L’inspiration est un truc limité. Si vous croyez que vos groupes préférés vont sortir indéfiniment de leur besace de « bons » albums, vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Chaque artiste a une jauge personnelle d’inspiration dans laquelle il puise et que chaque effort, chaque riff génial, chaque super titre vient inexorablement entamer. Et au bout d’un moment, il ne reste plus rien. Privés d’inspiration, les vieux groupes sont condamnés à tourner en rond, puis à mourir comme de vieilles merdes. Du coup, on se dit que c’est pas plus mal que les BEATLES n’aient pas eu le temps de faire plus d’albums ou que Jimi HENDRIX ait eu un petit problème de vomissement nocturne, quand on voit ce que sont capables des groupes comme les ROLLING STONES ou AC/DC en fin de carrière (éclaboussant un peu plus leur propre légende).

C’est précisément pour cette raison qu’à chaque nouvel album médiocre d’un groupe que j’adore, je flippe comme un vieux chien du Bronx tandis que cette question volette dans mon esprit :

« Ca y est ? C’est terminé ? Leur jauge d’inspiration est à zéro ou il leur en reste un peu ? »

C’est précisément ce qui m’effraie et me taraude lorsque j’écoute le "Coaster" de NOFX. Si c’était possible, j’adorerais pouvoir faire un bon de 10 ans pour jeter une oreille sur la suite des évènements et pour pouvoir – le cas échéant – me rassurer ou sombrer dans la dépression.

J’ai confiance hein. NOFX nous a déjà fait le coup avec "Pump Up the Valuum" (qui était mauvais), puis coup sur coup, deux réactions ("War on Errorism" et "Wolves"), deux albums rassurants, deux manifestes, deux raisons d’espérer et de croire encore en NOFX. Outre le fait d’être des putains d’album, c’était surtout la confirmation que le groupe en avait encore sous le pied, que leur jauge avait de la réserve.

Sauf que bah voilà "Coaster" est un album en forme de douche tiède (à défaut de froide), un album sans génie, du pilotage automatique sans fulgurance et – plus inquiétant – dénué du « pep’s » habituel. Les titres défilent dans une indifférence polie. On connaît la chanson. NOFX brode et repique un canevas d’album qu’on connaît trop bien pour un résultat dramatiquement fade. Sans innovation, sans surprise. Pour chaque registre abordé, on a déjà entendu mieux. Judicieusement placé en plein milieu de l’album, seul "Eddie, Bruce and Paul" fait décoller un peu la sauce. En brocardant IRON MAIDEN (lisez les paroles bordel), NOFX retrouve un regain d’énergie et semble renaître le temps d’une parodie de quelques minutes.

Les multiples écoutes, votre entêtement, la méthode Coué… finissent bien par lisser les aspérités de cet album décevant et permettent à certains titres d’émerger un peu, comme ce "Suits and Ladders" qui envoie sévère. Ce qui nous rappelle à quel point NOFX a pour le coup joué avec le frein à main, sans chercher à briller. On évite la catastrophe grâce à deux choses : un savoir-faire indéniable et cette espèce d’homogénéité agréable qui fait que l’album – pas franchement mauvais non plus – s’écoute gentiment sans trop réfléchir le sourire aux lèvres. Ca a l’odeur et la couleur de NOFX en un peu moins bien. Fait révélateur, même les traditionnelles incartades Ska / mélancoliques / iconoclastes ne fonctionnent pas aussi bien ("I am an Alcoholic"). Alors "One Million Coasters" a beau être superbe avec son final tout en arpège, rehaussé d’un basson du plus bel effet, ça reste malheureusement insuffisant.

Et du coup, j’ai très peur.

Leur en reste t’il encore un peu dans la jauge ?


Note : 2/5


Morceaux préférés : "Suits and Ladders", "Eddie, Bruce and Paul"
C'est magnifique : le final de "One Million Coasters"