Franchement, qui a envie d'entendre DORO déclamer des vers écrits par un enfant de 10 ans, sur fond d'une musique atmosphérique vaguement bluesy ? "The Fortuneteller", voici sans aucun doute un des morceaux les plus embarrassants enregistrés par la chanteuse dans le courant des années 90, même si les albums suivants compteront également leur lot de morceaux très moyens. Mais sur ce titre, la hurleuse de WARLOCK, la porte-drapeau du Hard/Heavy "à l'européenne" de la fin des années 80 devient une chanteuse bohème, dont les textes comme les mélodies se voient totalement dénués d’intérêt. Comment en est-on arrivé là ?

Il faut reconnaître que Doro n'a pas hésité à prendre des risques, au moment d'écrire et mettre en boîte son troisième album solo, qui allait devenir ce "True At Heart" pas vraiment folichon. Après un album plutôt bien accueilli, enregistré sous la houlette de Gene Simmons, la chanteuse aurait pu continuer de collaborer avec le leader de KISS et continuer à proposer un Hard Rock de qualité, à défaut d'être flamboyant. Las, l'Allemande décide de s'envoler pour les États-Unis et de faire appel, pour ce nouvel album, à une équipe de musiciens de Nashville, bien plus familiers avec un univers musical Country/Rock. C'est Barry Beckett, renommé pour avoir travaillé avec Bob DYLAN, Joan BAEZ ou encore DIRE STRAITS (le fameux "Communiqué", c'est lui), qui prend en charge la production, et la chanteuse se voit affublée d'une équipe de compositeurs plus amateurs de chemises à franges que de vestes à patch.

Pour autant, "True At Heart" reste un album Hard Rock. Les deux titres introductifs en témoignent : DORO n'a pas vendu son âme au dieu de la musique Country, et continue de proposer des titres mordants et efficaces, à défaut d'être réellement flamboyants. "Cool Love" et "You Gonna Break My Heart", aux riffs intéressants, sont le fruit d'un Hard Rock 80s pas inintéressant, mais sans grande envergure. Plus loin, "Heart Shaped Tattoo", très mélodique, constitue sans doute le morceau le plus aventureux. On apprécie, sans vibrer, pour une musique qui doit surtout au chant toujours mordant et acéré de Doro.

L'écueil principal de cet album, ce sont les ballades. Elles sont nombreuses, trop nombreuses, puisqu'elles constituent la moitié de la tracklist. Certaines frôlent l'indigence, à l'image de "The Fortuneteller" précitée tandis que la plupart, c'est pire encore, provoquent l'indifférence. "Even Angels Cry" (DORO a décidément un problème avec les anges, figures récurrentes dans ses paroles), "Fall For Me Again", "With The Wave Of Your Hand"... Toutes ces histoires d'amours déchues ne valent pas tripette. On oublie les mélodies et les refrains sitôt écoutés, tant l'ensemble manque d'intérêt. La fin de l'album voit Doro se la jouer carrément crooneuse, avec un "Getting Nowhere Without You" de cabaret, porté par un saxophone langoureux. Pas de quoi s'enflammer.

"True At Heart" n'est pas un mauvais album. Le problème n'est pas tellement dans la qualité intrinsèque des morceaux que dans l'impression de fuite en avant de DORO, qui finalement n'expérimente pas du tout. Sa collaboration avec des artistes issus du paysage Country lui sert surtout à légitimer la présence de trop nombreuses ballades indigentes sur un album qui ne brille pas par ailleurs par l'efficacité de ses morceaux les plus pêchus. Le tout s'écoute poliment, et n'offre au final guère de motifs de satisfactions. Un album symptomatique d'une décennie difficile pour la chanteuse.