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ORPHANED LAND (Entretien avec Kobi Farhi)
Par JEFF KANJI le 16 Janvier 2018
Publiée le 16 Janvier 2018 Consultée 2308 fois

Entretien réalisé par téléphone avec Kobi Farhi le 16 janvier 2018

Déjà pour faire le lien avec notre précédent entretien réalisé en Belgique il y a un peu plus de 4 ans, tu avais raison, certains passages de "All Is One" m'ont tiré les larmes effectivement, je pense à la fin de "Let The Truce Be Known" et "Brother" qui est l'une de vos plus belles chansons jusqu'à présent.

Merci ! ORPHANED LAND est un travail d'équipe, et cela fait partie de ce que nous souhaitons communiquer aux gens ; leur donner la chair de poule, les émouvoir, et même les faire pleurer. Il est important pour nous que nos albums véhiculent toutes ces émotions.

Vous avez collaboré avec Erez Yohanan (AMASEFFER) en 2014. Pourquoi le disque a-t-il mis tant de temps à sortir ?

À la base, on a écrit "Kna'an" pour une pièce de théâtre, en Allemagne. Et l'idée de base c'était ça. C'est un side-project, pas un album d'ORPHANED LAND officiel je dirais. C'est une fois que le tout a été joué qu'il a été évoqué d'en sortir la bande originale qui était à la base un guide de l'interaction des personnages. Il a fallu surtout réenregistrer tous les guides vocaux, c'est essentiellement pour ces raisons que ça a pris du temps. Ça a été une expérience très enrichissante et rafraîchissante d'écrire pour le théâtre, on n'a pas l'habitude de tout ça. C'était une super pièce et on est heureux d'avoir été impliqué.

Yuval Kramer a sorti de son côté un fabuleux album de Metal Progressif avec REIGN OF THE ARCHITECT. Tu avais participé au premier opus d'AMASEFFER en 2008. Sais-tu s'il y a une chance pour qu'on entende un jour la suite de cette trilogie, et en feras-tu partie ?

C'est très difficile à dire. Erez est extrêmement pris par tout un tas de trucs donc ça ne sera pas pour tout de suite. Je sais qu'il voulait sortir au moins le deuxième, mais pour l'instant c'est remisé au placard, et je trouve ça dommage car c'était vraiment un super projet porté par des thèmes forts.

Le groupe a encore été secoué avec le départ de Yossi, ne laissant que toi et Uri comme membres fondateurs. On sait que cela arrive, mais peux-tu nous en dire plus sur les coulisses de ce départ des plus inattendus pour les fans ?

Tu sais, Yossi, Uri et moi on se connaît depuis qu'on est gamin et on a partagé vingt-deux ans d'histoire musicale ensemble avec ORPHANED LAND… Il a voulu commencer une carrière solo ("Melting Clocks" en 2012) pour aller dans une direction plus guitar hero, ce qu'il est d'ailleurs, clairement. Mais il y a tellement pris goût qu'il s'est focalisé là-dessus et ça a vite posé des problèmes car il ne voyait pas comment rester investi autant que nécessaire dans ORPHANED LAND. Ce n'était pas possible. Alors certes ça a été bizarre pour les fans, mais pour nous aussi… C'est la vie (en français dans le texte) ! Après on est toujours amis et en bons termes. Il est passé boire le café à la maison la semaine dernière et bien évidemment on a parlé du dernier album… Il faut savoir que tout le monde est dans le processus de création dans ORPHANED LAND, ce n'est pas Uri ou moi ou Yossi, c'est un collectif où l'apport de chacun est essentiel, et l'important est d'avoir l'esprit d'ORPHANED LAND, il n'y a pas de maître à penser comme un Mikael pour OPETH ou un Steven pour PORCUPINE TREE. Je mets un point d'honneur à toujours bien sonder les gens qui vont faire partie de l'aventure sur le fait que cet esprit est ce qui permet de faire tenir le tout. Chen l'avait quand il est rentré et Idan l'a aussi, indubitablement.

Du coup qui est Idan Amsalem qui est membre du groupe depuis presque quatre ans maintenant ? Qu'apporte-t'il à ORPHANED LAND ?

