Je me souviendrai toujours de mes 14 ans, plus précisément de mon été. Une saison merveilleuse, une période charnière dans ma vie où j’ai expérimenté bien des choses, et ce pour la première fois : première beuverie, premières drogues, premiers partys entre amis, et bien sûr premières relations amoureuses. Il y avait cette fille dans notre groupe d’amis que j’aimais bien. Prenant mon courage à deux mains, je l’invitai au festival annuel de notre petit village. Elle accepta et on se retrouva là-bas, entre le magasin de farces et attrapes et le marchand de barbe à papa. Bien vite, comme bien des fois à cet âge, le tout tourne à la catastrophe lorsque la demoiselle en question semble plus intéressée par un autre mec plus vieux (et donc plus cool que moi) : surprise totale face à son comportement. Tel un aveugle en pleine partouze, je n’ai rien vu venir. Le moral dans les talons, je quitte la place rapidement, honteux d’avoir échoué dans ma tentative de courtiser la jeune dame. Solidaire dans la défaite, un ami qui avait vu la scène de près me lance l’idée de retourner chez lui afin de continuer la soirée avec comme objectif de regarder la télévision, de se goinfrer de croustilles et de bières : pourquoi pas.

Arrivé chez l’individu en question, on inspecte les programmes de soirée à la télévision. L’ami (François de son nom) analyse les différentes émissions potentiellement bonnes pendant que je me bats avec mon sac de croustilles afin de l’ouvrir :

- Pas grand-chose à se mettre sous la dent… À part quelques films dramatiques et le téléjournal de fin de soirée. Il y a aussi "Rock In Rio" avec IRON MAIDEN.

À l’époque, je savais qui était la bande à Steve. Ma découverte du Metal en était toutefois à ses débuts : je connaissais METALLICA sans tout savoir sur eux et des amis m’avaient fait découvrir le grand MAIDEN quelques mois auparavant. J’avais directement été acheter "Edward The Great" et pris mon pied avec le plus grand plaisir. En ce qui concernait le concert par contre, j’étais plutôt sceptique : d’après mes calculs, si le premier disque était sorti en 1980 et que les gars avaient au minimum vingt ans à l’époque, aujourd’hui ils en avaient plus de quarante : aucun intérêt pour moi de voir une bande de quinquagénaires arthritiques sur scène.

-Bof, je ne sais pas trop, une bande de vieux qui se remémore ses plus gros succès d’il y a quinze ans, je ne crois pas que ça améliore mon état mental.

- Il n’y a rien de mieux, à part si tu préfères écouter « 10 choses que je déteste de toi ».

- Bon d’accord, on peut bien essayer…

Il y a de ces moments marquants dans la vie d’un jeune homme, il y a également de ces moments bien spéciaux dans la vie d’un Metalleux et celui-ci en fait partie : Dieu que j’étais dans le champ lors de mon analyse initiale. Ici, je voyais enfin MAIDEN en pleine action : Bruce qui court partout, Steve balançant sa basse en pointant tout le monde, Janick qui bouge et divertit le public, Nicko et ses sourires contagieux, sans oublier Adrian et Dave qui maintiennent le fort. Tout y était : l’énergie, la foule en délire qui reprenait les hymnes fédérateurs, les décors à tomber par terre : Je découvrais "The Trooper" avec le "Union Jack", Eddie en humanoïde lors "The Evil That Men Do" et l’énorme Eddie pendant la chanson-titre. La setlist, alliant les nouveaux morceaux et les titres populaires, était parfaite pour me faire découvrir certaines chansons tout en me laissant emporter par celles que je connaissais.

Aujourd’hui encore, "Rock In Rio" résonne encore à mes oreilles comme un des moments les plus importants de ma vie : la connaissance d’un groupe mythique sur scène, mais aussi un enseignement comme quoi même à quarante ans (et plus) on peut foutre une branlée à la plupart des petits groupes de vingt ans. Il m’arrive encore de regarder ce spectacle en me disant à quel point il est merveilleux et que c’était aussi un moment spécial pour le groupe : Le retour au bercail de Bruce et Adrian avec une foule qui leur est acquise à l’avance. Si au départ j’avais maudit la demoiselle en question de m’avoir laissé en plan, aujourd’hui je la remercie puisqu’elle m’a permis de passer l’une des soirées les plus mémorables d’un Metalleux : LE "Live" par excellence en ce qui me concerne.

Morceau préféré : "Fear Of The Dark".