Les joies de la vie de jeune Allemand forcent Jürgen Rosenthal à quitter SCORPIONS (il doit faire l'armée) et il laisse place alors au Belge Rudy Lenners qui réalisera un duo d'albums décapants pour la formation qui monte. Décapant et provocant aussi, car le groupe inaugure une série de pochettes iconiques qui vont beaucoup faire parler d'elles. Celle affichée sur Nightfall étant d'ailleurs l'originale, de nombreux pressages étrangers ayant préféré couvrir ce sein qu'on ne saurait voir.

Et côté musique ça dépote également, et le furieux "Dark Lady" qui tente le duo vocal entre Klaus Meine et Ulrich Roth est une pure réussite, particulièrement Hard, et bardée de soli pyrotechniques du virtuose allemand. Ainsi, "Speedy's Coming" avait pavé la voie vers un Hard Rock beaucoup plus franc, rompant assez franchement avec les résidus Krautrock dont s'extirpent les jeunes arachnides.

"In Trance" inaugure deux aspects : la faculté du groupe à écrire des tubes Hard frondeurs, portés par un Klaus Meine agressif ("Dark Lady", "Top Of The Bill") mais mélodiques néanmoins ("Robot Man" avec sa rythmique mécanique) et des power-ballades aux atmosphères intimistes qui vont faire de SCORPIONS le plus redoutable compositeur du genre ("In Trance" c'est déjà quelque chose). Des Blues de cinq du mat' ("Evening Wind"), des déclarations romantiques parachevées par des trilles harmonisés du père Roth ("Life's Like A River").

SCORPIONS affiche pour la première fois son célèbre logo et le style aussi, celui qui sera le sien, et qu'il perfectionnera sans relâche jusqu'à "Taken By Force". Ces trois années (quatre avec la sortie de "Tokyo Tapes") vont écrire la légende du groupe, et pour cela il lui fallait quelqu'un capable de faire ressortir le meilleur de lui-même. Cet homme, avec lequel le groupe se fâchera au carrefour des nineties, c'est Dieter Dierks, dont l'influence dans le circuit va être importante (parlez-en à Stéphane Bonneau de SATAN JOKERS qui manque de rejoindre la formation, ou encore aux membres de WARNING, qui travailleront avec lui sur leur deuxième album).

Et surtout, SCORPIONS est dans une phase d'inspiration débridée, dont il reste peu de déchets, si ce n'est le "Sun In My Hand" d'Uli, sur lequel il chante vraiment mal, ou ce "Night Lights" aux derniers relents Krautrock. Pour le reste, c'est vraiment du très haut niveau, et la formation va récidiver un an plus tard avec un autre quasi chef d'œuvre du même acabit. Voilà le premier album essentiel de SCORPIONS.