1981. Les choses deviennent sérieuses pour IRON MAIDEN. Non pas qu'elles ne l'étaient pas sur le premier L.P., mais voilà : son succès imposait de lui offrir une suite, et plus tôt que tard. Alors Steve Harris fait du neuf avec beaucoup de vieux. Des compos anciennes, à la fois très directes et drôlement variées, qui donnent l'impression d'un groupe qui tire un peu dans tous les sens et se disperse, alors que sur "Iron Maiden", c'était la crème de la crème des premières années du groupe qui était conservée. Or, sur "Killers", pas de monument épique à la "Phantom Of The Opera". Un instrumental moins grandiose que "Transylvania". Et un morceau-titre, euh… plus réussi qu'"Iron Maiden" ne l'était sur l'album éponyme ! Il fallait bien une exception à ma (micro) liste de downgrades. Mais de vrais downgrades, il y en a peu sur ce très bon deuxième effort studio. Déjà parce que la production est plus pro. Et aussi parce que le niveau instrumental s'élève encore, côté batterie - Clive Burr est toujours plus dévastateur - et côté guitares, puisque Dave Murray trouve en Adrian Smith un duelliste de bien meilleur choix que ne l'était Dennis Stratton.

Mais c'est surtout Paul Di'Anno qui s'affirme comme un chanteur brillant, ici. Il rend vivantes des compos censées, pour la plupart, être mortes et enterrées depuis longtemps. Qu'il s'agisse du registre très Rock dans lequel il s'illustrait déjà sur le premier L.P. ("Wrathchild", "Murders In The Rue Morgue", "Another Life") ou de titres où il doit aller puiser encore plus de rage et de menace ("Killers", "Drifter") ou de feeling (le très électro-acoustique "Prodigal Son"), sans parler de celui où il s'aventure dans les hauteurs (le final de "Innocent Exile" et de "Purgatory", et sur tout "Twilight Zone", judicieusement ajoutée à la K7 US). Un sans faute (de goût) ! Interprétés aussi remarquablement et avec autant de vigueur, même les morceaux qui auraient pu passer inaperçus ont plus de gueule. Car, ne nous cachons pas : "Another Life" et "Innocent Exile" - l'un des tout premiers riffs écrits par Harris - sans les charismatiques saillies de Di'Anno, ça le ferait tout de suite moins. Mais le bonhomme les fait luire comme un soin du cuir ferait briller le Perfecto qui lui colle à la peau. On s'en fait même de bons amis, de ces morceaux mal-aimés ou simplement méconnus.

L'urgence et l'immédiateté de la plupart des titres de "Killers" reste rafraîchissante et mieux vaut finalement entendre ces "vieilles" compos gravées sur un album de début de carrière, moment où IRON MAIDEN était plein de jus et de verve, plutôt que sur une compil' lambda au bout de 30 piges d'existence. Et si quelques-unes apparaissent déjà datées, ce n'est pas le cas de la plupart d'entre elles. Le tubesque "Wrathchild" est dans la droite lignée d'un "Prowler" ou d'un "Running Free". "Killers" est d'une voracité qui va dans le sens du durcissement du Metal des Anglais. "Genghis Khan" nous offre ces cavalcades MAIDENiennes typiques qui deviennent la marque de fabrique du combo et sont à même d'illustrer parfaitement le titre du morceau. Même le bordélique "Drifter", qui ne va pas dans le sens de la sophistication, apparaît plus récent qu'il ne l'est vraiment sous la production de Martin Birch. Par conséquent, l'ensemble ne dépareille pas des nouvelles compositions que sont l'excellent et musclé "Murders In The Rue Morgue" et le lancinant mais captivant "Prodigal Son". "Killers" est un tout qui n'est pas la suite logique d'"Iron Maiden" mais qui en est l'utile et indispensable complément pour apprécier la grande cohérence des années Di'Anno.