Il paraissait improbable de faire mieux avec quelqu'un d'autre qu'Uli Jon Roth… Et pourtant, après des péripéties Schenkeriennes et un renouveau timide en 80, les Scorps se sont relancés pour de bon avec Matthias Jabs et ses soli mélodiques incendiaires. Sûr de son "Blackout" Heavy en diable porté par un Klaus Meine aux cordes vocales largement requinquées, la formation enfonce le clou avec cet album à la pochette devenue iconique.

Et ce n'est rien à côté de son contenu. La pression pour ne serait-ce qu'égaler "Blackout" est réelle et détériore les relations entre SCORPIONS et son sixième homme Dieter Dierks qui veut pousser les musiciens à se dépasser une fois de plus. L'heure est au rêve américain, et il envisage très sérieusement de remplacer la section rythmique des Allemands par les mercenaires chevronnés que sont Jimmy Bain (DIO) et Bobby Rondinelli (RAINBOW). Mais la sauce ne prend pas, et Buchholz et Rarebell finissent par mettre l'album en boîte, après la cure de sevrage du dernier. Ce n'est pas la première fois que cette volonté d'américaniser le son du groupe se présente, Don Dokken ayant deux ans plus tôt été envisagé pour remplacer Klaus.

Néanmoins le produit final est une véritable réussite. Pensé afin de surpasser son prédécesseur, "Love At First Sting" va être le plus gros carton commercial de SCORPIONS avec plus de six millions d'exemplaires écoulés à travers le monde (la moitié rien qu'aux US) et il suffit de se fader l'album d'une traite pour comprendre.

Car hormis un "The Same Thrill" un peu courant d'air, l'album regorge de perles devenues pour la plupart des classiques incontestables du groupe. Articulé autour d'une face A clairement mélodique, où "Bad Boys Running Wild", "Rock You Like A Hurricane" ou le contrasté "Coming Home" se taillent la part belle, même s'il ne faut pas négliger le méconnu "I'm Leaving You", et d'une face B plus Heavy et expérimentale, avec la marche militaire de "Crossfire", les ambiances plus travaillées de "As Soon As The Good Times Roll" qui rappellent le titre "Animal Magnetism" ou encore "Is There Anybody There?", le Heavy "Big City Nights" agrémenté d'un solo de Rudolf Schenker qui se distingue dans un style pas éloigné de celui de son frère Michael, et bien entendu le fabuleux "Still Loving You", aux arpèges de guitare entremêlés avec une rare intelligence, et parachevé par une prestation monumentale de Klaus Meine. SCORPIONS propose là sa seule ballade de l'album… Mais quelle ballade ! Sans doute l'apex du genre et pour l'éternité sans doute. Il n'y aura guère que SKID ROW dans les années suivantes pour approcher une telle grâce.

Si vous devez découvrir SCORPIONS, "Love At First Sting" a tout de l'album parfait, même s'il confirme, après "Blackout", que la page seventies est définitivement tournée. C'est l'œuvre la plus emblématique de SCORPIONS, celle dont les singles et la pochette ont fait le tour du monde, et qui a permis à des milliers de couples de se former sur "Still Loving You" et de donner au groupe une conclusion définitive à ses concerts avec "Rock You Like A Hurricane", au riff résolument Heavy, mais qui a été repris par les groupes de bal de la Terre entière. En cette année 84, l'Allemagne s'invite au concert des grands anglais et américains qui jusque là régnaient sans partage.