Si à partir du milieu des années 2000 DORO s’est mise à publier des albums live à la pelle, avec frénésie, il fut une époque où les enregistrements en public de la chanteuse étaient une denrée bien plus rare. Ainsi, il faut attendre 1993, six ans après la mise en route de sa carrière solo et neuf ans après ses premiers travaux au sein de WARLOCK, pour que l’artiste publie son premier album live, très sobrement intitulé "Live". La célébration se fait ici exhaustive, puisque DORO balaye une carrière déjà riche de huit albums, la chanteuse ne se privant pas de puiser dans l’héritage fourni et percutant de son premier groupe. À l’occasion d’une longue tournée allemande réalisée sur la deuxième moitié de l’année 1993, plusieurs concerts font l’objet d’une captation. Les dates des 6 et 7 octobre (concerts à Hambourg et à Brême) seront sélectionnées pour constituer deux supports publiés simultanément, un album live (17 titres) ainsi qu’une VHS agrémentée de deux morceaux supplémentaires ("The Fortuneteller" ainsi que "East Meets West"). À noter la performance des techniciens et du label, puisque le travail de mixage, de production et de distribution est réalisé en moins de trois semaines, un sacré exploit.

Nous nous retrouvons donc face à une sortie-charnière, qui clôture une période couronnée de succès pour la chanteuse, qui surfe au début de la décennie sur une vague de popularité enviable, qu’elle doit autant à son formidable passé au sein de WARLOCK qu’à la qualité honorable des albums publiés sous son propre nom, qui s’inscrivent dans une certaine forme de continuité, même si la tendance va vers l’adoucissement de son Hard Rock. Le chapitre suivant, qui s’ouvrira avec le médiocre "Machine II Machine" (1995), sera bien plus complexe à gérer et le succès quittera DORO pour quelques années.

En attendant, l’ambiance est donc à la célébration. Déboulant avec deux reprises de WARLOCK, les musclés "I Rule The Ruins" et "Hellbound" (seul extrait de l’album du même nom), l’ambassadrice du Hard / Heavy à l’allemande prend à la gorge un public d’emblée acquis à sa cause, et qui n’hésite pas à donner de la voix (le mixage, parfaitement équilibré entre chant, instruments et participation de l’audience constitue par ailleurs un des points forts de cet album). six reprises de WARLOCK seront au menu, dont quatre extraits de l’indispensable "Triumph And Agony", naturellement mis en avant. Pour le reste, la chanteuse puise évidemment dans ses différents albums solo, la préférence étant donné au petit dernier "Angels Never Die", dont cinq morceaux sont interprétés. L’album sans titre de 1990, de même que "Force Majeure" et "True At Heart" sont modestement représentés et les choix des morceaux sélectionnés pour le faire peuvent être discutables, DORO mettant l’accent sur les ballades, au nombre de sept sur ce Live dont l’énergie se retrouve ainsi régulièrement sabotée par ces morceaux calmes qui ne sont pas forcément tous du miel pour les oreilles. Ainsi, la triplette "So Alone Together", "Fall For Me Again" et "Für Immer" peine à rendre justice à la prestation, tant le dernier de ces trois morceaux projette une intensité fédératrice inégalable. Si "Alles Ist Gut", qui clôture la prestation, est un bel exemple de la facette la plus tendre de la chanteuse, et fait retomber la pression à la manière d’un "When The Smoke Is Going Down" (SCORPIONS), il y a tout de même trop de ballades sur ce Live.
Les morceaux plus énergiques tirent naturellement leur épingle du jeu, à l’image du formidable et imparable "Bad Blood", un des bons extraits de "Angels Never Die", l’inédit "Let’s Rock Forever", le tube "All We Are", ou le fondateur "Burning The Witches", joué ici avec une conviction et une énergie appréciables, d’autant plus que le savoir-faire et l’expérience de la chanteuse et des musiciens offrent un rendu plus carré que la version studio du morceau porté par un enthousiasme juvénile. Autour d’un line-up renouvelé (le guitariste Joe Taylor et le batteur Johnny Dee, notamment, deviendront des lieutenants fidèles durant de longues années), DORO est en permanence sur le fil entre énergie brute et sentimentalisme de bon aloi.

Témoignage intéressant, malgré la présence d’un nombre outrancier de ballades, "Live" se fait représentatif de l’état d’esprit de DORO à l’aube d’une période plus compliquée. La prestation, rendue sereine par la présence des morceaux intemporels de WARLOCK, permet à la chanteuse de placer ses pions, de surprendre et oser, en proposant des morceaux intéressants de son répertoire solo. Reste un album live à l’équilibre précaire, auquel les amateurs de la musique de l’allemande préfèreront sans doute la version VHS, qui permet de mieux se projeter dans la prestation et apprécier la présence des nombreux temps calmes.