Idan jouait dans ARMILOS, un groupe de Brutal Death, avec Matan Shmuely, notre batteur. C'est donc Matan qui l'a amené à nous. Il avait déjà participé activement à ORPHANED LAND, notamment pendant les shows acoustiques, car c'est un joueur de bouzouki absolument fantastique. Il faut savoir qu'en Israël, les gens ont un background assez différent. Idan est d'origine juive séfarade marocaine, et il a apporté lui aussi ses couleurs et ses manières de faire. Il vit dans le Nord et beaucoup de parties, notamment les guitares ont été enregistrées dans son studio. C'est un ingé-son compétent, ce qui constitue une addition parfaite. Sa culture et sa compréhension de la musique orientale sont très importants pour ORPHANED LAND.

Dans une interview, Anis Jouini, bassiste de MYRATH me disait que musique orientale était un terme plutôt générique et que la musique orientale tunisienne avait ses propres instruments, ses gammes, ses façons de faire, assez différentes d'ORPHANED LAND par exemple.

Oui, enfin c'est vrai et faux à la fois. Car si on a bien évidemment utilisé des rythmes marocains, tout ça reste de la musique orientale. À l'époque de "Mabool" ou "El Norra Alila" on en utilisait plein sans le savoir, comme par exemple le battement de "Norra El Norra", typiquement marocain. Des fois on va plus taper dans la musique turque, parfois égyptienne, c'est un même creuset qu'on alimente à notre façon.

En outre, les outils pour mettre en forme votre art semble de plus en plus structurés avec maintenant un Orphaned Land oriental orchestra derrière vous. Sont-ce les mêmes violons que l'on entendait sur "All Is One" ?

Oui tout à fait. Et c'est même un sacré succès. On avait utilisé l'orchestre sur cinq titres pour "All Is One" et désormais il joue sur tous les titres, ce qui coûte plus cher certes, mais le jeu en valait la chandelle. Jens Bogren avait beaucoup aimé ça donc comme on dit "on change pas une équipe qui gagne !" (rires). L'orchestre est de plus en plus demandé, il va notamment enregistrer avec AMORPHIS prochainement. C'est une très bonne nouvelle qu'on ait pu planter cette graine de musique orientale chez des formations européennes.

Vos artworks ont toujours su créer des images ou imposer une symbolique forte (les signes religieux entrecroisés de "All Is One" par exemple). Pourquoi le choix de Valnoir cette fois-ci dont le style marqué tranche radicalement avec les travaux passés effectués pour ORPHANED LAND ?

En fait je connais Valnoir personnellement et j'adore son travail. Je trouve son univers graphique génial dans cette façon qu'il a de représenter les choses. J'ai eu des idées plein la tête pour cette pochette et il a manqué de devenir dingue à force. Cet artwork regorge d'une multitude de détails et il s'est dépassé pour nous proposer cette pochette qui représente bien le chaos et tout le marasme véhiculé par "Unsung Heroes & Dead Messiahs".

Vous faites depuis vos débuts appel à Alon Miasnikov pour les textes et concepts, mais il semblerait que l'idée vienne de toi cette fois-ci. Comment fonctionnez-vous avec lui ?

En réalité, pour les paroles, les concepts ou la ligne directrice, c'est toujours de moi que ça vient. Ça l'était déjà à l'époque de "Mabool" par exemple. Alon et moi on se connaît depuis qu'on est gamin. On est voisin de toute façon. Il se trouve que c'est un passionné de lecture qui, dès tout petit, épluchait autant les comic books que les livres à part entière. Il faut savoir que l'anglais est sa langue maternelle, donc il a une facilité pour retranscrire très précisément mes idées. Il m'aide considérablement à enrichir mon anglais album après album.

On observait le concours de compositeurs extérieurs sur "All Is One", c'est encore une fois le cas sur "Unsung Heroes & Dead Messiahs". C'est arrivé comment ?

