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SATAN JOKERS
Par JEFF KANJI le 1 Septembre 2012
Publiée le 10 Septembre 2012 Consultée 4032 fois

"Addictions" représente l'acmé du travail de SATAN JOKERS et sans aucun doute un sommet artistique dans l'histoire du Metal Français. Ce concept-album décrit sans fard les mécanismes de l'addiction, délivrés par un Renaud Hantson investi comme jamais. Interview fleuve avec ce musicien passionné et qui revient de loin, plus vivant que jamais.

Bonsoir Renaud, tout d’abord merci d’avoir accepté cette interview. "AddictionS" représente une étape importante de ta vie d’homme et d’artiste. Ce concept-album est à la fois assez nouveau sur la scène Metal hexagonale et du point de vue de la portée des mots qu’il renferme. On a connu la volonté de Bernie Bonvoisin de dénoncer les malaises sociaux ("L’Élite" ou "Répression" en attestent). "Addictions" traite, lui, des mécanismes de l’addiction aux drogues dures et plus précisément à la cocaïne. Ton expérience personnelle t’implique très profondément. L’aspect musical revêt-il autant d’importance que la thématique abordée ?

Bien entendu puisque SATAN JOKERS est d’abord un groupe de Fusion Metal. Pour porter les mots, il fallait une musique originale, puissante, violente, agressive et toujours avec ce parfum de technicité qui fait depuis ses débuts le plus de ce projet.

L’aspect très diversifié du Heavy Metal de SATAN JOKERS a souvent désarçonné par le passé. Le metalleux avait visiblement du mal à s’affranchir des codes du style (je repense à l’accueil mitigé d’un "Trop Fou Pour Toi" assez avant-gardiste à sa sortie en 1984). Peux-tu rappeler à nos lecteurs l’histoire de SATAN JOKERS jusqu’ici ?

L’histoire de SATAN JOKERS remonte en 1979 avec JARRETELLES. A l'époque, j’avais créé ce groupe avec Laurent Bernat à la basse et un guitariste. Ce trio n’a fait que quelques concerts et enregistrements et nous avons décidé d’auditionner des chanteurs, c’est Pierre Guiraud qui fut choisi. Le groupe se séparant de son premier guitariste, Stéphane Bonneau (ex-STRATOS devenu WARNING) a été rapidement engagé. C'est donc en décembre 1981 qu’est né le groupe SATAN JOKERS, nom inspiré par deux bandes de motards rivales des Hell’s Angels aux Etats-Unis : les Satan Slaves et les Gipsy Jokers. Courant 1983 parut un premier opus intitulé "Les Fils Du Métal" (dont les 10 000 premiers tirages contenaient un patch portant le logo du groupe), également précédé d’un 45 T "Les Fils Du Métal" / "Quand Les Héros Se Meurent". Heureux de voir notre premier album atteindre de très bons chiffres de vente, nous n’avons donné malgré tout que deux concerts cette année là à Paris et à Lyon. En 1984, nous sommes retournés en studio pour l'enregistrement d’un deuxième album " Trop Fou Pour Toi " posant les bases d’un Hard FM français et suivi cette fois d’une tournée de 30 dates. A nouveau le premier single "Pas Fréquentables" obtint un support précieux de RTL avec Francis Zégut. En 1985 est sorti le dernier album de ce 1er line-up sobrement baptisé "III" sur lequel je partageais à nouveau les vocaux avec Pierre Guiraud. 4 ans d’existence, trois albums que la presse spécialisée et une grande frange du public qualifient de « cultes », avant-gardistes, rois de la provocation et de la controverse, aimés ou détestés, séparés en 1985, reformés en 2009 avec une nouvelle formation qui est une véritable Dream Team du Metal francophone, la suite appartient à l’histoire !… (rires)…

Penses-tu que la reformation de SATAN JOKERS et le rayonnement d’ "AddictionS" permettent d’affirmer votre crédibilité musicale et artistique et qu’enfin on vous prenne au sérieux ?

Je pense que le groupe a toujours été pris au sérieux depuis ses débuts et que ce sont plutôt ses détracteurs qui ne peuvent pas l’être ! SATAN JOKERS, de l’avis de beaucoup de journalistes de Rock, passe pour le précurseur de la Fusion. On ne peut être plus sérieux avec ce genre musical. Maintenant, pour ce qui est du 20e degré de certains textes à tendance pseudo-sataniste, en effet, tout le monde savait que c’était de l’ironie, sauf les éventuels « QI d’huîtres » ! Nous ne nous sommes jamais rencontrés dans une messe noire et n’avons jamais crucifié des vierges sur des portes de caves !!! (rires)… Le sérieux du groupe n’est à mon sens plus à prouver et les musiciens qui le composent aujourd’hui ont tous fait leurs preuves, comment être plus sérieux ?

