Rien ne va plus chez KISS. "Dynasty" a eu un certain succès, propulsé grâce à son single "I Was Made For Lovin’ You" qui a fait le tour du monde. "Unmasked" n’avait pas eu cette chance et s’était bien ramassé dans les charts, mais le groupe aura touché le fond avec "Music From The Elder", le concept-album maudit, qui plaçait le groupe dans une voie qui n’est pas la sienne. Ace Frehley préconisait de revenir à une formule plus Hard depuis quelques temps déjà (il est le seul à être resté droit dans ses bottes sur les trois albums précités) mais en tant qu’actionnaire minoritaire, il n’avait pas été écouté jusque là. L’ironie du sort, c’est que son avis est pris en compte quand Ace se désintéresse complètement du groupe et que, victime d’un accident de voiture, il n'est pas en état de jouer sur le nouvel opus, bien qu’il soit crédité.

Il sera remplacé par Vinnie Vincent dont le jeu de guitare s’accorde plutôt bien avec la frappe lourde et puissante de Eric Carr. Le rendu de "Creatures Of The Night" est très Heavy, jamais le groupe n’avait sonné de façon aussi radicale. Cela est d’ailleurs accentué par le fait que Simmons s’impose sur cinq des neuf titres en présence, dans un domaine qui correspond parfaitement à son statut de Démon. On le retrouve sur le terrible "Saint And Sinner", lent, viscéral et prédateur, où il livre une prestation pleine de classe, ou sur le plus virulent "War Machine", co-écrit avec Bryan Adams, le même qui chantera quelques années plus tard "Everything I Do I Do It For You" (deux mondes...). Mais c’est bien sûr l’hymne en puissance qu’est "I Love It Loud" qui le met le plus en valeur, malgré une musique finalement assez simple dans son approche, un peu à la "We Will Rock You" de QUEEN en plus étoffé. Simmons en mode rouleau-compresseur, cela faisait un moment qu’on ne l’avait plus vu ainsi, motivé et impérial.

Même si Paul Stanley semble moins présent, il n’en demeure pas moins essentiel pour l’équilibre au sein du groupe. Il apporte un côté plus fédérateur, grâce à des refrains qui restent immédiatement en tête (celui de "Creatures Of The Night" est d’une simplicité déconcertante et s’imprime directement, avec sa mélodie entêtante). Il signe également la ballade "I Still Love You" qui se veut bien moins maniérée que ce qu’il a pu proposer dans un passé assez proche. Et, accessoirement, c'est peut-être ma ballade préférée chez KISS En revanche, "Keep Me Comin’" et "Danger" se veulent bien plus anecdotiques et viennent créer une baisse de régime dans une mécanique pourtant bien huilée.

"Creatures Of The Night" est une véritable renaissance pour un groupe que l’on aurait pu croire fini après trois albums critiquables et critiqués. KISS sonne de façon moderne (pour l’époque), en adéquation de l’air du temps où le Heavy Metal prenait ses aises, sans pour autant se dénaturer totalement. Bien sûr, on est loin de l’esprit « party everyday » qui caractérise le Bisou, mais un tel retour aux affaires fait du bien à entendre et surtout, ce disque sonne de façon bien plus sincère que les trois précédents, moins calculé, plus libre dans ses idées et dans sa forme. Pas brillant, mais à ne pas négliger.