« C'était ton dernier gig, c'était ton dernier acte, parti en souriant, histoire de noyer ton trac, c'est dur de s'en remettre, violente fut la claque, c'était ton dernier gig, c'était ton dernier acte. » Dur de mettre des mots plus justes que ceux de Bernie et TRUST (*) pour décrire l’horrible départ prématuré de Bon Scott, décédé à peine plus de deux mois après ce Live à Paris. Ultime testament de ce dont était capable le groupe dans sa première mouture, et témoignage de toute la malice et le talent hors norme du bonhomme, dont la personnalité canaille transparaissait à travers son chant et son attitude sur scène, au moins autant que la bonhommie de son successeur Brian Johnson.

Je ne rentrerai pas dans le jeu des comparaisons en mode « c’était mieux avant » (y’en a-t-il vraiment de possible, d’ailleurs), mais disons que Bon avait ce grain, ce sourire un brin vicieux, cette envie de saisir à pleines mains l’aventure qui lui était offerte, cette vie de Sex, Booze & Rock n’ Roll. Laissez-moi vous partager une anecdote croustillante à ce sujet : lors des aftershows, les groupies trainaient régulièrement backstage, et s’agglutinaient souvent autour d’Angus. Bon allait alors le voir pour le convaincre que la fille en question était moche et n’était pas pour lui. Angus, encore jeune à l’époque, lâchait donc l’affaire pour mieux constater trente minutes après que le chanteur s’était fait la malle avec la dite demoiselle...

Mais revenons à nos moutons. Capté la scène du Pavillon de Paris, ancienne salle mythique des années 1970 située à la place des anciens abattoirs de La Villette et aujourd’hui disparue, le 9 décembre 1979, cet enregistrement (**) existe également en version DVD ("Let There Be Rock – The Movie – Live In Paris"). Vous pouvez d’ailleurs en retrouver de larges extraits sur ioutube pour ceux que cela intéresse. Le film contient de surcroit des interviews des membres saisies à l’occasion de leur visite et possèdent un charme fou, dans l’intimité des Australiens avant de monter sur scène. Je ne peux donc que recommander cette version à tous les fans d’AC/DC. Ayant découvert ce concert par ce biais il y a fort longtemps, j’avoue ne jamais m’être intéressé au support audio, et fort est constater que j’ai eu tort ! Je remercie donc au passage notre lecteur Thierry qui a attiré notre attention sur le sujet à travers la Boîte à Demandes : que la grâce éternelle des dieux du ouakenwoll lui soit rendue.

C’est donc lors de la tournée "Highway To Hell" que se déroule ce concert, et bien naturellement, on y retrouve nombre de titres de l’album, et plus globalement, une setlist en béton armé, malgré l’absence de "Touch Too Much", l’un de mes morceaux préférés du combo, toutes périodes confondues. Mais ne faisons pas la fine bouche tant le menu est riche en pépites. La qualité de la captation est de surcroit excellente, raw comme il faut mais sans travestir la postérité intrinsèque des compositions. Le public est bien présent du début à la fin et ne se limite pas à deux/trois passages pour faire genre « t’as vu c’est du live, mec ». On est donc littéralement immergé dans ces entrepôts en compagnie du groupe, qui est en forme olympique. L’énergie transpire de chaque note, de chaque cri, de chaque frappe. On était alors loin des Lives blindés d’overdubs, le son des guitares est d’une intégrité irréprochable, et si tout n’est pas toujours juste de ce fait (les amplis grésillent même devant la puissance sonore qui leur est infligée), le rendu s’en trouve encore plus proche de l’expérience qu’ont vécu les veinards présents ce soir-là dans la capitale.

En parlant des regrettés défunts, quel plaisir d’entendre de nouveau Malcolm s’époumoner sur les chœurs, en sus du travail métronomique assuré en fond, bien calé entre Cliff et Phil. La voix de Scott pue la clope et le Jack, renforçant ce charisme si singulier qui habite son chant unique de la première à la dernière seconde, et on l’imagine sans peine arpenter la scène avec sa démarche saccadée si particulière, le jean moule-burnes déchiré à l’entrejambe. Les passages instrumentaux en semi-impro sont légion ("Bad Boy Boogie") et savoureux au possible.

Je ne vous ferai pas l’affront de vous décrire les chansons présentes sur le disque, il suffit de jeter un œil à la tracklist située à la droite de cette bafouille pour constater que la plupart des tubes composés à l’époque y figurent en bonne place, avec notamment une fin en apothéose sur "Let There Be Rock", absolument dantesque comme on y est désormais habitué. Tout ceci contribue à faire de ce "Live In Paris (Pavillon De Paris 1979)" un must absolu, à dévorer sans modération.

Note réelle : 4,5/5 parce que "Touch Too Much", merde, quoi !

(*) L’occasion de rappeler l’existence de "Ton Dernier Acte" de TRUST, magnifique hommage à Bon Scott, présent sur "Marche Ou Crève".

(**) À noter que cet alboume n’est pas disponible en tant que tel sur les plateformes de streaming. Vous pouvez néanmoins le retrouver inclus dans la compilation "Bonfire" sur les disques deux et trois.