La variété est à l’honneur sur "AddictionS". On y trouve du Speed ("Reine Cocaïne"), presque Thrash même ("Ma Vie Sans"), du Heavy Metal plombé ("Detox"), du Hard-Funk ("Substance Récompense"), du Hard-FM aux couplets RAMMSTEINiens ("Detox"), du mid-tempo presque Pop ("Lune De Miel", au texte à double sens) et du Hard Rock plus traditionnel ("Mephedrone"), le tout avec une fraîcheur FM sans doute héritée de ton expérience de ces trente dernières années. J’ai lu que la période de gestation de l’album avait été fulgurante. D’un point de vue strictement musical, comment s’est déroulée la phase de composition avec Michaël Zurita et Pascal Mulot ?

Je me méfie toujours avec le mot « variété » car je mène également une carrière Pop Rock depuis 1986 qui a fait couler beaucoup d’encre avec les « intégristes du Métal » ne comprenant pas que l’on puisse aimer plusieurs styles. Il est évident qu’avec la qualité musicale d’un Michaël Zurita ou d’un Pascal Mulot, nous n’allions pas nous contenter d’un rythme monolithique et d’harmonies pauvres pour structurer les chansons qui composent "AddictionS". Nous avons chacun travaillé de notre côté et proposé des thèmes musicaux. Mike et Pascal ont également fait 4 séances de travail chez l’un ou chez l’autre. J’ai fait trois titres qui étaient dans mes tiroirs depuis l’époque où le premier line-up de Satan Jokers devait sortir un quatrième album. J’ai synthétisé tout cela en composant les mélodies, en retaillant par ci par là les textes proposés par le Docteur Laurent Karila et en en écrivant également 4 avec lui car il y avait certains sujets que je voulais absolument aborder.

On t’a connu, dissimulé dans les deuxièmes voix et abattant un boulot impressionnant à la batterie sur "Les Fils Du Metal", t’affirmant un peu vocalement sur "Trop Fou Pour Toi" et "III" pour ensuite exploser aux côtés de Michel Berger et Luc Plamondon ainsi qu’en solo. Quelle place accordes-tu encore à la batterie ?

J’y accorde de moins en moins de place en effet car je fais le chanteur depuis 1986 et ai eu dans ce rôle la chance en France de jouer de la plus petite salle à la plus grande (le Stade de France). J’ai pu vivre 99,9% des rêves d’un adolescent qui souhaiterait faire de la musique et devenir une Rock Star, les gens ne le savent pas toujours mais je l’explique très clairement dans mon autobiographie « Poudre aux Yeux (Sexe & Drogues & Show Business) », parue chez Pygmalion en mars dernier. La batterie m’ennuie plus aujourd’hui, car je préfère me concentrer sur la partie mélodique et l’interprétation vocale. J’aime par contre toujours sur les albums de mes projets Rock, SATAN JOKERS et FURIOUS ZOO, jouer quelques titres mais je laisse la place aux batteurs engagés. Je fais cependant toutes les parties de batterie sur mes albums solo car je sais parfaitement ce que je veux entendre derrière ma voix pour des chansons à caractère Pop Rock où il faut laisser beaucoup d’espace.

La confirmation d’Aurélien Ouzoulias (LOKURAH, ex-ZUUL FX) au poste de batteur (qui avait mis en boîte deux titres sur "Fetish X") marque une évolution importante, car tu as toujours été le batteur des SATAN JOKERS. Ce choix t’est-il dicté par pragmatisme ? (Renaud Hantson doit faire appel à un batteur live pour se concentrer sur le chant et son rôle de frontman).

