La sortie du réussi album "Calling The Wild" en 2000 a redonné confiance à DORO. Après des années de doute, un désintérêt des labels et des fans, la chanteuse a de nouveau du vent dans les voiles. Malgré un album somme toute assez loin de sa gloire passée, celle qui a toute sa vie durant porté haut le flambeau du Heavy Metal renoue enfin avec le succès public et critique. De quoi aborder plus sereinement son successeur, qui ne tarde pas à débarquer dans les bacs. Si ses choix, notamment relatifs à son entourage, ont souvent été discutables (et ont parfois pu faire prendre une mauvaise direction à sa carrière), DORO décide ici de chambouler les habitudes prises avec "Force Majeure" en 1989 et fait appel (enfin, diront certains) aux musiciens qui l’accompagnent alors sur les routes depuis de nombreuses années pour l’aider à composer de nouveaux morceaux. Nick Douglas, Johnny Dee, et le guitariste Joe Taylor qui a récemment rejoint l’équipe formée autour de la chanteuse se retrouvent donc à créer ensemble plusieurs titres retenus pour figurer sur ce huitième album, mis en boîte en Pennsylvanie ainsi qu’à Düsseldorf.

La chanteuse ne s’est pas pour autant débarrassée de Chris Lietz (DIE KRUPPS) en partie responsable du naufrage "Love Me In Black", toujours présent derrière la console. Mais le bonhomme semble bien décidé à racheter ses erreurs et horreurs passées puisqu’il compose "Rock Before We Bleed" qui, placé dans les tréfonds de la tracklist, est pourtant le morceau le plus représentatif de ce "Fight" qui, effort de groupe aidant, lorgne ostensiblement du côté de WARLOCK. "Rock Before We Bleed" aurait pu, sans rougir, figurer sur "Triumph And Agony". Près de vingt ans après la sortie de cet album culte, il témoigne néanmoins de la forme retrouvée de DORO sur cet album. Une claque. C’était bien le moins que Lietz pouvait faire pour s’excuser.

"Fight", qui ouvre l’album, ne suscite pas pour sa part une adhésion immédiate. Le son de guitare, volontairement crade et crunchy, à mi-chemin entre Grunge et Punk, confère une ambiance étrange à ce brûlot rageur autant que surprenant. Il faut attendre "Always Live To Win" pour être pleinement rassuré. Ce titre Hard Rock musclé, porté par une belle énergie et un refrain excellent, est d’une efficacité redoutable. Ce morceau sera d’ailleurs un des rares extraits de cet album (avec le précité "Fight") à être interprété en live. La version rééditée de l’album, en 2010, propose une version en langue française de ce titre, renommé pour l’occasion "Tour Jour pour Gasner". Barres de rire assurées à l’écoute de cette adaptation dont l’amateurisme témoigne une nouvelle fois des difficultés que rencontre DORO au moment de s’entourer de personnes compétentes.

Souvent mis en avant par les amateurs de cet album, le titre "Descent", lent et contemplatif, gothique dans l'esprit, se fait tout de même plutôt répétitif et redondant. Invité de marque, Peter Steele (TYPE O NEGATIVE) nous offre ici une interprétation intéressante, introspective et sensuelle, mais peine à transcender ce morceau basé sur un riff heavy pachydermique répété à l’envi. Pour chercher de véritables pépites, il faut plutôt aller chercher du côté de "Legends Never Die", titre initialement composé par Gene Simmons pour le "Creatures Of The Night" de KISS, mais finalement non sélectionné pour l’album. Revisité par DORO, ce mid-tempo très mélodique devient une véritable leçon de Hard Rock. Ceci est également valable pour "Sister Darkness", titre composé en compagnie de Jean Beauvoir (CROWN OF THORNS), sans doute le morceau le plus novateur et aventureux de l’album, porté par une intensité bluffante sur son refrain. Savoureux, tout comme "Wild Heart", titre Hard Rock au gros riff immédiat, composé par Russ Ballard. Certainement le meilleur refrain de tout l’album.

Plus anecdotique mais néanmoins inspirés, "Salvaje" (qui évoque l’amitié entre DORO et Lemmy, et dont le refrain est interprété en espagnol) ainsi que la ballade "Undying", qui nous permet d’apprécier la voix fragile de la chanteuse, ici mixée très en avant, complètent un tableau résolument intéressant. La fin d’album, plus laborieuse, ne permet pas à celui-ci de s’achever en apothéose. Dommage, mais la qualité globale de "Fight" mérite qu’on s’attarde sur cet album, souvent associé à son prédécesseur "Calling The Wild", deux témoins de la renaissance de DORO au début des années 2000. La chanteuse, eut-elle sélectionné les meilleurs morceaux de ces deux albums pour n’en faire qu’un seul, aurait pu accoucher d’un nouveau chef-d’œuvre. À défaut, une grosse poignée de morceaux inspirés, fruit d’un travail de groupe, nous permettent d’apprécier le dévouement de la chanteuse à la cause commune. Cela suffit à notre plaisir.