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HELLOWEEN - The Dark Ride (2000)
Par BAST le 3 Novembre 2010          Consultée 17130 fois

Cher Michael,

C’est balloté par les affres de la confusion que je prends ma plume pour vous adresser ces mots.
J’ai souvenir d’une anecdote livrée par un peintre de ma connaissance. L’artiste, un jour, a fait mention, au titre de la propriété intellectuelle, des prérogatives dont il jouissait sur ses œuvres. La vente, disait-il, ne marque pas le terme de la conception. Que ses toiles croupissent dans l’ombre de l’atelier ou qu’elles agrémentent le salon d’un acquéreur fortuné (le peintre en question jouissait d’une certaine renommée), il gardait de son vivant la possibilité de les convertir à sa guise. Formes et couleurs, nuances et teintes, il en était l’ordonnateur éternel. L’œuvre tirait sa légitimité de la satisfaction absolue que le peintre nourrissait à son égard. Ainsi, ce vieil artiste serait-il la proie d’une amertume à l’égard de son tableau qu’il pourrait frapper à la porte du propriétaire et réhabiliter par une intervention repentante la toile honnie.

Pourquoi cette anecdote ? Parce que j’ai l’impression incommodante, cher Mickael, de vous avoir vu débarquer tantôt chez moi pour vous livrer à un discours dédaigneux au sujet de l’une de vos créations, "The Dark Ride", sans faire cas de l’intérêt que je pouvais lui porter. Bien sûr, vous n’avez pas retouché l’œuvre, figée dans le magnétisme lui-même claquemuré dans le plastique ; la correction est intervenue différemment quand l’album suivant voyait le jour. Là, dans votre exercice promotionnel, vous vous êtes livré à un comparatif méthodique au cours duquel vous avez rabaissé "The Dark Ride" pour mieux faire l’éloge de "Rabbit Don't Come Easy".

"The Dark Ride" a été commercialisé, cher Michael, et je ne crois pas que les subsides subséquents aient été repoussés par vos soins avec un mépris identique à celui encrassant vos mots trois ans plus tard. On aurait certes pu souligner une manière d’honnêteté, plutôt osée du reste : quel compositeur sait ainsi avouer ses erreurs ? Mais les critiques furent formulées bien après la sortie de "The Dark Ride". L’achat (le mal ?) était déjà fait. Vous pourriez rétorquer que votre défiance à l’encontre de "The Dark Ride" était déjà palpable lors de sa sortie, quand la promotion l’accompagnant a manqué de votre appui. Vous pourriez expliquer que vos silences et votre mine renfrognée constituaient un avertissement formulé sous cape adressé aux acheteurs potentiels. Personne ne l’a compris alors ; ce laconisme fut attribué à votre caractère taciturne, comme à l’accoutumée, certainement pas à quelque désaveu impossible à exprimer face à la pression d’un label qui fait bien peu de cas de vos états d’âme.

Vous n’aimez pas "The Dark Ride", trop sombre à votre goût. Vous clamez votre préférence pour le happy metal, vous qui, pourtant, donnez l’impression avec vos traits tirés vers le bas que la gravité est plus forte sous vos pieds que partout ailleurs, vous et cette cigarette accrochée à vos lèvres avec autant de joie que le pendu à sa potence.
En conséquence de quoi, cher Michael, je juge vos interventions a posteriori sur "The Dark Ride" comme des manquements frustes envers ceux qui escortent votre carrière, tels les soldats flanqueraient le roi pour qu’il ne tombât jamais.


Je ne connais pas l’auteur de ces mots. Ils figuraient sur une lettre anonyme retrouvée à demi-froissée au fond d’une poubelle, juste devant la propriété de Michael Weikath, par un journaliste en pleine investigation. Longtemps le courrier été laissé de côté, avant que le journaliste ne sachant qu’en faire ne nous l’envoie.
Si j’ai décidé de retranscrire son contenu ici, c’est parce que je partage le point de vue de son auteur.

N’est-ce pas aussi déroutant que déplaisant, en effet, d’aimer un album tandis que l’un de ses géniteurs en a presque honte au point de se décharger de toute responsabilité ?

