Pour le BLACK SABBATH version Dio, il devenait urgent de sortir un album live. En effet, en 1980, Patrick Meehan, ancien manager peu scrupuleux du groupe, avait balancé "Live At Last" avec des bandes de piètre qualité dont il avait les droits, captés durant la tournée de soutien à "Vol. 4". Et comme pour narguer son ancienne formation, Ozzy publie en novembre 1982 "Speak Of The Devil", un enregistrement en public constitué de morceaux de BLACK SABBATH. "Live Evil", lui, connaît une sortie en décembre, dans une période bien sombre pour la formation vu que le divorce entre le tandem Dio/Appice et le duo Iommi/Butler était consommé.

La pochette fourmille de clins d’œil aux chansons de BLACK SABBATH. Le résultat peut paraître gentiment kitsch, mais on se souvient de cette jaquette. Elle marque. Et l’effet « miroir » entre live et evil, le second étant l’anagramme du premier, a été une riche idée, qui correspond bien à l’aspect occulte que le groupe n’a eu de cesse de mettre en avant dans les années 70, sous l’impulsion de Geezer Butler. Et de ce fait, il est légitime de penser à un best of, même si c’en est pas un, même capté en live, les absents sont quand même importants.

Première constatation, Dio n’hésite pas un instant à se frotter au répertoire de l’époque Osbourne et il s’en tire plutôt bien. Il n’apporte pas autant de noirceur, mais il conduit les titres ailleurs, vers quelque chose de parfois plus épique, comme il le prouve avec l’excellent "Iron Man" ou encore sur "Children Of The Grave". "N.I.B." conserve un aspect effrayant tandis que le lutin se vautre toutefois sur "Paranoid", ses intonations étant très étranges et ne fonctionnant que très moyennement. Mais globalement, il a réussi à s’approprier ces chansons et les faire sienne sur scène, ce qui n’était pas gagné.

Bien sûr, sur les compositions pour lesquelles il a collaboré, il est juste impérial, il devient le capitaine d’un fier navire qui en impose quand même, malgré un son pas terrible terrible. Il est meilleur que celui de "Live At Last", mais il est toutefois très décevant. Le public semble complètement absent, certains soli sont complètement noyés face à la section rythmique, l’équilibre n’est pas toujours au rendez-vous et Dio en fait parfois trop, en réponse à quelques soli à rallonge du père Iommi. En gros, il y a des passages agaçants.

Quant à la setlist, elle est plutôt sympathique, mais perso, j’aurai volontiers échangé "Voodoo" avec "Die Young" par exemple. J’aurais apprécié que BLACK SABBATH se fende d’un "Hole In The Sky" ou d’un "Megalomania", voire qu’il pioche dans le répertoire plus litigieux de "Technical Ecstasy" ou de "Never Say Die!". Il y avait tout un champ des possibilités qui n’a pas tout à fait été respecté, les prises de risque auront été, au final, très minimes. Osez messieurs, osez ! Avec Dio, il y avait possibilité de faire de belles choses.

Puis il y a la légende noire autour de cet album live… Iommi le reconnaît, l’ingé-son qui avait dit que Dio était venu un soir pour modifier le mixage n’était pas digne d’intérêt. Mais voilà, les musiciens étaient fatigués après une tournée où sont nées quelques frustrations et tensions et cette goutte d'eau a fait monter une mayonnaise qui a fait tomber le soufflé, si vous voyez ce que je veux dire. La séparation était devenu inévitable et "Live Evil" sort quand Dio ne fait déjà plus partie de BLACK SABBATH, plongeant les membres restants dans une espèce d’expectative. Ils ne savaient pas encore que petit à petit, la crédibilité de la formation allait s’effriter.