C'est le cœur léger que MAGNUM devrait aborder son nouvel album. Le succès de "Vigilante" ne se dément pas, et le changement de label ne pouvait qu'aider. Direction l'élite avec la major Polydor. Après six albums, il était temps d'accéder à la première division. Et si la suite de la carrière de MAGNUM n'aura plus le retentissement de la période 86-91, nous sommes à une époque où évoluer à ce niveau donne de nouveaux moyens. Si MAGNUM souhaite autant que possible reconduire le tandem David Richards – Roger Taylor à la production, ce ne sera pas possible, le duo étant affairé pour plus d'un an dans la production de "The Miracle".

Mais de la fin des sessions d'écriture de "Vigilante" aux Wiseloord Studios d'Hilversum, MAGNUM, et surtout Tony Clarkin, n'est pas forcément dans l'état d'esprit le plus sémillant. Les jeux politiques des derniers soubresauts de la Guerre Froide le démoralisent, s'y ajoutent un sentiment d'éloignement familial et une vision d'un monde que l'Homme abîme avec un rare talent, les thématiques de MAGNUM ont quitté les évocations fantasmagoriques, la fantaisie et la poésie de la jeunesse. "Wings Of Heaven" doit pouvoir séduire les masses, et à cet égard, sa production très clean et aseptisée est parfaite pour bercer l'auditeur lambda dans le sens du poil. Les guitares sont encore une fois mixées un peu en arrière, et on est clairement plus proche des productions de formations comme MIDNIGHT OIL. Même ASIA sonne plus rentre-dedans par moments. C'est ce qui m'a décontenancé en premier, les claviers de Mark Stanway sont toujours là, mais clairement, on met en avant le basse-batterie et le chant d'un Bob Catley au sommet de son art. Il a fort à faire car il porte presque toute la puissance évocatrice de MAGNUM sur ses épaules.

Et ça coince chez votre serviteur. Je ne peux que saluer la capacité du groupe à opérer sous certaines contraintes tout en regardant davantage vers le futur que le passé. Mais sur ce disque MAGNUM a laissé tomber tout un pan de ce qui fait le sel de sa musique, cette luxuriance, ces moments rêveurs, dont même "Vigilante" n'était pas dépourvu. En l'espace de trois ans, la métamorphose des Anglais est pour le moins déroutante. Enfin laissé tomber, pas totalement. "One Step Away" est plus contrastée, mais surtout, la pièce finale, "Don't Wake The Lion" démontre selon moi l'inconfort dans lequel se trouve le groupe, qui enchaîne les mid-tempi Rock Mélodique sans trop grande ambition, bien assis sur des structures simples, pour au final nous achever avec un mastodonte de plus de dix minutes qui apparaît dès la première écoute comme le meilleur titre de l'opus.

"Wings Of Heaven" est un titre trompeur car les espaces de liberté se sont réduits pour MAGNUM qui œuvre dans un registre majoritairement Pop Rock qui ne me laisse pas un souvenir impérissable. Mais comme nous avons un compositeur plein de ressources, il faut bien s'imaginer qu'on peut tirer le meilleur : la power-ballade "It Must Have Been Love", dans la plus pure tradition du groupe, se voit bien mise en valeur par le London Gospel Choir qui donne un peu plus de profondeur au refrain. C'est sur "One Step Away" que la bascule se fait. Après s'être assuré d'attirer le chaland, MAGNUM va progresser vers la fin de l'album en réinjectant un peu plus de son ADN (même si "Different Worlds" n'est pas leur plus grande réussite). Le talent de conteur de Bob Catley et la finesse des ambiances font passer la pilule sur "Pray For The Day".

Et puis il y a "Don't Wake The Lion (Too Old To Die Young)". Sur ces dix minutes (dont le pont central était à l'origine une autre chanson, justement intitulée "Too Old To Die Young"), MAGNUM va rappeler ce que tension dramatique et développement narratif signifient. Seul regret, sa mise en son pour le coup moins adaptée à ce déluge d'ambiances (en cela préférez les versions live). La tension monte, cet arpège obsédant de guitare acoustique, et l'arrivée tardive de la guitare saturée, après un pont instrumental qui laisse les espaces à des samples (chœurs, voix parlées), avant l'emballement de la batterie de Mickey Barker, "Don't Wake The Lion" est un titre dont l'ambition rappelle que nous écoutons bien l'auteur du somptueux "On A Storyteller's Night". Ce titre, à l'image de l'album, ne se saisit pas forcément d'une traite, même si au premier abord il est le plus digeste de la discographie. Les subtilités apparaissent, quand elles sont là, au fil des écoutes, et si "Wings Of Heaven" a plus à raconter qu'il ne le semble au départ, il reste l'album "Je t'aime moi non plus" en dépit du succès qu'il aura à sa sortie, le plus important que connaîtra jamais MAGNUM.