Cela n’est pas que du pragmatisme. J’avais joué l’essentiel des batteries sur "SJ 2009", l’album de la reformation tout en invitant Gérald Manceau l’ancien batteur de Warning, Joe Steinmann de Furious Zoo et Marc Varez de Vulcain. Mais il a toujours été question que je reforme le groupe en en étant uniquement le chanteur et frontman. Aurel s’est imposé comme le batteur le plus évident pour reprendre le flambeau car il synthétise, en plus fort encore, tout ce que j’ai essayé d’amener dans les années 80 en mélangeant le Jazz Rock et le Metal. Il a une technique très complète, fait aux pieds ce que je sais faire aux mains et est très inventif. Son apport et son jeu ont été très importants par exemple lors des derniers enregistrements du prochain album qui s’appellera "Psychiatric" et qui sort le 5 janvier 2013. C’est un vrai musicien.

L’autre point essentiel de ce dernier opus est ta collaboration avec Laurent KARILA, spécialiste en addictologie. Comment l’idée d’écrire "Addictions" a-t-elle germé dans ton esprit ? Je rappelle à nos lecteurs que le Dr. KARILA a signé la totalité des textes de l’album. Renaud Hantson a contribué à en co-signer quelques-uns qui lui tenaient particulièrement à cœur. Pour en savoir plus sur leur rencontre et le contexte, je vous invite à consulter l’excellent article du 30/05/2011 paru sur le Facebook de SATAN JOKERS.

J’ai signé avec Laurent "Dealer (Docteur Vice) ", "Appétit Pour L’Autodestruction", "Lune De Miel" et "Substance Récompense". En fait, lorsqu’il m’a contacté sur Facebook, il m’a conseillé d’écrire un concept-album à la manière de Nikki Sixx dans « The Heroin Diaries ». Nous avons même poussé plus loin la rédemption par l’écriture lorsqu’il m’a dit d’écrire une autobiographie très Rock en remplacement d’un journal de mes consommations de cocaïne. Cela a donné mon premier livre « Poudre Aux Yeux (Sexe & Drogues & Show Business) ».

L’enregistrement, l’existence même d’ "AddictionS" est sans aucun doute complexe. Cette phase a-t’elle été un exutoire, ou véritablement une partie intégrante de ta thérapie ? Si oui, dans quelle mesure peut-on la rapprocher (ou la différencier) des témoignages de Rock Stars sur le déclin qui déballent cette partie de leurs vies (plus ou moins romancée) ? Je pense au « Heroin Diaries » de Nikki Sixx entre autres.

Bien entendu, "AddictionS" n’est pas une exhibition mais un acte thérapeutique, tout comme mon livre en est un autre. Très souvent, les Rock Stars ou les groupes de Metal essaient de faire passer dans leurs textes l’aspect glauque et en même temps créatif ou très positif de la consommation de drogue. C’est le côté « Sexe, drogues & Rock n’ Roll » qui est roi dans le circuit, alors qu’on se doute tous qu’en privé ils en font beaucoup moins que ce qu’ils veulent bien dire. Ceux qui en font plus d’ailleurs n’en parlent pas ou peu et très souvent ne font pas de vieux os. Le corps a ses limites. Beaucoup sont déjà partis d’overdoses car on ne peut pas consommer plus que plus. C’est totalement suicidaire. Nous voulions faire un album qui rétablisse la réalité et qui soit autant un album préventif qu’un album de Hard Rock avec tous les ingrédients du genre mais avec des textes intelligents.

Le besoin de parler de l’addiction dont tu as souffert et qui a emporté certains de tes proches, je pense forcément à Laurent Bernat, peut paraître compulsif, voire excessif. En quoi cela te permet-il d’avancer dans ton cheminement d’ancien addict ? Penses-tu par ce biais combler cette faille du narcissisme ouverte par la drogue ?

Chez moi, la prise de cocaïne était totalement compulsive. Ce que l’album "AddictionS" et mon livre « Poudre Aux Yeux » me permettent de vivre est que lorsque l’on sert de guide aux autres, on ne peut pas être en porte à faux avec le message que l’on communique. C’est plus un garde-fou et un guide spirituel qu’une échappatoire complète de mon attirance pour la drogue car un ancien addict reste toute sa vie un addict et est constamment à risques. Laurent Bernat quant à lui me manque terriblement, il n’a pas su s’arrêter car c’est peut-être encore plus dur avec l’héroïne. Ce qui me fait avancer, ce sont les autres, c’est l’écriture, bien que parfois je me dis que je le fais davantage pour des personnes souffrant d’addictions qui pourraient être attirées par cette merde que pour moi-même. C’est un très long chemin avant de revoir complètement la lumière…

Une mission interministérielle semble s’être mise en place pour permettre de diffuser l’outil de prévention que représente "Addictions" (l’album contient un lien permettant de télécharger un e-book préventif qui est un complément à l’aspect purement artistique de l’album). Peux-tu nous en dire davantage et penses-tu réveiller des consciences avec cette démarche ?

