Depuis "Brave New World", il y a eu le soigné et prestigieux coffret "Eddie's archives", l'indétronable Rock in Rio en versions CD et DVD, le best of "Edward the Great", le recueil de vidéos "Visions of the Beast", le single "Wildest Dreams", le DVD "Wildest Dreams", l'album "Dance of Death", l'"EP No More Lies Dance of Death souvenir" puis le DVD "Early Days", premier d'une longue série. Un tel enchainement nécéssite généralement une période de calme, ne serait-ce que pour commencer le rembousement des emprunts.

Le truc, c'est que le management d'Iron MAIDEN n'est jamais repu et s'est trouvé confronté à un problème de taille : un vide commercial ! Imaginez un peu : aucune sortie, concert, ni nouveauté à paraitre. Aucun produit, fut-il futile (hum), estampillé "Iron MAIDEN" pendant plus de 2 mois consécutifs ! Et les cadres du label d'imaginer la courbe des ventes fléchir sur les mois à venir.

Une telle situation est rapidement devenue intolérable si bien que tout a été mis en oeuvre pour pallier ce manque au plus vite. Déploiement sans délai des grands moyens par le staff d'EMI RECORDS : mise en place d'une cellule spéciale, réunions de crise à répétition. Jour et nuit tous les services ont été réquisitionnés, l'ensemble du personnel mis à contribution : entretien avec le pôle production pour savoir ce qu'il était possible d'envisager, études des besoins via le site, mobilisation du personnel des archives pour tenter de dégoter des perles inédites et surtout, il fallait un alibi pour justifier la sortie de ce produit calqué sur la réédition de "Run to the hills".

Dans la salle réservée en urgence pour l'occasion, les stratèges de la société, harassés par des heures de brainstorming infructueuses, transpirent d'effort tant la réflexion est intense. Quelques uns osent encore des propositions : "Pour remercier la loyauté des fans" ou "Je sais ! Afin de ne pas oublier la formidable tournée qui vient d'avoir lieu !". La réponse est sempiternellement la même : "déjà fait".

Soudain, c'est l'effervescence. Un petit groupe laisse échapper des "Extra !", "Bravo petit, très ingénieux" tandis que d'autres se laissent aller à l'euphorie mercantile: "cette horde de pigeons vont se l'arracher !" ou à l'expression plus vulgaire de leur satisfaction dont je ferais ici l'économie.

Car l'excuse ultime venait de germer dans l'esprit frais et intrépide du stagiaire, quasi suffoquant à l'idée d'annoncer sa trouvaille géniale : "On va ressortir "Number of the Beast" pour fêter les 25 ans du groupe". C'est le pretexte officiel de l'arrivée dans nos bacs de cette merveille. Le jeune candide a pourtant oublié que c'est déjà celui avancé pour "Early Days"... mais la salve d'applaudissements et les pleurs de joie autour de la table de briefing auront tôt fait de balayer ce détail. L'équipe peut enfin respirer, la pression retombe et le stagiaire est directement promu assitant au service "foutage de gueule".

Car le produit dont il est question n'est pas un banal attrape fan. On a à faire à du haut de gamme en terme d'extorsion. La pochette originale a été revisitée au Powerpoint, on nous a ressorti 2 lives de la mythique Brixton Academy: "Hallowed be thy name" et "Number of the Beast", c'est dire le zèle et l'originalité dont ont fait preuve les concepteurs. Histoire de donner un peu de contenance à l'album, 2 cadeaux visuels viennent compléter cette formidable set list: l'une est le clip d'"Hallowed be thy name" et l'autre ni plus ni moins que la vidéo live du 2ème titre.

La décision est évidemment sans appel: inintérêt total. Je crois que même les collectionneurs les plus mordus lâcheront leurs pièces avec une larme tellement ce produit est hallucinant de nullité. Les morceaux, au demeurant excellents et dont le statut de référence n'est ici pas remis en cause, étant parmi ceux les plus usés sur scènes ou sur les dizaines de supports où ils apparaissent. Un brin de variété dans la sélection des morceaux additonnels aurait été le bienvenu. Quant au prix, il est totalement rédhibitoire quand on peut, sans débourser un centime de plus, piocher dans la magnifique discographie du groupe ou tout simplement se procurer l'album complet et neuf contenant ces titres.

Peut-être pourrait-on signifier à EMI RECORDS, et son formidable personnel, que, malgré la difficulté de la tâche, nous sommes capables de patienter entre 2 albums et que la stratégie qui consiste à nous ensevelir sous les "cadeaux faisant plaisir aux fans" n'est pas toujours pertinente et peut provoquer l'indigestion.

Moralité: à bas les stagiaires !


N.B.: ma chronique est à peu près aussi utile que son objet