Le 16 octobre 2007 ressort le célèbre "Live At Monterey", prestation du Jimi HENDRIX EXPERIENCE restée iconique pour la mise au supplice et l'immolation de son instrument par Jimi à la fin de "Wild Thing". La gestion du catalogue de celui qui a défini la guitare Rock et Metal a été mouvementée au fil des ans, et notamment celle de la parution des titres écrits pour le successeur de "Electric Ladyland" ainsi que des différents Lives devenus, après la disparition prématurée de la légende, des témoignages essentiels. À l'occasion de cette ultime réédition par Universal et les ayants-droits d'Experience Hendrix, un lancement grandiloquent est organisé à l'Hippodrome (qui n'est pas un réel hippodrome) de Londres.

Et pour ce lancement, en présence des compères de Jimi, Billy Cox et Mitch Mitchell, un concert hommage est organisé avec Gary MOORE à la manœuvre ! Ramassé sur la formule trio qu'il a adopté depuis "Scars", et fidèle à la formation historique du Jimi HENDRIX EXPERIENCE, c'est l'occasion de le voir ressortir sa mythique Stratocaster Fiesta Red qui a fait les beaux jours de sa carrière de Hardos. Ce concert, s'il est désormais disponible, l'est hélas sans doute pour des raisons autres qu'artistiques, Gary MOORE nous ayant quitté début 2011, "Blues For Jimi", qui fait écho à un autre album hommage sorti par le Bluesman nord-irlandais en 1995 : "Blues For Greeny" rejoint les témoignages rendus essentiels par la perte de leurs auteurs.

Accompagné d'un Darrin Mooney dont il semble désormais inséparable, le bassiste du jour Dave Bronze semble inconnu, mais a tout de même joué avec Eric CLAPTON, Mick Fleetwood (oui oui, celui de FLEETWOOD MAC), DR. FEELGOOD et PROCOL HARUM. On a donc un trio solide qui ne met pas longtemps à faire des étincelles. Après un "Purple Haze" symbolique puisqu'il ouvrait le premier album de l'EXPERIENCE (la plus grande partie de la setlist est dédiée à cet album séminal) et "Manic Depression" met en valeur une section rythmique qui n'a clairement rien à envier à l'original, avec un batteur de PRIMAL SCREAM en feu !!!

Si le démarrage, bien que tonitruant, ne fait pas spécialement d'étincelles, et que "Manic Depression" constitue le véritable échauffement et départ de ce concert, avec une section rythmique impeccable à laquelle Gary contribue par un placement solide, sans doute plus que Jimi lui-même, on a déjà les éléments de base pour apprécier ou non le concert. Gary n'est pas Jimi, tant au niveau du jeu, même s'il s'applique à respecter le son de l'Américain, parfois même un peu trop ("Fire"), et encore moins au niveau du chant, où la sensualité habitait chaleureusement la musique. Comme déjà évoqué, le concert, pas extravagant ni dans sa mise en œuvre, ni dans sa durée fait honneur à "Are You Experienced?", et ne s'autorisant que deux détours (et demi) : un passage par Gary qui improvise une introduction à "Angel" un des titres posthumes de Jimi Hendrix, puis le final inévitable de "Voodoo Child (Slight Return)" qui refermait le dernier album sorti de son vivant, le vibrant et coloré "Electric Ladyland".

Gary Moore ne s'économise pas, met un point d'honneur à avoir la bonne guitare pour chaque titre (utilisant pas moins de deux stratocaster sur "I Don't Live Today", fallait bien ça, vu comment la première est malmenée, une Flying V pour "Angel"), et la prestation de Darrin Mooney est ébouriffante, sans doute un des meilleurs batteurs à l'avoir accompagné. Ce qui m'amène au quasi clou du spectacle ; après avoir treize ans plus tôt servi le répertoire de CREAM accompagné par la paire Bruce/Baker, Billy Cox et Mitch Mitchell investissent la scène en lieu et place de Mooney et Bronze pour trois titres ! Et là il faut admettre que le résultat est pour le moins contrasté ; si Billy Cox apporte toute sa gouaille et cette Soul qui jusque là manquait au concert, et qui prend même le micro sur "Stone Free" ! Du côté de Mitch Mitchell c'est plus compliqué ; le vieil homme possède toujours ce jeu marqué par le Jazz avec ses décalages rythmiques et ce jeu de charleston subtil, mais il a beaucoup de mal à conserver son placement. Heureusement que la locomotive Cox avoine aux avant-postes. La comparaison avec l'énergie pleine d'à propos du batteur de PRIMAL SCREAM se fait sentir.

"Blues For Jimi" ne fait pas partie des témoignages essentiels de la carrière de Gary MOORE. En revanche, il montre comment le balafré, exigeant s'il en est, mettait toujours un point d'honneur à mettre le même perfectionnisme dans ses compositions que dans ses hommages. Mais la musique d'HENDRIX n'était pas aussi calibrée ; mouvante et tournoyante, gravée tant avec le talent que les buvards, elle se nourrissait au carrefour d'influences singulières, et, contrairement au spécialiste Gary MOORE, pour citer les mots d'Albert KING : Jimi n'était pas un bluesman. À partir de ces éléments, vous avez la grille de lecture pour apprécier ce "Blues For Jimi".