Tony Iommi est bien conscient que l’entité BLACK SABBATH attirera toujours plus les regards que simplement son nom. Il laisse donc tomber le « Featuring Tony Iommi » pour laisser l’entité noire faire son retour en son nom propre. Glenn Hughes est parti, le guitariste moustachu est en quête d’un nouveau chanteur. Et plutôt que de miser sur un nom connu, il va nous présenter un jeune homme qui n’a pas de curriculum vitae dans le haut niveau. Et malheureusement, par rapport à ses prédécesseur ayant laissé une trace sur album, il a du mal à en imposer. À sa décharge, il y a eu du lourd avant lui, à chaque incarnation de la Bête.

Iommi, quant à lui, rebondit sur le travail effectué sur "Seventh Star", mais en écartant le surplus de ballades. Il ne revient pas non plus à un son typiquement Heavy. S’il y a quelques réminiscences avec son style passé, il est toutefois moins plombé et cherche bien plus la mélodie que le riffing qui tue, bien secondé en ce sens par Geoff Nicholls qui place ses synthés avec intelligence. Ensuite, niveau rythmique, Bob Daisley et Eric Singer forment un bon duo, mais il sonne de façon assez classique, il n’y a pas ce qu’arrivaient à dégager Geezer Butler et Bill Ward. Certes, c’était une autre époque, le Metal a connu des évolutions et des mutations depuis les années 70, mais cette lourdeur étouffante manque clairement ici.

Tony Martin vient faire le boulot. Oui, il n’est pas au niveau de ses prédécesseurs, mais il envoie et par rapport à ce que propose BLACK SABBATH sur "The Eternal Idol", il fait le boulot. Il assure ce qu’il faut sur "The Shining", il est idéal sur la chanson-titre qui se veut bien plus mélodique. Est-ce que Ray Gillen aurait fait mieux ? Ce dernier aurait dû succéder à Hughes, il avait parfaitement géré pendant son intérim, quand le bassiste camé était parti, mais cela n’a pas fonctionné et il est parti avant que l’album ne sorte, Martin a réenregistré toutes les parties vocales. Mais sur la version d’origine, il y a un rire démoniaque sur "Nightmare" qui est de Gillen. Et la version double CD de 2010 propose l’album entièrement enregistré avec Gillen. Le verdict ? Un bon chanteur, parti trop tôt. Et assurément un choix plus judicieux pour BLACK SABBATH. Un sacré gâchis…

Et "The Eternal Idol" propose une musique assez générique avec un chanteur générique. L’album n’est pas mauvais, il est même plutôt sympa dans son ensemble, mais il lui manque un truc. Peut-être des accents plus anglais, ou une approche plus sombre, plus machiavélique. Je plaisantais au sujet du Heavy FM au sujet de "Seventh Star", mais l’appellation semble prendre tout son sens ici. Ce n’est pas assez enlevé, assez relevé, BLACK SABBATH, et par extension, Tony Iommi, sont devenus communs. Ils ne font plus peur, ils ne sont plus les papes de la lourdeur musicale, même les refrains deviennent simples.

Mais encore une fois, "The Eternal Idol" n’est pas désagréable à écouter. Venant d’une autre formation que BLACK SABBATH, nous serions certainement plus indulgents. Avec Gillen, nous aurions peut-être même applaudi. Mais il faut se contenter de ce « bon » album, qui remplit un cahier des charges sans trop se fouler. Cette fois-ci, ça y est, Iommi est rentré dans le rang et chaque nouvel album sera âprement jugé par les fans, discuté, aimé ou honni. Une page se tourne, une légende vacille sur ses chevilles d’argile…