L’image de Bill Ward avec la vision de son slip en transparence aura marqué au fer rouge les yeux de beaucoup de fans à l’époque. La pochette de "Sabotage", bien qu’ingénieuse, dégage quelque chose d’absolument humoristique, que cela soit aux dépends de ce pauvre Ward qui ne semble pas franchement goûter l’ironie de la situation, ou Ozzy en robe, l’air complètement défoncé (ce qui est d’ailleurs vraisemblablement le cas). Rappel de l’adage d’or : ne jamais juger un disque rien qu’à partir de sa pochette !

Sur "Sabotage", BLACK SABBATH ne dit pas non aux expérimentations. Elles sont toujours présentes, mais le son revient à des standards plus Heavy, plus proches de ce qui fut fait sur les quatre premiers albums. "Hole In The Sky" nous cueille d’entrée, Iommi ne prend même pas la peine de prendre des gants. Un riff encore une fois monstrueux, un refrain à se damner… On est encore en face de quelque chose de grand et cela sera confirmé sur le sulfureux "Symptom Of The Universe", puissant, avec un Ozzy en état de grâce derrière le micro.

Pourtant, l’ambiance est loin d’être bonne. Pourquoi croyez-vous que cet album s’appelle "Sabotage" ? Le groupe vivait des moments difficiles avec leur manager Patrick Meehan, qui demandait toujours plus et semblait mettre constamment des bâtons dans les roues des musiciens. Composer devenait difficile, conserver une chanson telle qu’elle était voulue devenait une croisade, d’où ce titre, qui n’a rien à voir avec le look de ce pauvre Bill Ward sur la jaquette, ni avec ce miroir qui ne reflète pas la bonne image derrière le groupe. Aussi, "The Writ" évoque la situation, Ozzy lâchant là toute sa rancœur pour un final proche de l’apocalyptique.

À côté de cela, on retrouve des morceaux somptueux, parmi les meilleurs jamais composés par le groupe, comme le fantastique "Megalomania", longue pièce absolument brillante avec ses montées en puissance vertigineuses, ou encore l’instrumental "Supertzar" complètement démesuré avec ses chœurs façon Armée Rouge, mais arrangés par le London Philharmonic Choir (excusez du peu), ce qui est tout de même un sacré indice quant à la popularité du groupe à cette époque, qui pouvait se permettre ce genre de folie en studio.

Mais il y a également une énigme sur ce disque. Un titre dont on ne sait pas encore aujourd’hui tout à fait si c’est du lard ou du cochon : "Am I Going Insane" et son approche très, trop Pop (d’ailleurs, ce fut le single de l’album, quel choix hasardeux !). Ce morceau offre une brisure totale par rapport au reste de l’album et s’avère franchement passable, avec son ambiance étrangement joyeuse, qui ne colle pas avec les autres morceaux. Rien de bien répréhensible, le reste est de si haut niveau qu’on peut pardonner ce petit raté.

"Sabotage" est une fois de plus une réussite pour BLACK SABBATH, même si l’accouchement fut bien plus difficile cette fois-ci. Un disque fort, avec de nouveaux morceaux qui resteront dans les mémoires, une pochette qui suit le même chemin (!) et bien sûr, une aura fédératrice qui entoure encore les musiciens qui restent, à ce moment, encore les grands maîtres du Heavy Metal.