Si j'avais été fan de KISS en 1979, je pense que je serais tombé des nues. Comment peut-on passer, en l'espace de deux ans, d'un album culte ("Love Gun") à un truc comme "Dynasty" ? Comment un groupe clairement classé dans la catégorie Hard Rock peut-il avoir eu l'idée de pondre un album de pop-rock vaseuse mâtiné de disco à deux balles ? Sur le coup j'imagine que personne n'avait vraiment pigé ce qu'il s'était passé.

Ironie du sort, malgré sa grande médiocrité, "Dynasty" a remporté un immense succès commercial : il a littéralement explosé les charts du monde entier avec le single "I Was Made For Loving You" (2ème en France !), dont tout le monde connaîtra toujours par cœur le refrain sucré et le gentil petit riff d'introduction. En 1979, ça devait être considéré comme une magnifique opération séduction à l'égard du très grand public (même si faut pas déconner, à l'époque KISS était extrêmement populaire). Mais à l'heure où j'écris ces lignes, difficile de voir autre chose en "Dynasty" qu'un album ringard, fade et sans saveur.

L'expression de Gene Simmons sur la pochette (au demeurant hideuse) résume parfaitement l'égarement qui caractérisait KISS à cette époque. Complètement paumé au milieu de cet océan de pop niaiseuse, le Demon a accouché de deux titres seulement, totalement superficiels et inintéressants. Paul Stanley s'en sort mieux : outre le tube éponyme, il signe une ballade correcte ("Sure Know Something" et sa super ligne de basse, une chanson qui sera littéralement ressuscité avec le live "Unplugged"), soit deux titres passables sur trois ("Magic Touch" étant une des pires bouses qu'il n'ait jamais enregistré). Fort du succès de son album solo sorti l'année précédent, Ace Frehley est monté en grade : trois de ses chansons figurent sur l'album (soit une de plus que Gene, invraisemblable !), dont l'excellente reprise des ROLLING STONES "2,000 Man", qui s'imposera pour la postérité comme un classique absolu du Spaceman. Devenue la caution bourrine du groupe, Ace nous sort de notre torpeur en poussant quelques gueulantes bienvenues sur les refrains de "Hard Times" et "Save Your Love", titres aux compos correctes mais complètement avilis par une production ultra aseptisée confondante de nullité.

Déjà sur la sellette, Peter Criss a été banni de l'enregistrement mais a quand-même réussi à faire passer une de ses chansons, bien dans l'esprit de son album solo. Comme pour ce dernier, "Dirty Livin'" est totalement hors sujet, mais cette chanson un peu funky et joviale est loin d'être la pire daube de l'album. Pas de quoi sauver un disque rapidement devenu désuet et obsolète. Hormis "I Was Made For Lovin' You" et "2,000 Man" (et éventuellement "Sure Know Something"), KISS aura tôt fait de l'abandonner dans les poubelles de son histoire après avoir empoché le produit de sa vente, et personne ne va honnêtement s'en plaindre.