Il y a des disques comme ça : dès les premières notes, on sait que l’on va passer un bon moment. Indubitablement, "Hail To The Heroes" fait partie de cette catégorie. Dès l’intro de "Primeval Desire", on hoche la tête, on tape du pied, on sent des frétillements survenir dans les parties intimes, c’est incontrôlable. L’enjeu est donc de rester objectif à l’écoute des autres pistes, et de ne pas se voir biaisé par cette première sensation, si délicate soit-elle. C’est la lourde tâche qui m’incombe donc pour vous parler de ce troisième opus en date de GIRISH AND THE CHRONICLES, "Back On Earth", paru en 2023, étant de facto un réengistrement de leur essai séminal, aujourd’hui introuvable.

Il convient d’avouer que le gang de Bangalore (Inde) ne nous facilite pas la tâche en balançant d’emblée trois bombes emblématiques d’une époque de Sleaze Rock révolue, définitivement conçues artisanalement comme à la plus belle période des années 80, à l’ancienne. On pense évidemment à un spectre couvrant GUNS N’ ROSES, SKID ROW, AEROSMITH, voire même WHITESNAKE ou MÖTLEY CRÜE, tant l’approche est frontale et directe, ne déviant que très peu de cette trajectoire. Mais ces morceaux sont tellement bien foutus, réhaussés d’une production récente malgré tout respectueuse du matériau de base, qu’ils s’avèrent tout bonnement irrésistibles, avec une petite préférence personnelle pour "Children Of The Night".

Malgré tout, la prudence m’oblige, car ce n’est pas la première fois que le groupe démarre pied au plancher, pour parfois étirer son propos au-delà du raisonnable et immanquablement inclure des titres parfaitement dispensables, ou bien nous pondre trois ballades bien dégoulinantes sans grand intérêt sur "Rock The Highway", l’exercice n’étant visiblement par leur fort et ce n’est rien de le dire. Fort heureusement, il n’en est rien ici. La durée a été condensée légèrement au-delà des quarante-cinq minutes, idéale à mon sens, et Girish et ses potes ne se sont pas fourvoyés de façon trop marquée dans la fange aux cochons (mis à part sur la seule guimauve de la galette, "The Heaven’s Crying", à peine meilleure que leurs précédentes tentatives), ce qui fait de ce "Hail To The Heroes" un opus consistant de bout en bout, mais suffisamment varié dans la gestion des tempi pour que le plaisir persiste constamment sur l’ensemble de la galette.

La réussite de ce disque tient essentiellement à la revisite d’une formule ô combien classique. D’une écriture académique, mais diablement efficace, GIRISH AND THE CHRONICLES vient placer des refrains impactants ("Love’s Damnation" s’incrustera sans effort entre vos deux neurones), des chœurs rétro sans être niais (le title-track), mais également une touche de modernité qui fait du bien à l’heure où nostalgie rime souvent avec parodie ou manque d’inspiration (voire les deux dans certains cas).

La production est en effet irréprochable et contemporaine, et l’on retrouve des arrangements chiadés, empruntés à des formations actuelles. La basse est particulièrement inspirée et audible, à la fois chaleureuse tout en se montrant claquante au moment opportun ("Lover’s Train", "Rock And Roll Jack"). Comme quoi, entendre la basse, c’est parfois une bonne idée, hein, Lars… Yogesh Pradhan, le frangin, y assure comme un dingue et s'en donne à cœur-joie, sentiment que l’on retrouve à l’écoute. La section rythmique, impeccable, offre ainsi un écrin en or aux guitares de Girish et Suraz, agressives sur le riffing et suaves sur les soli, mais plus encore à la voix du Frontman.

Il faut dire que le sieur Pradhan possède un talent fou, autant à l’aise pour susurrer que pour remuer, mettant ce qu’il faut de grain sans effort apparent. De son chant nait l’énergie ou l’émotion, en fonction des besoins spécifiques des chansons. D’une grande versatilité dans un genre pourtant poncé dans tous les sens à travers quatre décennies, il parvient à nous proposer une réinterprétation des plus pertinentes de ce que doit être un chanteur de Hard/Heavy Rock, avec l’intensité qui va bien, même s’il pourrait sans doute nous éviter quelques « yeah » ou autres « waouh » en fin de titre, poncifs à mon sens ici inutiles. On frôle parfois la démonstration sans jamais y sombrer totalement mais quand on possède un tel organe, ma foi, pourquoi se priver (n’y voyez aucun sous-entendu, j’ai promis de cesser tout propos graveleux) ?

"Hail To The Heroes" s’achève comme il a commencé - à balle - invitant Chris Adler (ex-LAMB OF GOD) à venir martyriser les fûts. Il possède tous les atouts pour satisfaire un public resté bloqué dans les années 80, ou ayant tout simplement grandi musicalement à cette époque et souhaitant raviver la flamme et la fougue d’une jeunesse disparue, tout en s’évitant l’infamie d’aller puiser dans des catalogues déjà essorés par d’innombrables écoutes. Dans le genre, GIRISH AND THE CHRONICLES évolue clairement au-dessus de la concurrence actuelle à bien des niveaux (technique, mélodique, composition, chant), et ce n’est pas ce dernier LP en date qui fera tache dans une discographie qui commence à franchement avoir de la gueule.