Avec "Open The Gates", MANILLA ROAD effectue un gros bond en avant, à tous les niveaux : déjà, l'arrivée de Randy Foxe à la batterie propulse la section rythmique à un niveau nettement supérieur, ce qui lui permet de s'ouvrir à de nouveaux horizons. Randy Foxe est un des batteurs de Metal les plus inventifs et originaux qui soient, d'une technicité et d'une fluidité hors normes. Une simple écoute de sa prestation sur "The Ninth Wave" suffit à le démontrer. Il utilise très rarement la double pédale qui plus est.

En matière de production également, plus travaillée et moins étouffée, les subtilités de MANILLA ROAD sont enfin mises en valeur. Et sur "Open The Gates", elles sont légions !
Tout apparaît plus ambitieux et diversifié, les clins d’œil à la NWOBHM ont pratiquement disparu. Les seuls riffs qui rappellent cette scène se trouvent sur les intros de "Weavers Of The Web", "Road Of King" et "Hour Of The Dragon". "Road Of Kings" et "Hour Of The Dragon" ont d'ailleurs des intros construites de la même façon, avec un long solo « destroy » à chaque fois, avant d'entamer les couplets : efficacité garantie !

A première vue, "Open The Gates" donne l'impression d'un album lourd, pesant ; toutes ses richesses ne se dévoileront qu'au fil des écoutes. La voix de Mark Shelton s'est engraissée pour le coup, davantage de puissance et moins nasillarde que sur "Crystal Logic". Rien d'étonnant à ce que MANILLA ROAD n'ait jamais cartonné, leur style si atypique et le chant à l'opposé des tendances criardes ou suraiguës du moment, tout cela n'était pas fait pour plaire au plus grand nombre. Aucun des clichés du Doom (la lenteur) ou du Thrash (le bourrinage) n'est présent, leur façon de concevoir le Metal est vraiment à part, unique.

Deux titres speeds : "Metalstorm" aux relents Thrash et "Heavy Metal To The World" que n'aurait pas renié MOTÖRHEAD, même là dessus, on ressent en permanence une lourdeur apocalyptique. Sans oublier qu'une des influences revendiquées par Mark Shelton est KING CRIMSON, période de la sainte trilogie "Larks' Tongues In Aspic", "Starless And Bible Black" et "Red". Cela expliquerait le pourquoi du comment de l'originalité de son jeu de guitare. On peut percevoir cette influence sur le monumental "The Ninth Wave", un des morceaux phares de MANILLA ROAD, 10 minutes au compteur, progression des plus intenses, guitares planantes et « FRIPPiennes » à l'appui, martèlement ininterrompu des toms, on ne saurait se lasser de cet OVNI !
En allant plus loin, on peut même trouver de faux airs de "In The Court Of A Crimson King" sur l'intro de "Witches' Brew" ! Comme quoi, on peut avoir l'influence KING CRIMSON sans tomber dans le trip intello chiantissime (TOOL, ANEKDOTEN).

Et plus l'album avance et meilleur il devient, avec dans sa seconde partie un enchaînement impeccable d'excellents titres : "The Fires Of Mars", "Road Of Kings", "Hour Of The Dragon"... De quoi rassasier les metalleux de tout poil ! Et c'est là toute la force d'"Open The Gates" : réussir à conjuguer un Heavy Metal martial avec des expérimentations pour le moins osées, et ce n'est que le début...