En fait, les collaborations sont réalisées la plupart du temps avec des artistes qu'on adore, comme Kobi Aflalo qui avait écrit "Let The Truce Be Known". Pour celle-ci comme pour "Left Behind" de Moran Magal, ce sont généralement des compositions écrites au piano que nous remanions pour leur donner la couleur ORPHANED LAND. À la base, n'importe qui ayant l'esprit ORPHANED LAND peut écrire pour le groupe, à partir du moment où ça nous parle et où ça sert notre démarche. ORPHANED LAND, plus qu'un groupe traditionnel, doit être vu comme un projet musical.

"All Is One" était un disque qui misait beaucoup sur l'efficacité au-delà de ses textes mélancoliques. "Unsung Prophets & Dead Messiahs" est plus fouillé et rappelle à bien des égards les paysages d'OrwarriOR. Qu'en penses-tu ?

Dans notre esprit, "Unsung Prophets & Dead Messiahs" est un album beaucoup plus diversifié que son prédécesseur c'est certain. On a cherché à y synthétiser les éléments des trois derniers albums, et il est vrai qu'au sein mêmes des textes, il est aisé de faire des comparatifs, et d'imaginer par exemple les moments où c'est le Orwarrior qui parle justement.

On connaît la connexion d'ORPHANED LAND avec BLIND GUARDIAN, j'étais moi-même en tournée quand vous jouiez ensemble et vous ai donc raté. Comment avez-vous choisi les guests bien connus qui opèrent sur l'album ?

Pour Hansi, ça s'est fait très naturellement. La thématique lui parlait, et dans le mythe dont le titre s'inspire, j'ai voulu justement qu'il devienne mon Orphée des temps modernes, et ça lui va à ravir. Pour Steve Hackett, tout a commencé lors de l'enregistrement de son dernier album. Il voulait une voix orientale pour son titre "West To East" et a pensé à moi. Je me suis empressé de dire oui ! C'est un véritable honneur pour nous qui avons toujours aimé la musique progressive. Il m'avait demandé comment me payer, ou si je voulais qu'il enregistre quelque chose pour moi. J'ai choisi de lui demander un solo de guitare. Celui qu'il joue sur l'album ("Chains Fall To Gravity") est l'un des plus beaux que j'ai entendu de ma vie. Avoir cette reconnaissance de ce pape de la musique Prog, qui est resté très respectueux de cet esprit, ça vaut tout l'or du monde, et donc ça ne se monnaye pas. Pour Tompa, c'est encore autre chose. Je le connais depuis assez longtemps et j'adore sa voix, particulièrement sur les premiers AT THE GATES. Il a une façon de growler tellement particulière, qui sonne tellement douloureuse que ça me semblait parfait pour illustrer "Only The Dead Have Seen The End Of The War" où l'homme de la caverne se fait tuer, ponctuant tragiquement l'album, comme on le fait généralement sur nos disques.

Qui a eu l'idée de cette sirène sur "Only The Dead Have Seen The End Of The War"qui doit te rappeler des souvenirs pénibles (j'ai vu la vidéo où tu choisissais tes six albums de référence, et tu évoquais l'épisode où tu as bondi de ton lit en arrachant la prise de ton lecteur pendant le "Escape" de METALLICA. Qui a eu l'idée de bipper certains mots, entre autres dans "The Brother's Keeper" ?

Encore une fois je suis responsable. Quand j'étais jeune, pendant la guerre du Golfe, quand le Koweït se faisait attaquer, on entendait chez nous ces sirènes pour nous mettre à l'abri du danger. Si j'ai un domaine réservé dans le groupe c'est celui des effets. J'adore ça, et c'est aussi de la musique. J'adore jouer avec les effets de téléphone, de radio. Sur "ORwarriOR" justement, l'album commençait par ça, et sur "From Broken Vessels" on pouvait entendre comme si ça sonnait occupé. Ça me fascine. Sur la fin de "Manifest" c'est bien évidemment fait exprès de couper le son de façon brutale, comme si la communication radio avait été coupée net. L'idée de censurer des mots aussi est motivée par le concept de ce disque, où l'on parle de manipulation des masses et où l'on restreint les libertés tous les jours.

Vous avez une nouvelle fois fait confiance à Jens Bogren. Lui avez-vous encore envoyé huit pages de notes sur le mix ou comprend-il encore mieux là où vous voulez allez ?

