Voici un album contre-nature. Une anomalie.

Vingt ans après ses débuts, un groupe n’est pas supposé faire ça : sortir un bon disque. Surtout un groupe dont la discographie était jusque-là inégale, certes parsemées de pépites étincelantes mais hélas plombée par une belle quantité de compos médiocres que les fans – mais c’est la caractéristique des fans, donc on leur pardonne – refusent obstinément de voir.

Non. Vingt après ses débuts, un groupe est supposé être vieux et fatigué, vidé, sans âme, recyclant son heure de gloire auprès d’un public nostalgique. Il est supposé être à peu près mort. C’est une loi de la nature. La créativité n’est pas éternelle, au contraire elle s’épuise vite. Et dans le cas de MAIDEN, ne l’oublions pas, les premiers signaux d’alarme se sont faits sentir dès 1982. Quand on appelle une chanson "Gangland" (salivaire), a priori on n’est pas fait pour durer.

Mais il y a des exceptions, et "Brave New World" en est une belle. Attention toutefois : on retrouve ici les défauts habituels du groupe. Des compos bien trop longues pour être honnêtes, qui auraient mérité un énorme coup de ciseaux. En un sens "Brave New World" est un peu le "St Anger" de MAIDEN. Sauf bien sûr que "St Anger" n’est pas une exception mais une éclatante confirmation de l’état de putréfaction puante dans lequel un grand groupe peut être vingt ans après ses débuts.

Autres défauts ? En fait… il n’y en a pas vraiment. Ce disque fut une (petite) claque. Une épiphanie tardive qui voit MAIDEN reprendre toutes ses recettes, ses gimmicks et ses tics, mais en leur donnant une efficacité nouvelle. Il fallait être là, en mai 2000, pour comprendre ce qu’a incarné la sortie de "Brave New World". Ce fut comme si le Metal renaissait un peu.

Alors on savait bien que ce serait éphémère. On ne contrarie pas impunément les lois de la nature et le groupe a payé le prix fort par la suite, alignant des disques honteux à côté desquels "No Prayer For The Dying" est un chef-d’œuvre intemporel. Mais tout ça n’est pas très grave : il nous reste un album intense, cohérent, un peu fatiguant sur la durée mais qui a cette particularité rare chez MAIDEN de ne pas comporter de chanson bouche-trou ou trop faiblarde. Et même si Dickinson n’est plus en état de grâce comme sur "Seventh Son Of A Seventh Son", il ne gâche pas la fête. C’est déjà ça.

Conclusion : même sans un "Hallowed Be Thy Name" ou un "Aces High", ce "Brave New World" est supérieur à "The Number Of The Beast" et à "Powerslave".

Pour ne citer que ces deux-là. Au hasard, bien sûr.