"Commercial", "vendus", "fabriqué de toutes pièces", "opportunistes", "superficiel", voilà quelques illustrations des conneries entendues à propos de cet "Hybrid Theory", premier cri rageur de LINKIN PARK, qui a littéralement explosé à la face du monde avec cet essai séminal. Vous noterez que la haute subjectivité de tous ces quolibets concerne des apparences, des suppositions, des attitudes. Aucune ne s’attaque au fond, à la substance, à la musique proposée. Tout simplement car la qualité de celle-ci est irréfutable. On peut penser ce que l’on veut de l’approche des membres du groupe, on ne peut que plier devant tant d’efficacité. Par ailleurs, la fin de l’histoire ne donnera pas de grain à moudre aux détracteurs du combo, le suicide de Chester étant, si besoin était, la preuve de la sincérité de sa démarche, de sa fragilité dévoilée sans pudeur, y compris dans ses ratés les plus récents.

Pour en revenir à la musique, c’est assez simple : chaque piste est un tube impitoyable, parfaitement équilibré, entre mélodies imparables, flow urbain, rage et mal-être réel, son moderne et calibré à la perfection entre le mur de son des grattes et les scratchs indus de Mr Hahn. Les Californiens tirent du Hip-hop ce groove imparable, pour mieux le complémenter de la puissance du Metal et faire décoller le bousin vers des sommets d’intensité émotionnelle, grâce aux voix du duo Shinoda/Bennington.

Manque de complexité ? Peut-être, mais on s’en fout un peu non ? Comment résister à ces quelques riffs hachés ("Papercut"), à ce "One Step Closer" et ses sombres paroles prémonitoires ("I need a little room to breathe, 'Cause I'm one step closer to the edge, I'm about to break"), son breakdown de mammouth en rut qui accompagne le cassage de voix de Chester qui nous demande, pas très gentiment, de bien fermer nos bouches ? Le tube "In The End" ? Une bombe absolue, concentré de tristesse et de colère, ce mélange qui fait tout le sel et l’identité de cette première ère de LINKIN PARK. Facile ou niaiseux ? Peut-être. Mythique, certainement.

Alors oui, Mike et sa bande passaient sur NRJ. Oui, les labels les ont sans doute bien sponsorisés. Oui, la période post-"Meteora" sera intrinsèquement moins aboutie, en témoigne le nombre faiblard de KroX sur notre site favori. Pour autant, il faudrait être d’une grande mauvaise foi, ou d’un intégrisme aveugle, pour ne pas reconnaître que l’on tient là l’un des disques les plus marquants de son époque.

All killer, no filler!