A l’heure de notre interview, je n’en sais pas beaucoup plus sur l’action qui devrait être mise en place. Je sais simplement que le Docteur Laurent Karila a rédigé un guide d'accompagnement pour la MILDT (Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Toxicomanies qui intègre ce qui est représenté par l'éducation, la loi, la police, la justice) afin d'utiliser le CD et l'e-book du concept album "AddictionS" de SATAN JOKERS dans un cadre de prévention et de lutte contre la toxicomanie. Notre projet commun passe devant une dernière commission le 10 octobre 2012. Les échos étaient déjà très favorables et le concept avait fait l'unanimité lors d'une première rencontre. C'est un rêve d'adolescent qui se réalise pour Laurent Karila et c’est bien plus important que le top 50 pour moi que de savoir l'album et l'ebook de 130 pages présentés dans les écoles, facs, hôpitaux, prisons, réunions de municipalités, colloques, centre médicaux et hospitaliers et qu'ils pourraient donc bien servir d'objet de prévention comme nous le souhaitions. Cette reconnaissance de notre travail commun avec les membres de Satan Jokers, Pascal Mulot, Michael Zurita et Aurélien Ouzoulias nous offre une situation sans précédent tant au niveau de la musique qu'au niveau de la prévention contre les drogues.

À l’échelle du groupe, peut-on espérer une tournée Française ou des apparitions en festival (SATAN JOKERS était à l’affiche du Hellfest 2009) pour diffuser le message ?

Il n’y aura pas de tournée française réelle mais des dates isolées car nous sommes tous très occupés et ne voulons pas céder non plus aux tarifs pratiqués pour les groupes venant des années 80 dans le circuit du Hard Rock en France. Nous sommes des professionnels et ne pouvons pas brader le groupe sous prétexte que certains autres groupes acceptent de jouer pour des peccadilles. "Psychiatric" sort le 5 janvier 2013 et dans la foulée nous aurons donc fait à peu près une fois les 5 ou 6 grosses régions de France pour présenter "AddictionS" qui sera sur la fin de son parcours promotionnel. Mais je te rassure, le bouche à oreilles sur l’album ayant été vraiment positif, le disque est quoi qu’il en soit un succès, d’autant plus lorsque l’on connait les chiffres de vente réels du marché du Metal aujourd’hui dans notre pays.

Par le passé, vous aviez enregistré des versions anglophones de vos deux premiers opus. Ne crois-tu pas que l’impact d’ "Addictions" puisse être répercuté à l’étranger par ce biais ?

Il n’y aura pas de version anglaise de cet album. J’ai par contre dans mes tiroirs des versions anglaises des albums "SJ 2009" et "Fetish X" que je sortirai peut-être un jour mêlées à des enregistrements live qui dorment également dans d’autres tiroirs. Cependant, rien n’est moins sûr. A l’heure qu’il est, nous pensons que le concert que nous donnerons le 5 janvier 2013 au Satan’s Fest IV au Pacific Rock à Cergy pourrait bien être le dernier concert du groupe, en dehors des dates déjà bookées les mois suivants. L’histoire de ce groupe est complexe mais, tant que nous aurons envie de créer des chansons, nous continuerons peut-être...

Pour terminer, que peut-on attendre de toi et de SATAN JOKERS à l’avenir après quatre albums en cinq ans ?

Aucun autre groupe de Metal français que Satan Jokers n'aura créé autant de polémiques, engendré autant de jalousie, mais surtout réussi à faire l'unanimité auprès de la MILDT dans un cadre interministériel de lutte contre la drogue et la prévention des addictions et enfin aucun autre groupe n'aura en l'espace de 3 ans et demi sorti 4 nouveaux albums ("SJ 2009", "Fetish X", "AddictionS" concept album incluant un e-book de 130 pages !) et un nouveau concept album à venir (Psychiatric) qui comprendra cette fois un DVD de près de trois heures tant attendu par les fans, cela signifie l’essentiel à mon sens… Que peut-on attendre de plus, l’avenir nous le dira…


Le 23/02/2020 par J.P LARSONNEUR

Un grand moment de mégalomanie, cette interview !
On dirait du MANOWAR dans le texte.



             



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