C'est le bout du tunnel pour MAGNUM quand sort enfin "Kingdom Of Madness", après près de deux ans d'attente. Si l'on a fait des parallèles avec QUEEN (qui arpentait les De Lane Lea studios quelques années plus tôt), il faut se rappeler que ces derniers avaient terminé leur premier album en novembre 1972, et ont dû patienter jusqu'à juillet de l'année suivante pour le voir sortir avec une promotion relativement limitée. Et qu'à cela ne tienne, Tony Clarkin va déjà afficher une des caractéristiques de son rapport à la musique ; à savoir qu'il n'arrête pas de composer et que l'inspiration ne le quitte que rarement. Ainsi, quand sous la houlette de Leo Lyons, l'ancien bassiste de TEN YEARS AFTER qui s'est distingué en produisant trois des grands succès de UFO dans la décennie, MAGNUM rentre en studio, il a déjà éprouvé son nouveau line-up… mais aussi ses nouveaux morceaux.

Et c'est ce qui va être le plus intéressant sur ce sobrement nommé et illustré "Magnum II". Il y a un cap assez flagrant entre le premier album, coincé dans des sonorités Progressif mal digérées et ces titres qui certes restent parfois aventureux, mais qui montrent déjà cette faculté que développera MAGNUM tout au long de sa carrière pour faire tenir ses voyages sur des formats plus radiophoniques. "If I Could Live Forever" est à cet égard un modèle du genre. Bob Catley se lâche un peu plus également derrière le micro, donnant même parfois dans le falsetto avec talent. Les harmonies vocales du premier album sont toujours là, et dès "Great Adventure" c'est plutôt marquant, car on se croirait presque chez QUEEN.

Mais cette ouverture purement progressive est vraiment un trompe-l'œil et assure davantage la filiation avec "Kingdom Of Madness" qu'autre chose, mais il y a là un souffle épique que n'atteignait pas le premier album. Et même si MAGNUM s'améliorera encore dans ce domaine, il tire il faut le dire le meilleur parti possible de ce que les guitares acoustiques et électriques et les divers claviers de Richard Bailey (qui n'oublie pas non plus la flûte à deux occasions) permettent. La richesse des timbres est l'une des grandes caractéristiques de la musique du groupe, qui conservera pour le coup cet acquis jusqu'à nos jours, même s'il a appris à conjuguer variété et bon goût, ce qui n'est pas toujours très évident sur ce deuxième opus (la flûte sur "All Of My Life" qui fait un peu « coucou JETHRO TULL »).

Le sens du tube est par contre en train de faire son apparition, et "Changes", qui précèdera d'un mois la sortie de l'album, sera un choix de single évident. Ce morceau date d'avant "Kingdom Of Madness" et Tony Clarkin, qui s'essayait alors à une écriture plus commerciale, sentit qu'il était temps de lui donner vie. Le refrain rentre profondément en tête, sa légèreté n'a d'égal que son efficacité, et le groupe en fera même un remix mettant les chœurs plus avant et calmant les velléités de Richard Bailey sur le mixage (pour des raisons évidentes, puisqu'il s'agit du premier enregistrement de son remplaçant Mark Stanway), un choix compréhensible pour rendre le morceau vendable. Malgré tout, la deuxième piste de l'album possède ce charme qui me la fait presque préférer. Cela dit, le calcul de la maison de disques était sans doute bon, car c'est bien ce remix qui, ressorti à la suite du succès de "Marauder" et accompagné de sa version live début 1980, parviendra à avoir un peu d'impact et à rapprocher le groupe du succès.

Et ce deuxième effort, et quand bien même il ne percera nullement dans les charts (concernant à son prédécesseur et son successeur), ce sera un sans-faute sur ses six premières pistes, avec mon chouchou "Reborn" qui aura déjà tout du MAGNUM classique que "Chase The Dragon" affinera encore davantage. "Foolish Heart" et "Stayin' Alive", trop ouvertement radiophoniques, manqueront de matière, et l'antique face B de l'album sera un bon cran en-dessous. Face B dont on sauvera l'excellent "Firebird", perle progressive marquée du sceau de GENESIS et qui en moins de cinq minutes illustre ce que je disais en second paragraphe, et l'ouverture "So Cold The Night" qui sur un mode faux-live nous séduit avec des guitares aux avant-postes, qui affirment bien plus clairement que "Kingdom Of Madness" la facette Hard Rock des Britanniques. "All Of My Life" a surtout pour qualité son refrain accrocheur et sautillant, mais ne convainc pas totalement musicalement pour rester suffisamment mémorable.

On ne peut pas encore parler de percée franche, malgré la marge de progression flagrante entre "Kingdom Of Madness" et "II", mais MAGNUM vit toujours des heures compliquées avec son management, et compensera une demi-réussite discographique par une tournée, cette fois-ci en première partie de BLUE ÖYSTER CULT, les Américains proposant une musique subtile qui se complète bien avec celle des Anglais. Et la performance des jeunes sera visiblement suffisamment remarquable pour que son label en tire un Live (le premier d'une belle série) afin de tenter de se refaire financièrement devant l'échec de "Magnum II".