Quand on a l'aura d'une légende, et une carrière qui s'étale sur plus de trente ans au moment de la sortie de "The Essential", ce qui pose un premier problème quant à son intérêt presque vingt ans plus tard, argument propre au PRIEST et pas pour la compilation équivalente consacrée à Ozzy OSBOURNE, qui fait toujours foi aujourd'hui, la tentation pour une maison de disques de sortir une compilation est plus que tentante. Ainsi, plus le groupe est populaire, plus les sorties du genre sont multiples, et certains ont bien plus abusé que d'autres en la matière. Il se trouve que les deux fois où des compilations roboratives de JUDAS PRIEST sont sorties, elles ont eu un but très clair ; "Metal Works" refermait l'époque dorée et tentait de faire patienter les fans pendant une période d'incertitude quant à l'avenir de JUDAS PRIEST. "The Essential" paraît en 2006, soit un an après l'album qui a vu le line-up de "Painkiller" se reconstituer, donc pour asseoir plus fermement une certaine version de l'Histoire du groupe, le fait qu'un titre de "Angel Of Retribution" ouvre la compilation et un autre la clôt (pour la version 2CD la plus courante) n'est pas un hasard.

Car si la version spéciale comprend jusqu'à trois disques, on constate rapidement que rien n'a été gardé de la parenthèse "Ripper" de 1996 à 2002. Si ces disques sont bien sortis sous le nom de JUDAS PRIEST, je comprends très bien la position des protagonistes, notamment KK Downing, qui en font une aventure différente, à l'image de FIGHT pour Rob Halford. Et pour une compilation qui s'intitule "Essential", on ne peut pas blâmer un manque de cohérence, rien de l'époque ne méritant selon moi de figurer ici, si ce n'est "Cathedral Spires". Et encore… C'est bien parce que la sélection de titres qui a été effectuée comprend deux trois surprises qu'on pourrait éventuellement se poser la question. Mais bon, qui regrette un morceau de "Rocka Rolla" également ? Tant pis pour John Hinch, l'ex batteur d'HIROSHIMA n'aura pas droit à son crédit dans la valse des batteurs. Chose de fait assez perturbante, le batteur attitré et qui a passé à ce moment-là le plus de temps au sein du groupe, à savoir le cogneur en chef Scott Travis, joue tout juste autant de titres que Les Binks (six), la palme étant détenue de très loin par Dave Holland, qui aura aligné les réussites en compagnie du PRIEST de '80 à '86 (je ne le compte pas pour "Ram It Down" car il n'a pas joué sur l'album).

Si vous devez accéder à l'essentiel du catalogue du PRIEST, vous pouvez raisonnablement vous dire que "The Essential" est un bon produit, balayant un vaste éventail de choix stylistiques ; "Exciter" y côtoie "Blood Red Skies", "United" se frotte à "Delivering The Goods", "Before The Dawn" et "The Sentinel". Avec au moins deux titres par album de "Sad Wings Of Destiny" à "Angel Of Retribution", avec bien entendu une plus large place accordée aux méga classiques "British Steel", "Screaming For Vengeance", "Defenders Of The Faith" et "Painkiller", la sélection respecte la carrière du groupe tant dans sa perception du public que dans sa qualité intrinsèque. Et il n'y a pas d'oubli majeur contrairement au "Metal Works" de 1993, même s'il faut avoir mis la main sur la version 3 CD (sortie deux ans plus tard) pour ne pas se retrouver privé de "Riding On The Wind" et d'un "Dissident Aggressor" fondateur. Mais point d'incongru "Wild Nights, Hot & Crazy Days". Les deux sorties apportent un regard temporel assez différent sur la carrière du groupe, car on y reconnaissait à l'époque les vertus de titres dits plus atmosphériques comme "Solar Angels". Je suis toujours agréablement surpris de retrouver "Screaming For Vengeance" que je vois davantage comme une démonstration de force du groupe que comme un classique, même si à titre personnel je l'aime beaucoup.

Mais hormis ça, il n'y a pas tellement de raisons de préférer l'un à l'autre. D'autant que le récent "Angel Of Retribution" est présenté avec le puissant "Judas Rising", mais "Revolution" aurait pu être remplacé avantageusement par bien des titres de l'album de 2005. À noter qu'il ne paraît a priori pas évident du tout de faire cohabiter des titres enregistrés à des époques si différentes avec des esthétiques qui ont suivi le cours des tendances et des innovations technologiques. Cela a été fait avec goût, et la remastérisation aura fait du bien à tout ce beau monde, notamment aux deux titres de "Sad Wings Of Destiny". S'il n'a pas récupéré la possibilité de rééditer l'album, le groupe a au moins de nouveau les droits sur les titres en eux-mêmes, ce qui explique l'absence de recours au subterfuge "Unleashed In The East" pour les inclure, comme ce fut le cas pour "Metal Works".

Toutefois, je ne conseille ni ne déconseille l'acquisition de "The Essential Judas Priest". Contrairement à QUEEN qui avait fait le choix à chaque décennie de sortir une compilation pour boucler la boucle, ce best-of (car niveau alignement de perles, voilà…) se heurte à "Metal Works" qui ambitionnait le même caractère définitif. C'est d'autant plus vrai aujourd'hui, alors que le groupe a sorti trois albums supplémentaires dont plusieurs extraits auraient largement droit de cité sur un best-of de cet acabit. D'ailleurs petite curiosité, une réédition japonaise de 2010 a vu "Victim Of Changes" remplacé par "Nostradamus"... Ainsi, la sélection est un condensé de qualité Heavy Metal, mais aujourd'hui, il n'a pas plus de valeur que son prédécesseur pour découvrir le groupe, et l'amateur dispose de toutes les facilités nécessaires pour se faire sa propre bible de JUDAS PRIEST.

Note réelle : 3,5/5.