemment je m’étais ancré là d’où je venais. Et je connais des gens qui grandissent, qui déménagent et laissent tout derrière eux, mais je ne suis pas ce type de personne. Tout cela a déterminé de quoi allait parler cet album. Je voulais voir comment mon subconscient allait travailler si je mettais tout ça en musique.

Nique mon collègue pour cette blague (Volthord) mais, après Julie Christmas, est-ce que vous avez prévu de travailler avec Julie Easter ?

Alors ça c’est ce qu’on appelle une blague de papa ! Tu sais quoi, l’autre jour, je suis sorti, et notre chauffeur, un mec vraiment sympa, m’a dit de lui dire quand je serai de retour. Je suis sorti boire un café, je suis retourné au tour-bus et j’ai dit « I’m back »… et il a dit « Hi, Back »…Voilà une blague de papa ! C’est vraiment génial. Je suis assez vieux maintenant pour apprécier ça !

Moi aussi on dirait, ça me fait un peu trop marrer ! Plus sérieusement, j'ai vraiment aimé “Mariner”, c'était fou de voir que quelqu'un qui semble hors de votre univers puisse aussi bien fusionner avec votre musique. Comment c'était de travailler avec quelqu'un de l'extérieur ?

Alors tu vois je suis en train de travailler avec James Kent, de PERTURBATOR, on fait une collaboration ensemble.

Seul ou avec CULT OF LUNA ?

Seul. Je travaille aussi avec Julie Christmas, pour préparer son show et son nouvel album. Pour revenir à ta question, c’était pas si différent. On a composé, elle a composé, on a mélangé tout ça, pas si difficile.

Mais sur scène ça devait être bien différent ! Et vous le referiez ?

Oui sur scène c’était autre chose ! Refaire… Écoute, je ne sais même pas ce que je vais faire dans quelques semaines. Je ne sais pas, ça me dérangerait pas, mais pour le moment je me concentre sur tout ce qui se passe avec le tour et mes collaborations à venir.

Je me souviens que tu aimes parler de politique, et je voulais savoir si tu pouvais donner à nos lecteurs quelques informations sur ce qui se passe en Suède, un pays dont on parle assez peu au final ?

Je te dirai qu’à la suite du reste de l’Europe, le pays deviant de plus en plus divisé. Aux dernières nouvelles, les Démocrates de Suède étaient le plus grand parti. Ils ont été fondés dans les années 80 si je me trompe pas.

Démocrates de Suède ? Sont-ils de gauche, du centre ?

Ça flirte avec le fascisme. Ils sont pas fascistes dans la stricte acceptation du terme mais ils sont très très à droite. Dans ce parti, ça va des vieux conservateurs à des racistes qui ne se cachent pas du tout. Et c’est le plus gros parti actuellement. Et tu sais ce que je pense ? J’espère qu’ils vont gagner la prochaine élection.

Pourquoi ?

Parce que ce type de parti se nourrit du sentiment populaire que les choses vont mal, mais c’est très facile d’être dans l’opposition et arriver avec des réponses faciles. Donc s’ils gagnent, ils vont montrer qu’ils sont totalement incompétents.

Et tu penses qu’ils peuvent gagner ?

Oui je pense qu’ils vont gagner la prochaine élection. Et peut-être que la gauche s’unifiera mais pour le moment ils ne font rien. Ils essayent de gagner le pouvoir chacun de leur côté en surfant sur ce qui fonctionne à droite. En gros, on est baisé ! Bon après, la situation n’est pas non plus comme en Pologne ou Hongrie…

Mais quand même, tu sais à quel point les pays scandinaves apparaissent comme des havres de paix…

Ils le sont, ce sont des pays incroyables ! Mais nous avons de gros problèmes, et ils sont connectés à l’immigration, aucun doute là-dessus, absolument. Mais la réponse n’est pas chez ces fascistes.



             



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