« Bonjour je m’appelle Roger Taylor, j’ai retrouvé des bandes audio d’un vieux copain décédé, il y a plus de vingt ans. Les fans raffolent de ce genre de trucs on pourrait peut-être en faire quelque chose ?
- Salut, moi c’est Brian, spécialiste en marketing harmonisé et en réorchestrations de titres existants. Et là c’est un pote à moi William, pas encore assez connu dans le milieu du Rock (il a quand même bossé sur le "Electrical Storm" de U2) mais qui pourrait peut-être t’aider…
- Bon voilà, j’ai fait une connerie j’ai annoncé une espèce d’album avec QUEEN, mais le VRAI QUEEN, c’est-à-dire, toi, John, Fred et moi.
- Hum, hum, où veux-tu en venir ?
- J’ai pas assez de matière en fait pour un album complet. En gros j’ai retrouvé les bandes d’un morceau de Freddie, "There Must Be More To Life Than This". Tu sais quand Michael Jackson a passé 48h avec lui en 1982...
- Oui je vois bien. Il avait pas aussi enregistré un titre inédit "State Of Shock" ? Parce que bon, on n’a pas retenu ce titre à l’époque, et Freddie avait fini par le sortir sur son premier album solo en 1985.
- Ben si… Le problème c’est que du côté Michael Jackson, ça coince un peu et comme Freddie est seul compositeur là-dessus, ils font pas trop chier, mais pour l’autre, faudra attendre à ce qu’ils se décident à exploiter un peu plus le membre le plus rentable de leur famille.

- Mouais, c’est pas un peu ce qu’on est en train de faire là ?
- Écoute Brian, de toi à moi, quand il a fallu réarranger des titres de "Mr Bad Guy" pour "Made In Heaven", tu faisais pas tant la fine bouche.
- Oui mais c’était une autre époque… Et puis entre nous on a fait du super boulot malgré les conditions tu trouves pas ?
- Oui c’est vrai qu’on aurait du direct les faire dans le cadre de QUEEN, notamment le morceau-titre où ton travail sur les guitares est terrible…
- Putain, j’ai une super idée : on va faire une compilation… Si, si, c’est ça qu’il faut faire. D’ailleurs on mettra "I Was Born To Love You" et "Made In Heaven" dessus. On les a jamais mises sur un best of celles-là ?
- Non en effet. Enfin si, sur les deux volets de "Jewels" sortis au Japon.
- Ouais mais bon, personne sera assez taré pour se les procurer ? (NDLR : ben tiens mon con…)
- Bon ce qu’on va faire, c’est éviter un énième "Greatest Hits". Déjà avec "Absolute Greatest" on a trop tiré sur la corde, ça va se voir.
- Tu m’étonnes, le côté on fait découvrir QUEEN aux jeunes, c’était pas l’idée du siècle, on est trop vieux pour rester dans la mouvance mon pauvre. Pourquoi tu crois que je me suis cassé le cul à passer mon doctorat d’astrophysique ?
- On va faire une sorte de condensé des "Deep Cuts", c’est-à-dire des morceaux que les gens ne considèrent pas forcément comme des hits mais qui nous représentent vraiment sur toute notre évolution de carrière. Et j’en profiterai pour mettre "Drowse", parce que c’est ma compo, que je l’aime bien et que je chante dessus.

- C’est boiteux mais l'idée de privilégier de la qualité ça se défend. Mais avant de faire une compil, dis-moi ce qu’il y a d’autre en stock ?
- Tu te rappelles ton morceau "Let Me In Your Heart Again" ? Celui que t’as fini par enregistrer avec Anita quand tu la draguais ?
- M’en parle pas. J’avais fait un super taf de guitare, bien épique et tout, et c’est complètement passé à la trappe. Freddie était un dieu là-dessus. On aurait dû mettre ce morceau sur "The Works". On avait fait jouer Fred Mandel là-dessus en plus, non ?
- Ouais ! Et bien tu le croiras ou pas : j’ai retrouvé les bandes ! John groove comme un dingue, la batterie sonne du feu de Dieu et Freddie envoie la purée comme jamais. Il était vraiment au top à l’époque.
- Oh putain c’est pas vrai ! T’imagines comment les fans vont halluciner ?
- Je pense, j’en suis moi-même tout excité. Et je t’ai pas dit, j’ai aussi les bandes de notre version du morceau de Freddie écrit avec Giorgio Moroder.
- Ah le premier single de Freddie, le truc qui sonne Synth Pop à mort… "Love Kills" c’est ça ? On aurait dû la faire cette version Rock moi j’te dis.
- Hé vieux gâteux de chevelu, on l’a fait… en 1981, pendant les sessions de "Hot Space", mais finalement Freddie l’a gardée sous le coude. John avait même joué de la guitare électrique dessus.

- Boarf ça doit être un chantier. Comment on va faire pour homogénéiser ça ?
- Je sais pas, mais la mauvaise nouvelle, c’est que c’est tout ce qu’on a notre disposition.
- Ah ouais. Voyons… Voilà ce qu’on va faire : tu me laisses réarranger "Love Kills", je vais en faire une version ballade mais bien drivée par la gratte qu’on pourra faire en concert avec Adam Lambert, et je vais filer le bébé Mercury/Jackson à William Orbit, le pote que je t’ai présenté tout à l’heure. Toi tu vérifies qu’on a ce qu’il nous faut sur "Let Me In Your Heart Again", je complète mes guitares et les chœurs et banco. »

Voilà un peu le résumé de ce qu’est le nouveau produit "Queen Forever". Un conglomérat de morceaux que les fans connaissent dans tous les cas, agrémenté d’inédits qui n’en sont pas totalement. Néanmoins, il faut saluer le travail de QUEEN, qui était intouchable au moment de l’enregistrement de ces prises, les lignes vocales des trois morceaux s’avérant juste monumentales (malgré le trafiquage opéré pour "Love Kills" trahissant l'utilisation d'un auto tune). "There Must Be More To Life Than This" même si elle conserve une aura limitée, convient tout à fait au style Jackson, le King of Pop (si on m’avait dit que je chroniquerais un jour l’une de ses performances sur NIME…) s’accommodant parfaitement de ces thématiques à la "We Are The World" où sa voix enfantine fait des miracles ; Freddie assure aussi grave, avec une prestation plus en puissance, plus réussie que sur son premier opus solo.

Hélas, se fader toute une compil, que le groupe a en plus le culot de sortir en version simple et double, c’est franchement de l’abus ! L’Ep des trois premiers titres aurait sans doute valu un 3 bien tassé voire un 4, notamment pour "Let Me In Your Heart Again" qui nous permet de retrouver le grand QUEEN, et pour des prestations vocales inédites d’un Freddie étincelant de maestria. Mais le choix pour lequel a opté le groupe rend cette compile juste détestable. Alors je vous encourage vivement à payer une somme ridicule sur une plateforme de téléchargement légal pour profiter de ces trois éclairs de génie (malgré le non-évènement final du duo Freddie/Michael) plutôt que d’investir dans l’objet, l’édition simple suffisant amplement (mais les cons de fans comme moi auront fatalement craqué pour le superbe digipack de l’édition deluxe).