Le "Live At The Rainbow '74" a été, il faut le dire, LE Live que tous les fans du groupe attendaient depuis quarante ans et il a tenu toutes ses promesses. Encensées par le public et la critique, les prestations survoltées du combo londonien au Rainbow Theatre (qui est un peu devenu leur seconde maison) étaient d'une qualité rare pour un groupe aussi jeune. Mais croire que QUEEN allait s'arrêter en si bon chemin relevait de l'ignorance la plus pure des ambitions des Anglais. Alors que "Bohemian Rhapsody" (dont ce sera la première interprétation ce soir-là) caracole en tête des charts, c'est la prestigieuse BBC qui offre à QUEEN de jouer le Christmas Eve show de cette année 1975, grâce à l'entremise de John Reid son nouveau manager qui a plus d'un tour dans son sac pour faire sortir le groupe de l'ornière juridico-financière d'alors.

On sait qu'on aura des images de qualité, mais ce n'est rien à côté de la performance visuelle que donne le groupe, entre ses lights customisés et ses tenues de scène extravagantes, largement mises en valeur par un Freddie Mercury over the top. Le grain d'image est presque comparable à celui exceptionnel de "Rock Montreal" c'est dire. Si on y ajoute le boulot de Justin Shirley-Smith et de ses deux collègues pour restaurer les bandes audio largement à hauteur des espérances, on a affaire à un produit DVD de super qualité et on peut remercier QUEEN qui, en piochant dans les seventies, révèle l'incroyable potentiel scénique de ces jeunes Anglais, à l'image de ce toast au champagne adressé au public en prélude à un splendide "White Queen".

Les réalisateurs de la BBC font preuve d'un goût prononcé, et si Freddie est bien évidemment mis en avant, les trois autres musiciens sont à leur avantage même si moins exposés à part Brian May dont la Red Special attire les objectifs, les enchaînements ou superpositions de plans sont particulièrement bien vus et le déroulé du concert est encore plus intense que sur cd bien que la vidéo soit amputée de la fin ("Seven Seas Of Rhye" et "See What A Fool I've Been"), les contraintes horaires obligeant les caméras à passer sur un autre programme à l'issue du medley Rock'N'Roll proposé par le groupe.

En outre le visuel permet d'apprécier cette époque où Freddie Mercury jouait encore beaucoup de piano sur scène, et il en a même sorti un blanc assorti à son justaucorps. Les facéties d'un "Bring Back That Leroy Brown" permettent de mettre en avant les aptitudes exceptionnelles des musiciens, entre la basse de John Deacon et le piano de Freddie qui se répondent, et Brian May qui passe avec aisance de la guitare au ukulélé. En outre il aura lui aussi son moment de gloire avec "Brighton Rock" occultant le boulot remarquable de Roger Taylor assurant le lead avec Freddie Mercury.

Encore un DVD indispensable pour les fans et pour tous les amateurs de Hard Rock seventies qui s'y retrouveront sans problème. Peu de guitaristes bénéficient à l'époque d'une telle modernité dans le son (bien aidé par la restauration sans doute) et la section rythmique en béton armé retourne l'Hammersmith Odeon qu'a arpenté QUEEN peu de temps auparavant, comme le rappelle subtilement Freddie Mercury avant le medley "Bohemian Rhapsody"/Killer Queen"/"March Of The Black Queen". Quelle furie déclenche-t'il par ailleurs au piano sur ce dernier extrait ! Et ce n'est rien à côté de ce "In The Lap Of The Gods… Revisited" qui vient clôturer (avant les rappels) dans une explosion de fumées et de lumières un set de très haut niveau !

Les interviews souvenirs de Roger et Brian sont toujours un plus indéniable et les trois extraits captés au Budokan lors de la première tournée japonaise permettent aussi de constater à quel point le groupe pouvait s'avérer régulier de soir en soir.