Cela a souvent été dit : les six premiers BLACK SABBATH c'est de l'or en barre, la matrice du Heavy Metal, et quand bien même JUDAS PRIEST a le mieux personnifié et développé le style, Birmingham reste la fonderie primordiale.
Si de nombreux parallèles avec les deux autres monstres de l'époque (LED ZEPPELIN c'est des potes, Jason Bonham est même le voisin d'Ozzy, DEEP PURPLE joue régulièrement sur les mêmes affiches), BLACK SABBATH c'est le plus sauvage de la bande, le plus désorganisé, le plus noir et le plus diabolique quelque part. Coincé entre ses thématiques spirituelles héritées de son côté hippie et son rapport hyper toxique aux substances, son public est à son image et la gestion de sa carrière également.

Une certaine idée de la légende passe par le mythique California Jam de 1974 qui révèlera la tenue pour le moins surprenante des finances du groupe par Patrick Meehan (sur un cachet de 200 000, les membres du groupe n'auraient touché qu'entre mille et dix mille selon les sources). Empêtré dans les ennuis judiciaires face à un manager qui les a 'drivés' jusqu'ici, BLACK SABBATH est parfaitement incapable de se manager seul, et les sessions de cet album ne sont pas les plus sereines qui soient.

Pourtant Tony Iommi continue à développer sa mégalomanie et veut rendre son groupe arty, et acquérir la respectabilité de LED ZEPPELIN (qui ne sont pas les derniers à se camer et mener un train de vie sulfureux). "Megalomania" est déjà ébauché et développé sur la fin de la tournée de "Sabbath Bloody Sabbath", et il perpétue la tradition des perles Doom, écrivant de nouvelles tables de loi, incarnées par le parfait "Master Of Reality".

"Sabotage" corrige les choix de production étranges de "Sabbath Bloody Sabbath" et enquille les moments de grâce. Ozzy Osbourne défonce tout sur "Hole In The Sky" et "Symptom Of The Universe", deux nouvelles matrices du Heavy Metal. Le niveau d'un Tony Iommi qui a pris pleine mesure de sa responsabilité et qui travaille la guitare d'arrache-pied nous explose sur le magique intermède "Don't Start (Too Late)" où les guitares acoustiques virevoltent. Et la force de BLACK SABBATH, c'est sa capacité à génialement nous frustrer, car admettons-le, on en reprendrait bien un peu, mais dès le riff du titre suivant ("Symptom Of The Universe" en l'occurrence) on est happé par la suite des évènements.

Rien à jeter de cet album où l'acoustique, les expérimentations au mellotron (le final de "Megalomania" où la basse de Geezer vrombit), riffs culte et mélodies étincelantes d'Ozzy se disputent les premiers rangs. Mention spéciale à "Am I Going Insane" dont j'aime particulièrement l'interprétation vocale et le développement, ou encore "Supertzar" qui vous fera cligner des yeux si vous veniez à découvrir le groupe, ou cet album, avec. Difficile d'ériger un podium des plus grands BLACK SABBATH, mais si dans mon cœur "Master Of Reality" gardera pour l'éternité l'or, je crois pouvoir affirmer la seconde place de "Sabotage" sans sourciller.