Cette chronique est difficile à écrire pour deux raisons.

Comment parler de RHAPSODY (que nous, irréductibles Nightfalliens ne nous sommes toujours pas résolus à renommer -OF FIRE, ne souhaitant pas couper sa discographie en deux (au milieu de la deuxième saga qui plus est) sans penser à la voix de Bast, éteinte par la cruauté de la vie terrestre, et qui conservait toujours, même des années après sa retraite de l'écriture, une flamme intacte, une ferveur inébranlable envers les Italiens. Comme au travers de l'excellente rubrique "suivez le guide" de Rock Hard, par notre estimé collègue Guillaume (aka Fightfirewithfire), je ne peux démarrer cette chronique sans lui rendre un vibrant hommage, en m'ayant laissé, par l'intermédiaire de Volthord, la discographie de RHAPSODY, puis les clefs de la maison Nightfall que l'on maintient et modernise de notre mieux en coulisse.

Rédiger la chronique de "Challenge The Wind" n'est pas non plus tout à fait neutre pour moi non plus, car comme certains savent, j'ai au printemps 2023, effectué une tournée européenne avec AVALAND en compagnie de deux groupes que je suis ici, SYMPHONITY et RHAPSODY OF FIRE. Inutile de dire que connaître personnellement les artistes derrière les artworks fantasy, le Power Metal enlevé historique bardé de flonflons orchestraux, et les sagas de l'Émeraude puis des Nephilim (cette dernière trouvant sa conclusion sur ce quatorzième opus), peut changer votre perception. Si c'est selon moi un fait indiscutable concernant les personnalités, concernant l'appréciation de la musique c'est un peu différent.

Car reconnaître le travail derrière l'élaboration d'un album n'est pas un fait qu'il m'est difficile d'imaginer au vu de mon parcours, mais ça m'a posé un cas de conscience. Mais finalement, en ayant réécouté "Glory For Salvation" et vu le travail que faisaient les nouveaux titres sur scène, que j'ai pu voir un paquet de fois (le privilège !), je me rends compte que mon avis sur la musique des Italiens n'a pas évolué depuis cette parenthèse en terres enchantées. Cela m'est d'autant moins difficile que "Challenge The Wind" présente peu ou prou les même qualités et défauts que son prédécesseur (un défaut en plus mais j'y reviendrai).

Giacomo Voli dispose d'une latitude bien plus importante pour apporter la vie nécessaire aux lignes vocales supportant les paroles de l'histoire écrite par le duo Staropoli/De Micheli, et ça se sent. Depuis son arrivée, on apprécie de disque en disque sa patte, et il s'affirme comme le vocaliste indiscutable de RHAPSODY, permettant une certaine fluidité et un côté plus naturel qui se ressent aussi dans une écriture plus organique où la guitare tient les avant-postes. Ce disque se veut clairement axé Heavy et si les orchestrations (désespérément cheap comme sur l'album précédent), sont souvent un peu trop présentes, surtout quand elles servent essentiellement à marquer les accents ("Challenge The Wind", "Diamond Claws"), ce disque sans ballade et compact ne constitue clairement pas une épreuve.

Pas trop long, il aurait sans nul doute pu être encore meilleur si le groupe avait lâché sa marotte du titre-fleuve (très loin de "March Against The Tyrant") dont le début façon RHAPSODY IN BLACK est plaisant et raccord avec la thématique, c'est un patchwork de titres plus ou moins longs qu'on écoute (surtout écouté dans le contexte de l'écoute intégrale de l'album), certainement pas un long titre épique à la construction ambitieuse. Et le pompon, c'est que le groupe, croyant que ça ne se verrait pas, nous recale la pièce centrale comme titre à part entière en fin d'album sous le titre "Master By The Dark" ! Alors le titre est très cool, et permet d'apprécier la basse épaisse d'Alessandro Sala, mais cela fait encore plus de "Vanquished By Shadows" (et pas par la honte visiblement) un foutage de gueule manifeste.

Et c'est dommage. Mais vraiment. Car l'album a clairement des arguments à faire valoir, notamment l'absence de ballade, et des titres directs, qui mettent bien en valeur Roberto De Micheli, le grand homme de ce disque avec Giacomo Voli. On saluera d'ailleurs l'abnégation du gardien du temple Alex Staropoli, qui toujours avec l'apport épisodique de son frère Manuel, laisse l'occasion aux membres de son groupe de briller (tout le contraire de Jon Bon Jovi). Plusieurs des titres de "Challenge The Wind" ne rentreront pas dans les annales du Power Symphonique, mais l'écoute de l'album est plaisante (très plaisante si on est fan de RHAPSODY à la base) une fois expurgé de ce poireau au milieu de la figure évoqué au paragraphe précédent. Ma pièce sur le RHAPSODY OF FIRE de nouveau "Forza Italia" (même si j'inclus "The Eighth Mountain") c'est qu'avec les meilleurs titres de ses trois derniers albums, il avait un album à la hauteur des classiques. Les heures qui ont contribué à faire sa réputation ont beau être derrière lui, RHAPSODY OF FIRE va de l'avant et tient le choc dans un monde bien différent de celui qui l'a vu naître. Comme le Nightfall façonné par Bast en somme.

So long Didier…