Inutile de prendre la fuite. Autant assumer jusqu’au bout. Jouer la discordance dans ce concert d’éloges envers ce disque ne se fait pas de gaité de cœur. D’ailleurs, rien ne m’oblige à vous parler de "Rust In Peace", rien sauf cette volonté de toujours vouloir traiter une discographie dans la globalité, ne serait-ce que pour les albums studio. Et "Rust In Peace" est un disque qui jouit d’une popularité explosive, un intouchable du Metal en quelque sorte et de ce fait, ma voix va être une véritable fausse note dans ce déluge de louanges.

Après un "So Far, So Good… So What!" explosif, MEGADETH allait encore connaître des mouvements de personnel. Il semble bien difficile de travailler avec Megadave, qui, en plus d’être un roquet, se trimballe une belle réputation de tyran. Et justement, avec Jeff Young, cela ne passe pas très bien et le guitariste va être contraint de faire ses bagages, tout comme Chuck Behler. Ce dernier, ironie du sort, sera remplacé par son drum tech, le regretté Nick Menza. Comme quoi l’histoire finie toujours par se répéter. Pour Young, c’est Marty Friedman qui va remporter le jackpot. L’ancien HAWAII et CACOPHONY va amener avec lui son sens de la mélodie, qui aura une forte répercussion sur la musique de MEGADETH. Ce qui n’est pas forcément un mal.

Et bonne nouvelle, Ed Repka est de retour pour la jaquette ! Lui qui avait fait de l’entité Vic Rattlehead une véritable mascotte grâce à sa superbe illustration pour "Peace Sells..." en signe une ici également destinée à devenir culte, même si elle se veut un peu moins marquante (et mine de rien, papa Bush et papy Gorby, ça date tout de suite une production). Il est important pour un groupe de dégager une identité directement via la pochette d’un album et Ed Repka est de ces artisans du crayon à être capable d’y contribuer.

"Rust In Peace", c’est avant tout quatre morceaux d’anthologie. Démarrer l’opus avec l’enchaînement "Holy Wars"/"Hangar 18", ça fait mal. Bien sûr, on remarque tout de suite que MEGADETH se veut moins acerbe dans sa musique, qu’il va proposer plus de mélodies, et surtout, qu’il va construire autour. Le chant de Mustaine s’affine également. Ses lignes de chant sur "Hangar 18", pas certain qu’il aurait su ou pu les faire quatre ans plus tôt. Ensuite, difficile de passer à côté de "Tornado Of Souls", un titre très bien construit, ou encore "Rust In Peace… Polaris" qui conclut l’album sur une excellente note.

Mais entre… Bon sang, que c’est creux ! Étrangement, "Dawn Patrol" et son exercice basse/batterie ne m’a jamais déplu, il permet de faire une petite pause entre "Tornado Of Souls" et la chanson-titre ; "Take No Prisoners" est amusante les trois ou quatre premières écoutes, mais paraît un brin puéril par la suite et de "Five Magics" à "Lucretia" inclus, nous sommes dans le véritable ventre mou de la bête. Il n’en ressort rien à mes oreilles, cela me semble désespérément vain. Et effectivement, on peut parler de ventre mou, surtout si on compare à "Peace Sells" ou "SFSGSW", qui parvenaient à proposer certains de leurs meilleurs morceaux en leur cœur.

Et de fait, "Rust In Peace" est un album déséquilibré et très probablement surestimé. La qualité de ses meilleurs titres couvre les faiblesses des autres et c’est comme si Mustaine nous lançait de la poudre aux yeux. On ne peut nier une certaine efficacité, mais on ne peut fermer les yeux sur le fait qu’il y a un certain remplissage sur ce disque. Et surtout, MEGADETH paraît bien plus assagi, il n’a plus ce côté vicieux qui faisait son charme sur les opus précédents. Et finalement, l’évolution vers un Heavy Metal travaillé sur "Countdown To Extinction" semble complètement logique à l’écoute de ce "Rust In Peace" qui marque les limites de MEGADETH dans le domaine du Thrash.