"Somewhere In Time", et IRON MAIDEN choisit de s'adapter à l'air du temps plutôt que de le devancer, comme il l'avait fait jusqu'ici en tant que pionnier de la NWOBHM. Si ç'a mal fonctionné pour JUDAS PRIEST sur "Turbo", la Vierge de Fer en sort gagnante, elle, car les guitares-synthé adoptées par Adrian Smith, seul compositeur de trois morceaux sur huit, sont employées avec une efficacité et une justesse remarquables. Il ne faut d'ailleurs pas attendre longtemps pour les entendre puisque les deux standards qui ouvrent l'album en sont gorgés. Tubes aux riffs et aux refrains imparables, sur lesquels Bruce Dickinson est impérial, "Caught Somewhere In Time" et "Wasted Years" - à jamais mon morceau fétiche de MAIDEN - sont de tels sommets qu'on pourrait craindre une suite casse-gueule. Il n'en est rien !

Le très enlevé "Heaven Can Wait", signé Steve Harris, est taillé pour la scène, et les deux autres morceaux de Smith, "Sea Of Madness" et "Stranger In A Strange Land", aux sonorités emblématiques de la deuxième moitié des années 80, se montrent très accrocheurs sans pour autant verser dans les tempi frénétiques ni nécessiter des envolées vocales stratosphériques de Dickinson. IRON MAIDEN est bien dans son époque et ça s'entend ! Les fondamentaux NWOBHM du groupe restent là, toutefois. Comme en témoignent un "The Loneliness Of The Long Distance Runner" punchy malgré sa durée, qui rend un bel hommage à l'une de mes nouvelles (et de mes adaptations ciné) favorites, ainsi qu'un "Déjà Vu" tout sauf anecdotique. Il s'agit au contraire d'une authentique speederie MAIDENienne exaltée comme le groupe en garde la recette. Morceau dit "secondaire", il affiche pourtant une spontanéité et une urgence proches des débuts du groupe que je préférerai toujours à certains classiques plus froids.

Ce qu'il y a d'extraordinaire avec le sixième longue-durée de la Vierge de Fer, c'est que même les compos supposées faibles sont d'une solidité à toute épreuve. Et pour un album dont la thématique est le temps, force est de constater que l'ouvrage, pourtant ancré dans les tendances de son année de sortie, lui résiste admirablement. Si "Somewhere In Time" est mon album préféré d'IRON MAIDEN, c'est pour ce mélange tout sauf incohérent de sophistication et d'accessibilité, de calcul et d'instinct. Un équilibre subtilissime que les Britanniques n'achèvent pas à chaque seconde non plus, comme en témoigne un "Alexander The Great" superbement épique mais qui s'égare légèrement de son objectif de conquête en son milieu. Mais un équilibre admirablement tenu malgré tout. J'en oublierais presque la splendeur de la pochette, avec tout ça. Rien à dire de plus à part : quelle classe !