Depuis qu'il évolue sous forme de sextette et que ses albums durent entre 1h10 ou presque et 1h30 bien tassée, IRON MAIDEN est devenu plus prévisible. Non pas qu'on lui demande de réinventer l'eau chaude - je suis l'un des premiers à tolérer que le groupe pioche un peu partout dans sa discographie pour rapiécer des bribes de nouvelles compositions - mais l'on apprécierait quand même un petit élément de surprise de temps en temps. "Senjutsu" en a apporté un brin après vingt piges de ménage à six, de par son côté posé, sa lancinance assumée et sa volonté de transporter l'auditeur loin avec le même genre d'ingrédients que d'habitude mais sans trop jouer sur la nostalgie des chevauchées up-tempo d'antan. Avant cela, toutefois, IRON MAIDEN est passé par des hauts et des bas que son opus studio de 2015, "The Book Of Souls", représente à lui seul.

Un double L.P. présentant des atours d'album-somme, mais qui est surtout une somme de creux et de bosses, capable de séduire vraiment comme d'énerver profondément. Les morceaux décevants se trouvent surtout sur le deuxième CD, toutefois. Je veux parler de l'inodore et incolore "Death Or Glory" - faux tube en carton - et les ennuyeux "Shadows Of The Valley" et "The Man Of Sorrows". Ils ne sont pourtant pas les plus longs titres de l'ouvrage, loin de là, mais qu'est-ce qu'on les sent passer ! "Shadows Of The Valley" donne la désagréable impression, sur le plan musical, d'être la suite du "The Fallen Angel" de "Brave New World", tellement son couplet ressemble au refrain de ce dernier. Sans compter que le morceau est lancé par un quasi autoplagiat du riff d'intro de "Wasted Years", en moins bien. Quant à "The Man Of Sorrows", son seul atout est de disposer d'un refrain qu'on retient.

Sur le premier disque, en revanche, c'est surtout la complexité des plus longs titres qui font passer les sympathiques "The Great Unknown" - qui me fait étrangement penser à "Brave New World", allez comprendre - et "When The River Runs Deep", aux atours plus Hard, pour des morceaux de seconde zone, alors qu'ils ont de belles qualités, notamment leur structure relativement simple qui les rend agréables à suivre et faciles à chanter (big up à feu Pascal Brunner). J'avoue écouter plus souvent ces deux titres-là que le vanté "The Red And The Black", aux longueurs qui poussent parfois à décrocher et aux "wohoho" saoulants, et "The Book Of Souls", qui oblige l'auditeur à être très attentif pour en retenir les subtilités. Non pas que je sois rétif aux structures plus alambiquées, hein, puisque j'aime beaucoup le très Prog et parfois lyrique "Empire Of The Clouds"...

Reste que les mastodontes de ce double-album occultent les morceaux plus directs et parfois plus prenants de l'ouvrage, au premier rang desquels "Tears Of A Clown", au texte touchant, et l'archi-classique et pourtant efficace "Speed Of Light", aux flagrantes inspirations DEEP PURPLEsques. Heureusement, un titre comme "If Eternity Should Fail" parvient à concilier le meilleur des deux mondes : l'accroche des morceaux les plus francs du collier et l'aspect plus fouillé - et non pas fouillis - des compositions les plus progressives. Placé en ouverture de l'opus, il lance celui-ci sur de bons rails, qui permettront au train IRON MAIDEN d'éviter de dérailler au cours de son très long périple. Même si la Vierge de Fer frôle parfois la sortie de route, la maîtrise de ses conducteurs la mène malgré tout à destination : le succès et la reconnaissance, une fois de plus.