Imaginez que vous êtes un bon croyant pratiquant nommé Gérard.

Après la messe dominicale, Gérard décide de passer à la brocante du coin afin d’acheter quelques bon vieux vinyles de chants œcuméniques, histoire de mettre de l’ambiance à la maison. Après avoir fouillé quelques bacs et sauté 26 albums de JOHNNY HALLYDAY, il tombe sur une pochette qui lui glace littéralement le sang : un album d’un groupe nommé BLACK SABBATH (dont il a déjà vu le chanteur cul-nu faire le pitre sur MTV, ce qui ne le rassure guère), dont la pochette représente des démons s’apprêtant à violer un homme sur un lit dont les barreaux forment un 666.
Maintenant deux possibilités s’offrent à Gérard : acheter l’album par curiosité et l’écouter ou brandir un crucifix et tenter de faire passer le brocanteur au bûcher. Mais étant plutôt ouvert d’esprit, il décide d’acheter l’album, ne serait-ce que pour constater d’un rire de gorge méprisant les méfaits du satanisme sur l’homme, assis dans son fauteuil en cuir véritable de son salon sentant le vieux tabac.

Ce que Gérard ignore encore, c’est qu’il va se trouver face à une des expériences psychédéliques les plus incompréhensibles de son existence. Entre hymnes et instrumentaux féériques, le mélancolique et le joyeux, le lucide et quelque chose lorgnant vers l’irréel, c’est un voyage de l’ouïe dans le bizarre que notre « gérarique » chrétien va vivre. Que va-t-il penser face à la joie un peu timbrée de "Sabbara Cadabra" ? Sera-t-il capable de comprendre quelque chose face au déconcertant "Who are You" ? Pourra-t-il retenir ce frisson irrésistible sur "A National Acrobat" ? Aura-t-il réussi à s’arrimer suffisamment pour ne pas être propulsé vers une autre galaxie à cause de "Spiral Architect" ?

Une chose est sûre : à la fin de son écoute, Gérard ne sera plus le même. Non pas que sa foi ait changé (les paroles relèvent plus des effets de substances inconnues que de convictions diaboliques), mais il aura juste écouté une des œuvre les plus abouties et dérangées, un des albums les plus fascinants, homogènes et fantastiques que la musique ait engendré. Si tu veux un conseil, cher lecteur, en voici un simple : sois Gérard ne serait-ce qu’une fois, tu verras que ce Sabbat sanglant a un goût insaisissable mais inoubliable…