Vous êtes déjà allé au casino ? Vous voyez les machines à sous qui, dès trois symboles alignés, vous décrochent instantanément un sourire jusqu'aux oreilles… On glisse la pièce ou le jeton dans la fente, on appuie sur le bouton et on espère très fort que la chance va nous sourire. Et plus les signaux positifs s'accumulent – du moins ceux que l'on interprète comme tels, genre deux symboles sur trois similaires – plus l'on s'imagine proche du jackpot. Alors que l'on en est probablement tout aussi loin qu'avant de lancer la machine pour la première fois. Eh bien le job de chroniqueur, c'est pareil. On se met face au lecteur, on lance le disque et on croise fort les doigts pour que les signaux positifs s'accumulent et que les cinq étoiles s'alignent, graal de tout critique musical.

C'est un peu ce que l'on ressent lorsque l'on glisse pour la première fois le premier album de The NIGHT ETERNAL dans la platine. Parce qu'à mesure que les morceaux s'enchaînent, ce sont autant de tubes d'un Heavy Metal racé, teinté d'atmosphères Goth, qui s'empilent. Venu d'Allemagne, le quintette pratique un style qui devrait interpeller les fans de LUNAR SHADOW, UNTO OTHERS ou IN SOLITUDE. Mais avec une capacité à séduire le fan de Heavy pur et dur supérieure à ces trois formations émérites. Déjà parce que le sens du riff limpide et percutant dont jouit et joue le combo est absolument confondant. Quasiment aucun titre du disque n'est dépourvu de son (ses) hook(s) qui tue(nt). Et le talent dont font montre les deux guitaristes pour fournir à tour de bras du lead harmonisé façon NWOBHM est immédiatement captivant.

Assise sur une section rythmique sans fioriture, les mélodies de The NIGHT ETERNAL font mouche à une fréquence affolante. Mais leur puissance de frappe ne serait pas aussi forte sans la voix chaude et parfois plaintive ou agressive de Ricardo Baum, dont le timbre paraît autant adapté au Heavy Metal qu'à la Soul ou au Rock Gothique. C'est une sacrée performance dont nous gratifie le chanteur tout au long de cet album, qu'on glisse dans la platine avec autant d'avidité que lorsque l'on actionnait, jadis, le bras d'un bandit manchot. Oui, le quintette d'Essen donne au passionné de Heavy le sentiment de pouvoir décrocher le pactole à chaque tour de disque. Le défilé de hits est si soutenu qu'il est presque difficile de mettre en exergue un morceau plutôt qu'un autre. Mais qu'importe : tentons !

Au rayon des refrains plus-immédiat-tu-meurs, "Elysion (Take Me Over)", le sombre "Cloaked In Darkness", l'envoûtant "Son Of Sin" et l'incroyablement accrocheur "Prison Of Flesh" marquent l'esprit de façon indélébile dès la toute première écoute. Rares sont les compositions à apposer leur marque aussi définitivement que ces quatre titres en si peu de temps. Et même s'il faut reconnaître qu'ils sont taillés dans le même roc(k), leur pouvoir d'attraction et leur rejouabilité – comme disent les gamers – est a priori infini. Certes, ils laissent apparaître de façon plus ou moins flagrante la "formule" de composition du groupe : structure de chanson classique (donc instantanément familière), tempo enlevé, riffs catchy en diable, chorus marquant et répété fréquemment, soli de guitare soignés… Mais comme on en redemande parce que cela fonctionne à mort, The NIGHT ETERNAL aurait tort de ne pas la répéter, cette formule.

À côté de ces tueries-là, les autres compositions pourraient faire pâle figure, mais non. Même lorsque le combo lève le pied de l'accélérateur pour poser des ambiances plus suaves – sans verser dans le mid-tempo non plus – il marque des points. "Shadow's Servants" tire quelque chose d'hypnotique de son tempo moins vif et Ricardo Baum le magnifie de sa voix magnétique. Et quand on a l'impression de tomber sur un morceau moins bon – comme "Deadly As A Scythe" ou "Moonlit Cross" – l'on se surprend à fredonner ici un riff, là un couplet, ici un solo, là un refrain. Car ces deux titres feraient office de Singles sur plus d'un album de Heavy Metal, tant ils ont de quoi captiver l'auditeur. Tout juste peut-on, jusqu'ici, noter combien The NIGHT ETERNAL aime écouter ses propres refrains, tant il en répète certains pour conclure plusieurs morceaux, notamment "Son Of Sin". Mais quand c'est si bon, on s'en fiche pas mal.

En fait, il faut attendre "Closeness In Suspension" pour entendre The NIGHT ETERNAL commettre un faux-pas. Enfin, un "faux-pas" : un morceau qui ne puisse faire office de tube imparable, en vérité. Car s'il fonctionne moins bien que les précédents, reste qu'il s'agit d'une composition solide qui a de quoi faire tendre l'oreille et le ferait sans doute davantage si elle n'était pas entourée d'autant de morceaux marquants. Alors, oui, sa présence donne effectivement le sentiment d'avoir loupé sa chance d'accrocher les cinq étoiles. Mais contrairement au casino, même si l'on ne touche pas le jackpot une fois l'album terminé, on a quand même le sentiment d'avoir vécu un splendide moment de musique et on a tout sauf l'impression de s'être fait plumer. Mettez donc de côté pour un moment vos souvenirs de HERZEL, d'UNTO OTHERS ou de RAGE : le vrai album de Heavy Metal n°1 de l'année 2021 est ailleurs. Et c'est bel et bien chez The NIGHT ETERNAL qu'il faut le chercher.