Forcément, 50 ans, c’est un anniversaire qu’il ne faut pas louper, quand bien même les principaux intéressés ne sont plus parmi nous (ou justement parce qu’ils ne sont plus là pour s’agacer). Aussi, MOTÖRHEAD connaît en cette année 2025 quelques sorties, soient directement en lien avec le groupe comme les "Manticore Tapes", ou à travers des ouvrages totalement ou partiellement à son sujet, comme la biographie de Lucas Fox, premier batteur du groupe qui revient longuement sur la genèse de la Tête de Moteur ou ce "MOTÖRHEAD – Back From The Dead" dont il est question ici, livre qui s’inscrit dans la collection "Docu BD" des éditions Petit à Petit. Il s’agit d’un collectif d’auteurs qui, au travers des saynètes, vont nous raconter l’histoire de la formation.

Mine de rien, dans le domaine musical, cette collection s’étoffe de plus en plus. Outre QUEEN, AC/DC, LED ZEPPELIN ou encore PINK FLOYD, nous trouvons des BD centrées sur le Metal ou le Punk, ainsi que sur des artistes moins underground tels que David Bowie, Nina Simone ou encore Bob Marley. Bien entendu, s’agissant d’un collectif, ce n’est pas toujours très égal, soit dans le découpage, soit dans la narration ou tout simplement dans le dessin. Ne vous fiez pas à la couverture bien badass qui nous montre un Lemmy aux yeux écarquillés, elle n’est pas franchement contractuelle.

Globalement, une personne se charge de la partie documentaire (ici Samuel Degasne, journaliste indépendant que l’on peut lire dans Rolling Stone ou que l’on peut voir sur France TV pour l’émission musicale La CoLAB), une autre scénarise les BD (Fabrice Rinaudo, qui a écrit "Prison" pour la Boîte à Bulles et qui a déjà collaboré avec les éditions Petit à Petit pour "Metal" qui n’est pas un ouvrage sur la sidérurgie comme vous pouvez l’imaginer). Ensuite, ils sont nombreux à prendre les pinceaux, pour des résultats assez aléatoires. Beaucoup d’entre eux tournent sur les différents titres de la collection. Anne Royant, par exemple, est une habituée puisqu’on la trouve sur les livres dédiés à Otis Redding, au Metal, à Bashung, à AC/DC ou encore au Disco.

L’histoire de MOTÖRHEAD est indissociable de celle de Lemmy et il est donc normal que les premiers chapitres s’attardent sur ce que le bassiste faisait avant. Quand il était roadie pour Jimi Hendrix, quand il officiait au sein d’HAWKWIND et surtout, comment il s’en est fait virer, élément déclencheur d’une des plus grandes saga du Rock’N’Roll. Des pages de documentaire viennent s’intercaler entre chaque série de sketches pour approfondir, ou nous éclairer un peu plus sur les événements narrés. Nous traversons donc le temps, passant de la naissance du Snaggletooth à l’arrivée de Würzel et Campbell, celle de Mikkey Dee, jusqu’à la fin.

Inéluctable. Car cette collection parle finalement beaucoup des morts. Avec eux, au moins, on sait que nous n’avons pas à produire de suites (alors attendez d’arriver à la fin de la chro). Mais surtout, il faut du factuel, de l’anecdote marquante, des trucs accrocheurs et la carrière de MOTÖRHEAD n’en manque pas. Le mode de vie des musiciens qui ont composé le groupe fourni un sacré terreau à n’importe quel biographe ou scénariste, qui peuvent entraîner des exagérations ou des modifications de la vérité, comme si le fait était passé en mode téléphone arabe et qu’une situation donnée devienne un brin voire complètement différente. Il est d’ailleurs difficile de vérifier les sources, certaines anecdotes n’étant pas faciles à dénicher (cf l’éviction de Pete Gill).

Des chapitres parleront spécialement à nous autres Français. Je pense évidemment au passage télé remarqué au 13h de Yves Mourousi en 1987 pour la promotion d’"Orgasmatron", le truc totalement lunaire et inconcevable aujourd’hui. Le playback était un peu moche (j’ai revu la séquence en vue de préparer cet article et c’était quand même assez drôle de voir Lemmy et sa bande s’amuser sur le plateau). La suite relève une fois de plus du fantasme de l’auteur, qui se base sur les excès du journaliste pour broder un peu autour. Rien de bien méchant. Cependant, traiter une anecdote avec humour et que ce soit réussi nécessite une coordination entre le scénariste et le dessinateur. Certains passages sont donc réussis (les histoires de studio avec Cameron Webb), d’autres le sont bien moins (les 50 ans de Lemmy). Là encore, tout est une question de goût.

Puis il y a ce moment clé, celui à la fin de sa vie où il imagine les reflets de Würzel et de Taylor dans un miroir, avec le sien. Deux morts qui l’avaient énormément marqué, dévasté pour reprendre ses propres mots. Et malgré une certaine maladresse dans le dessin, il y a cette émotion qui ressort et qui fait dire que nous sommes sur un bon passage, celui qui nous montre un vieil homme fatigué, marqué par les pertes et qui sait que son tour viendra. La suite, vous la connaissez. This is the end, my friend.

Bref, comme pour de nombreux collectifs, il y a à boire et à manger dans cette BD, qui ravive le souvenir à défaut d’entretenir pleinement la flamme. Je vous disais plus haut qu’en général, la mort permettait de ne pas sortir de suite. Ce n’est pas tout à fait vrai. Il est prévu une espèce d’add-on à ce livre pour novembre 2025, où des anecdotes d’amis de Lemmy vont être adaptées en bandes. Parmis eux, nous trouverons Dave Grohl, Lars Ulrich, Ozzy Osbourne et même Michael Moorcock. Un petit complément qui pourrait être très sympa et finalement plus ludique que cet ouvrage-ci qui finalement ne nous apprend pas grand-chose pour peu que l’on se soit un jour intéressé à cette légende du Rock’N’Roll.