La religion. La guerre. Une question de vie et de mort. "A Matter Of Life And Death". Le quatorzième album studio d'IRON MAIDEN explore à merveille l'ambiguïté que les deux thèmes qui l'agitent entretiennent avec l'idée de vivre et de mourir. De créer et de détruire. De succomber ou de survivre. Les textes du groupe ont rarement été aussi cohérents d'un morceau à l'autre et c'est ce qui rend l'ouvrage aussi solide. En outre, ce longue-durée aux faux airs conceptuels est d'une régularité et d'une homogénéité redoutable. Il forme un bunker dans lequel il peut paraître difficile d'entrer, d'autant que ses points d'accès sont bien dissimulés au sein de titres flirtant parfois avec les dix minutes. "A Matter Of Life And Death" regorge pourtant de points d'accroche qui se révèlent au fur et à mesure des écoutes.

Bien sûr, il y en a de plus spontanés, de plus immédiats. Les accords lumineux de "Different World" - titre le plus direct de l'album - et son refrain fédérateur en ont fait naturellement l'un des singles du disque, même s'il n'atteint pas l'intensité ni le côté jouissif des plus grands morceaux d'ouverture d'IRON MAIDEN. La mélodie, le pre-chorus et le refrain de la touchante "For The Greater Good Of God" en font l'un des pics d'intensité de ces 71 minutes bien tassées, même s'il aurait gagné à être allégé sur sa deuxième partie, plus instrumentale. Enfin, le catchy "These Colours Don't Run" est certainement le tube le plus évident parmi cette collection de dix titres au relief marqué. Car, oui, le reste de ces compositions offre un paysage varié et souvent remarquable. Même s'il faut passer plusieurs fois devant pour s'en rendre bien compte.

Ce single inopportun qu'était "The Reincarnation Of Benjamin Breeg" brille ainsi comme une pierre fine dans un écrin au milieu des autres morceaux. La montée en puissance du dramatique "The Longest Day" aurait assurément moins d'impact si elle n'était pas plongée au cœur de l'album, comme si son final libérateur nécessitait une rampe de lancement - pardon, une péniche de débarquement - plus longue que le morceau lui-même. Alors, oui, ce L.P. aux faux accents guerriers est exigeant. Comme le sont les slow burners - il n'y a pas meilleur terme en français - que sont les très bons "Brighter Than A Thousand Suns", "Lord Of Light" et le délicat morceau de fin "The Legacy". Et s'il faut aux impatients se tourner vers des titres plus courts, "Out Of The Shadows" et surtout "The Pilgrim", son riff accrocheur et son pré-refrain soigné ont matière à satisfaire leur soif de diversité dans un format plus resserré.

J'ai cité toute la tracklist ? Pas grave, puisque chaque titre mérite d'être évoqué. Il n'y a pas un seul mauvais morceau sur "A Matter Of Life And Death". Pas un. Ce qu'il lui manque pour décrocher cinq étoiles, c'est un ou deux authentiques tubes MAIDENiens comme le groupe nous en a servi par pelletées durant sa carrière et aussi un peu plus de frugalité dans l'écriture de certains des titres de l'album, qui traînent parfois une ou deux minutes de trop. Mais leur homogénéité dans la qualité fait de cet ouvrage un pavé que l'on n'écoute jamais mieux que d'une traite, en se laissant porter, livret et paroles sous les yeux, par l'ambition du combo, qui a rarement été aussi élevée qu'ici, plus de trente ans après sa fondation.