Que les choses soient claires : il n’y a rien de honteux à faire la pute auprès du grand public. Il est normal qu’un groupe ait envie de simplifier sa musique, de dégoter de jolis refrains et de faire appel à un producteur en toc pour vendre des pelletés de singles. Le racolage artistique n’est pas puni par la loi et engranger quelques millions de dollars peut légitimement faire partie du plan de carrière du rocker de base. Reprocher à METALLICA d’être allé se vendre et d’avoir perdu son intégrité en cours de route n’a aucun sens.

Du moins tant que les chansons sont au rendez-vous, ce qui n’est pas le cas ici. Le problème de ce « Black Album » n’est pas tant sa démarche (devenir riche) que son contenu, relativement poussif, inégal et laborieux. Car pour un "Enter Sandman" (surestimé, d’ailleurs) ou un "Sad But True" assez fringants, combien de "Don’t Tread On Me" (grotesque !), "The God That Failed" et autres "Of Wolf And Man" ? Les ballades, qu’on ne fera pas l’injure de nommer, sont à vrai dire excellentes, Metallica ayant toujours assuré de ce côté-là. Mais les compositions heavy sont pour la plupart complétement bancales ("My Friend Of Misery", qui gâche un riff entraînant avec un refrain inécoutable). Et la production clinquante de Bob Rock ne suffit pas à faire passer la pilule. Il s’agit, au mieux, d’un cache-misère, d’une couche de peinture fraîche sur un taudis.

Pire, ce taudis-là n’est rien moins que l’annonce des tonnes d’immondices que METALLICA a déversées au cours des années suivantes. Ainsi, une chanson aussi pénible que "The Struggle Within" a déjà clairement l’arôme des catastrophes à venir. Dès lors le bilan est clair : le groupe se révèle ici à bout de souffle. Vidangé de son inspiration, il jette ses dernières forces dans quelques compositions honnêtes qui, hélas, ne suffisent pas à remplir un album. Mais le plus dramatique est alors que le succès ait pu le pousser à continuer et à nous infliger ensuite une série de disques (série en cours…) parmi les plus abominables de l’histoire du Metal.

METALLICA, un grand groupe ? Non, un grand groupe sait s’arrêter à temps.