Du coup y en a eu treize cette fois-ci (rires) ! Quand je suis monté en Suède, c'était pour jauger notamment tous ces effets, les sirènes etc, car c'est plus de l'ordre du choix artistique, je n'allais pas apprendre à Jens à faire son job, il est incroyablement doué pour le son, et c'est pour moi l'un des meilleurs. On a eu des disputes pendant le processus. On s'est même bien affronté un jour où j'enregistrais mes lignes de chant mais tout ce travail a payé. Il m'a donné masse d'idées super, notamment sur le chant et le résultat en valait la chandelle. J'avais déjà dû me dépasser pendant l'écriture des morceaux car certaines lignes de chant étaient vraiment aiguës pour moi. J'avais demandé aux gars de transposer, mais ça nous aurait obligé à dropper les guitares etc. Du coup j'ai bossé et on a décroché le jackpot car ça m'a ouvert d'autres horizons et permis d'aborder d'autres façons de chanter.

Il a étroitement travaillé avec ORPHANED LAND pour "ORwarriOR". Steven Wilson rencontre un succès grandissant en solo et à juste titre. De quel œil vois-tu cette reconnaissance méritée du public ?

Pour moi Steven est un génie. Peut-être l'un des musiciens les plus doués de sa génération. Ce qui lui arrive est amplement mérité. On a eu une chance incroyable de pouvoir travailler avec lui et il est une sorte de dieu pour moi. Sa musique mérite d'être plus largement reconnue.

A-t-il déjà eu l'occasion d'écouter "Unsung Heroes & Dead Messiahs" ?

Non car l'album n'est pas encore sorti. J'attends que la maison de disques m'envoie mes copies gratuites et je vais bien évidemment l'envoyer à Steven après lui avoir demandé sur quel support il le préfère. Peut-être que je pourrai lui donner en main propre, il doit passer par Israël je crois. Pour moi il va être vital d'avoir ses retours sur l'album.

L'édition limitée comprendra les titres sortis pour le coffret limité "Orphaned Land & Friends 25th Anniversary" réalisé l'an dernier. Vous avez toujours su surprendre, notamment avec votre reprise du "Mercy" de PARADISE LOST qui était l'une de vos influences. Le choix de "Jeremy" de PEARL JAM est plus surprenant.

En fait la reprise de PEARL JAM est partie d'un groupe de soutien qui s'était créé pour pouvoir faire venir le groupe en Israël, ce qu'il n'avait encore jamais fait. On ne connaît pas trop les raisons qui les ont poussé à nous ignorer jusque-là. J'ai cru entendre qu'Eddie Vedder était assez proche de la position d'un Roger Waters sur le sujet, mais rien de concret. Uri, Chen et moi on a donc enregistré cette reprise de "Jeremy" sur laquelle on a apposé la patte ORPHANED LAND. Malheureusement, PEARL JAM a décidé de faire la sourde oreille et le groupe de soutien s'est donc rapidement délité. Mais participer à ça a été une chouette expérience.

Pour finir, une question plus ouverte ; penses-tu qu'ORPHANED LAND a vocation à être davantage que le groupe de Metal aux réflexions humanistes qui fédère des metalleux sans frontières ? Ne penses-tu pas qu'il y a une limitation entre la portée du discours d'un artiste et son engagement politique, en pensant à Bono par exemple ?

Pour moi les artistes devraient davantage prendre exemple sur un Bono effectivement. Il y a un sens à tout ça, et quand on a des choses à dire, on devrait considérer l'aspect politique de la chose. On le faisait dès nos débuts avec ORPHANED LAND. Des morceaux comme "The Sahara's Storm" ou "Orphaned Land, The Storm Still Rages Inside" portaient déjà des convictions, et c'est tellement plus sain de cette façon. Roger Waters est un musicien talentueux et pour cela j'ai du respect, mais j'ai du mal à comprendre comment il peut faire le donneur de leçons en se focalisant sur Israël, oubliant que 70 000 enfants disparaissent en Inde tous les ans, et ce n'est qu'un exemple.



             



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