Et bien bordel ça fait plaisir ! Et pourtant j'avoue que je n'y croyais plus vraiment, entre la promotion tout sauf subtile avec le mot-clé Power Metal toutes les deux lignes, et le discours évoquant le retour aux racines pour SONATA ARCTICA après une parenthèse acoustique qui a permis d'occuper un début de décennie pour le moins mouvementé. C'était surtout la seule possibilité qu'il restait au quintet finlandais, après un "Talviyö" où il apparaissait usé et peu inspiré.

Tony Kakko l'admet avec humilité, il était même difficile d'insérer des titres de cet album dans un répertoire live. Il aura fallu du temps à son créateur pour admettre que quand bien même il n'écoute pas de Power Metal au quotidien, il est le meilleur quand il en écrit. Une fois cet état de fait assumé, il lui était plus facile de se remettre à écrire dans cette veine. Vous avez vu c'est beau le marketing/le storytelling, on nous ferait vraiment avaler tout et n'importe quoi pour qu'on jette une oreille à cet album...

J'avoue que je n'étais pas jouasse, depuis l'arrivée de Pasi Kauppinen, de voir SONATA ARCTICA ressembler de plus en plus à SILENT VOICES. Puis le premier single, "First In Line" est sorti : on retrouve clairement une certaine vitesse, et un sens des envolées et un refrain entêtant, comme Tony savait si bien les écrire. On était davantage dans une veine à la "Pariah's Child" que le "Silence" visé par ses géniteurs, qui est même retourné chez Mikko Karmila pour retrouver son mojo. Si je n'étais pas des plus enthousiastes, "First In Line" pouvait être rassurant s'il n'était pas le seul titre rapide de cet onzième album des Finlandais.

Et ce n'est pas le cas. C'est même l'inverse ! On doit plutôt dénombrer les titres qui ne sont pas marqués par la vitesse. Célérité à mesurer quand même, on sent que SONATA ARCTICA n'est plus ce jeune loup à l'énergie juvénile irrésistible qui lui permettait d'excuser même ses maladresses. Non clairement le groupe a vingt-cinq ans d'existence, et ça s'entend. Le son est ultra costaud, l'écriture et l'arrangement maîtrisés, et si on aime toujours la double grosse caisse, les rafales ont baissé en intensité et en tempo, et malheureusement cela ne reviendra pas (il faut écouter la chute des tempi en live sur des titres comme "8th Commandment" c'est déprimant). Un autre qui n'a plus vingt ans, c'est Tony Kakko, qui outre assumer ses cheveux blancs, ne s'aventure plus dans les hautes sphères et a quasi arrêté d'utiliser sa voix de tête. Voilà les éléments qu'il faut avoir à l'esprit au moment de se lancer dans "Clear Cold Beyond".

SONATA a retrouvé de la niaque ça ne fait aucun doute, et malgré cette suspicion désormais quasi permanente derrière les effets d'annonce tant des artistes que des labels, on a envie de croire Tony et de le suivre dans ce Power Metal retrouvé qui ne renie pour autant pas son passé, à l'image du titre éponyme closant un album entraînant avec des touches de "Talviyö" mais sans sa mollesse, comme quoi c'était possible. Mais les titres Speed le sont rarement de manière unidimensionnelle, c'est même le contraire. Tous ou presque ont ce petit passage plus mesuré ou fantasque ("Cure For Everything", du vrai SONATA qui n'aurait pas dépareillé sur "Reckoning Night"), voire une introduction en trompe-l'œil ("Shah Mat" avec son plan de clavier asymétrique, prélude à des chœurs prenants avant de partir sur les chapeaux de roue).

Le travail sur les claviers est intéressant, car si l'on y réfléchit bien, il s'agit du premier pur album de Power Metal sonatien pour Henkka, qui a largement développé les textures sonores des Finlandais. Et à l'image de sa pochette, qui me ramène en arrière, "Clear Cold Beyond" est un "Days Of Grays" qui aurait troqué les expérimentations tous azimuts pour le Power Metal. Du côté des thèmes, on retrouve l'une des marottes de Tony dans le passé, à savoir le stalker apparu sur "The End Of This Chapter" et "Don't Say A Word" qui a désormais une suite avec le surprenant "Dark Empath", un des titres sans aucun doute les plus fascinants de l'album et l'un des plus proches de "The Days Of Grays", tout en ayant ce feeling qui me rappelle "Pariah's Child".

"Teardrops" baisse d'un ton, et le titre éponyme n'est pas le meilleur refrain de SONATA, avec ses trois qualificatifs répétés. Mais "Clear Cold Beyond" mérite qu'on lui donne du temps, pour s'affirmer comme l'album de SONATA ARCTICA le plus consistant depuis "Stones Grow Her Name", et s'il ne peut prétendre rivaliser avec celui-ci ou les emblématiques quatre premiers albums, voilà un disque qui donne le sourire, dégage un positivisme assez contagieux, qu'on ne retrouve pas forcément dans les paroles, mais là encore rien de très nouveau pour Tony Kakko. Parfait pour reconquérir les fans qui comme moi avaient décroché puis renoncé à l'un de leurs chouchous.