The Dark Ride, pour moi, c’est quoi ? Explication en trois points :
1 - J’aime la période Deris.
2 - Au cours de la période Deris, "The Time Of The Oath" est l’album que je préfère.
3 – J’apprécie presque autant "The Dark Ride" que "The Time Of The Oath".

Après un "Better Than Raw" que j’ai jugé correct mais trop inconsistant, j’ai retrouvé sur "The Dark Ride" des compositions adroites, qui touchent au but sans forcer, se mémorisent facilement, se déclinent à la force d’une variété de boite de chocolats et exhalent un parfum épique entrainant. C’est peut-être du reste ce qui me fait l’apprécier le plus. HELLOWEEN période Deris n’a jamais été aussi épique qu’ici.
Un état qui se traduit par des ambiances martiales comme sur "The Departed (Sun Is Going Down)" (riff et refrain donnent l’impression de se tirer la bourre) ou, plus classiquement, par des hymnes au premier rang desquels "Salvation", morceau inoubliable, avec son thème obsédant à la guitare et son refrain fédérateur.

On parle souvent de "The Dark Ride" comme d’un album sombre. C’est une appréciation lancée à l’aune des albums précédents. Car HELLOWEEN ne vire pas au Black Metal pour autant. Entre plus sombre et satanisme, il y de quoi construire quatre ou cinq autoroutes de front. Sombre, c’est la distorsion moins propre et précise (le break de "Mr. Torture"), la rythmique appuyée, épaisse et fortement poussée en avant ("Escalation 666"), et surtout une somme incalculable d’atmosphères. On les sent pesantes sur l’intro qui pourrait ouvrir un album de DIMMU BORGIR, cloisonnées sur "The Dark Ride" comme l’illustration musicale d’une folie douce, épiques avec "Escalation 666" sur lequel Andi Deris se lance dans une imitation de Chris Boltendahl (GRAVE DIGGER). Elles peuvent être tissées par une guitare sous-accordée, des vocaux torturés, quelques orchestrations aussi ; les Allemands usent de toutes les possibilités laissées à leur disposition, ce qui leur permet même d’expérimenter comme sur "The Departed (Sun Is Going Down)" qui voit HELLOWEEN travailler un riff étonnant et lancer un refrain réglé sur un rythme hypnotique.
A côté de cette noirceur délicate jetée sur les compositions, le happy metal reste perceptible. "The Dark Ride", c’est comme une veuve qui se fend la gueule derrière son voile : ce n’est pas vraiment triste, pas vraiment drôle non plus, juste intrigant.

Il y a sur cet album de quoi satisfaire les fans de la première heure tout comme les plus récents, embarqués dans le navire HELLOWEEN après que Weikath eut décidé de pousser plus avant le côté happy metal. Ce point de vue est contestable puisque rarement un album d’HELLOWEEN n’aura autant divisé (le dénigrement de Weikath manifesté à l’égard de cet album a peut-être même pu jouer un rôle dans cette bouderie générale).
Je persiste, pourtant, "The Dark Ride" est un bon condensé de ce que les citrouilles ont fait, font et feront. Car il est riche de mélodies en béton, de plans travaillés et d’idées assez neuves pour que jamais personne, y compris les détracteurs de cet album, ne lui ait fait reproche d’une éventuelle redite. Dans un genre où l’innovation est rarement évoquée, HELLOWEEN, avec son style remodelé mais clairement identifiable, montre une manière de progression qu’on ne lui soupçonnait d’ailleurs pas.

Il est désormais temps de retranscrire la conclusion de la lettre. J’en partage l’esprit :
Mon cher Michael, je plaide auprès du géniteur la cause de son œuvre, parmi les plus abouties. "The Dark Ride", quoi que vous en disiez, est un formidable album de speed mélodique.

Note : 4,5 / 5

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- Andi Deris (chant)
- Roland Grapow (guitare)
- Michael Weikath (guitare)
- Markus Grosskopf (basse)
- Uli Kusch (batterie)


1. Beyond The Portal
2. Mr. Torture
3. All Over The Nations
4. Escalation 666
5. Mirror Mirror
6. If I Could Fly
7. Salvation
8. The Departed (sun Is Going Down)
9. I Live For Your Pain
10. We Damn The Night
11. Immortal
12. The Dark Ride



             



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