JUDAS PRIEST a de quoi pavoiser. Depuis "Firepower" le succès ne se dément pas, l’institution anglaise n’a jamais été autant respectée et parvient même à surmonter des épreuves terribles. Être guitariste chez le Prêtre est devenu un poste à haut risque, Richie Faulkner peut en témoigner. Invincible ? On l’espère pour eux. En revanche, publier un nouvel album à ce stade de leur carrière est un sacré défi car au fond ils auraient très bien pu s’arrêter avec le précédent, personne ne leur en aurait voulu.

Voici donc enfin ce "Invincible Shield" tant attendu. Troisième album avec Richie Faulkner, mais sans intégrer officiellement Andy Sneap en tant que guitariste alors qu’il apparaît dans les clips (surtout, ne pas chercher à comprendre). Glenn Tipton est toujours là pour la caution historique et artistique, mais on sait que sa contribution est extrêmement faible en réalité. La place de Faulkner est désormais incontestée, il est devenu emblématique du groupe. Ce que permet de nous apprendre ce "Invincible Shield" c’est qu’il y a clairement une ère « Faulkner ». Si ce dernier se nourrit beaucoup du style de ses aînés, il sait aussi y apporter sa propre touche. Son album avec ELEGANT WEAPONS, projet artistique certes pas totalement convaincant, avait cependant le mérite de prouver que le guitariste avait vraiment un style identifiable (avec parfois cette tendance à balancer des riffs flirtant avec le Stoner). Il n’en reste pas moins qu’il doit se conformer à un cahier des charges pour le moins contraignant et que l’équilibre atteint sur "Firepower" ne sera pas totalement retrouvé ici.

Si "Invincible Shield" ne manque absolument pas d’efficacité, le groupe retombe dans certains travers déjà présents dans "Redeemer Of Souls", et non, je ne parle pas de la prod’ (qui est cependant un peu froide, Tom Allom étant largement en retrait cette fois-ci, ne co-produisant que deux titres, ça se ressent). Car une nouvelle fois JUDAS PRIEST cherche clairement à proposer un album à la limite du fan-service et cela tend à desservir l’ensemble. Prenez le riff de "As God Is My Witness", on pense immédiatement à "Hard As Iron" mais le morceau est bien loin d’être aussi mémorable que ce dernier. Et ces passages « déjà entendus » ont tendance à être bien trop nombreux, et notamment dans les lignes de chant de notre cher Rob, c’est un peu la malédiction de tous les vieux groupes mais je trouve que JUDAS PRIEST avait souvent su nous épargner cela, ou du moins bien le dissimuler. Difficile de ne pas avoir envie de chanter « I’m A Rocker ! » sur le refrain de "Devil In Disguise", limite filler d’ailleurs ce titre.

Pourtant, l’album commence de la meilleure des manières avec ce "Panic Attack" des plus percutants, ces effets à la "Turbo" sur l’intro, son refrain simple mais accrocheur. Un très bon opener. Le groupe insiste ensuite sur l’agressivité avec "The Serpent And The King", qui cependant évoquera aussi beaucoup la carrière solo d’Halford, c’est encore plus frappant avec "Escape Of Reality" et son refrain planant qui semble tout droit sorti de "Crucible". Cela va donner de l’eau au moulin de ceux qui prétendent que le JUDAS PRIEST actuel n’est plus que la chose de Rob…

"Invincible Shield", le morceau, se veut être un long titre Heavy et ambitieux, tout en restant dans un registre rapide, et qui surtout va laisser la part belle aux guitares. Ça fonctionne plutôt bien. D’ailleurs sur l’ensemble de l’album, Faulkner se montre bien bavard, agrémentant souvent ces riffs de petites fantaisies qui me paraissent parfois un brin superflues, comme s’il se sentait obligé de meubler pour donner de la consistance à ses riffs, or JUDAS a souvent fait preuve d’une grande efficacité en dépouillant subtilement ses riffs.

Bien sûr, JUDAS PRIEST sait toujours tutoyer l’excellence. En conservant une approche variée de sa musique, alternant les titres purement incisifs, les mid-tempos, les instants plus Rock’N’Roll (le très sympathique "Gates Of Hell" notamment, un titre qui tire son épingle du jeu au fil des écoutes), sans oublier les moments d’émotivité notamment sur le très mélodique "Crown Of Horns" qui est d’ailleurs pour moi la véritable pépite de cet album. Plus que "Trial By Fire" qui manque de surprise avec son intro à la "Victim Of Changes"/"Judas Rising" (quand je vous dis qu’il y a des redites…).

Il est dommage donc que ce bouclier pas si invincible masque quelques rayures derrière son apparente flamboyance, comme ce "Devil In Disguise" déjà mentionné, ou encore ce "Sons Of Thunder" franchement caricatural, dont les chœurs me paraissent totalement ratés. Je préférerais toujours ceux de "Parental Guidance", si si. Si "Giants In The Sky" constitue un bel hommage solennel aux héros du passé, il n’atteint pas vraiment la profondeur de "Sea Of Red".

Tout comme avec "Redeemer Of Souls", JUDAS PRIEST nous refait le coup de la version deluxe incluant trois bonus tracks… Dont deux qui me semblent tout à fait indispensables et donc on se demande bien pourquoi ils se retrouvent relégués en bonus rendant sans intérêt la version normale de l’album. "Fight For Your Life" qui aurait remplacé sans problème "Devil In Disguise" est excellent. "The Lodger", composé par Bob Halligan Jr qui était l’auteur du mythique "Some Heads Are Gonna Roll", officie dans un registre bien plus inquiétant et mystérieux, constituant de fait la seule véritable touche d’originalité de l’opus. On passera par contre sur le très oubliable "Vicious Circles".

"Invincible Shield" ne manque pas d’efficacité, l’album est percutant, bâti comme un implacable blockbuster Heavy Metal, et beaucoup loueront à juste titre la performance de Rob Halford, particulièrement bien mis en valeur sur ce disque. La production très frontale de l’album l'aidant bien. Il saura sans aucun doute satisfaire une large frange de son public. Vous l’aurez compris, en ce qui me concerne si cet album se laisse écouter très agréablement il ne parvient pas à totalement me charmer, comme s'il manquait la petite touche magique qui fait la différence.