Ce n’est pas un petit virus qui va nous bloquer notre monstre allemand ! Mille et sa bande avaient annoncé la couleur, suite au succès historique que "Gods Of Violence" dans les charts nationaux et mondiaux : la suite allait arriver rapidement…
Ce que nous ne pensions pas possible, c’est bien un changement de line-up ! Et à ce niveau, double dose de surprise avec donc le départ de Speesy après vingt-cinq superbes années et huit LP de service à la basse (avec médiator en studio et sans en live, une sacrée caractéristique), suppléé par notre Frédéric Leclercq national (cocorico) qui venait "comme de par hasard" de quitter DRAGONFORCE...
Après une tournée rapide et un single surprise "666 – World Divided" pour introniser le nouveau membre, toute la fine équipe est entrée en phase de composition et création pour nous délivrer ce "Hate Über Alles", au titre aussi sexy qu’aguicheur à mes oreilles. En immense germanophile (LV1 et nombreux séjours), cette "Haine par dessus tout" avait tout pour me séduire par avance.
La découverte du titre éponyme – j’y reviendrai – en premier single lançait l’aventure sur les meilleurs auspices couplée avec le fabuleux et ébouriffant artwork de Eliran Kantor (et je pèse mes mots), cet incroyable artiste israélien à l’origine de bien d’autres pochettes cultes (TESTAMENT, HELLOWEEN, MY DYING BRIDE, HATEBREED, LOUDBLAST, THY ART IS MURDER, DESPISED ICON et j’en passe). Sans doute à mes yeux l’un des plus beaux de la carrière du groupe. C’est dit !

Sorti en juin 2022, ce n’est qu’au retour de mon Hellfest annuel (!) que je trouve enfin la force de vous parler de ce "Hate Über Alles"… C’est Jeff qui m’a remis en selle, pour me dire qu’il avait beaucoup apprécié cet opus… en tout cas davantage que moi (*).
J’en suis même allé à attendre de me trouver en Allemagne pour retrouver une sorte de force intérieure au sujet de mon KREATOR. En effet, depuis 2005 et "Enemy Of God" mais surtout "Hordes Of Chaos", je suis taxé de fanitude absolue vis à vis des Allemands. Je plaide totalement coupable : KREATOR est véritablement le groupe qui m’enthousiasme le plus avec mes références de Death Mélo et de Deathcore récentes…
Beaucoup m’attendaient les armes au poing en me voyant débouler avec la même note voire une sélection du site… Mis à part pour la pochette donc, je ne serai pas de ce voyage.

Dans ma chambre d’hôtel, dans le nord de l’Allemagne donc, je tente de faire le point et c’est bien la chronologie qui révèle le déroulement de mon positionnement : "Hate Über Alles" (le titre) est l’arbre qui cache la forêt incontestablement : 100 % KREATOR du début à la fin (intro, hurlement de Mille, solo, refrain entêtant, vélocité et férocité inclus, un tube né pour le live comme toujours), il fait immanquablement mouche. Bingo. Inutile de vous dire que le coup de l’intro instrumentale à la Western Spaghetti/Ennio Morricone mode "The Ectasy Of Gold" fait méchamment le travail de rampe de lancement en outre !

Le faux-ami par excellence ! Car si KREATOR œuvre dans un Thrash Mélodique exceptionnel (je suis un fou, j’utilise des expressions risquées), ici on découvre très rapidement du Thrash trop Mélodique au final.
J’en veux pour preuves la présence de chœurs trop fréquente ("Midnight Sun", j’y reviendrai décidemment, "Become Immortal" proche d’un SABATON et que dire des chants mièvres sur "Conquer And Destroy" ?), des couplets agressifs mais des refrains plus "apaisés".
Sur ce "Midnight Sun" où l’on découvre la voix de Sofia Portanet (une première dans l’histoire du groupe) qui de prime abord ne m’a pas plu du tout… Il m’en a fallu du temps pour avaler la pilule de cet espèce d’interlude récurrent (!), car son interprétation ne me convient pas, en comparaison de timbre de voix de Mille notamment. De la même façon, le bas du front "Crush The Tyrant" se révèle rapidement répétitif et ennuyeux, sauvé quelque peu par un premier solo Heavy tout juste agréable puis un second un poil plus intéressant.

Sur l’ensemble des morceaux donc, KREATOR calme le jeu et nous offre un grand écart assez désagréable du title track à ce "Dying Planet" (composé avec la participation de Fred). Pour ne rien vous cacher, ce dernier morceau ne passe pas : outre le fait qu’il singe à mes oreilles allègrement SEPULTURA et l’un de ses titres de "Quadra" (merveille absolue à ne pas rater), il s’agit d’un titre de quasi sept minutes d’un ennui peu commun donc beaucoup trop long, clôturant l’album. Je pense qu’il a fortement contribué à me bloquer pour revenir avec motivation lors de mes innombrables écoutes.

Attention, KREATOR prend donc des risques et tente une forme d’évolution que certains réclamaient autant que moi je les redoutais. "Stronger Of The Strong", second single, moins immédiat se révèle au fil des écoutes. Il vient compléter une série de noms de titres toujours aussi martiaux que violents : "Killer Of Jesus", "Crush The Tyrants", "Become Immortal", "Conquer And Destroy". Le groupe n’est pas là pour enfiler des perles non plus, ne me fait pas écrire ce que je ne veux pas dire. Le bien dénommé "Demonic Future" ravivera certaines flammes du passé, modestement. Ainsi, "Killer Of Jesus" est intéressant car membre de la série des titres Thrash mélodique efficaces au côté du duo Heavy "Become Immortal"/"Conquer And Destroy" sorte d’hommage à IRON MAIDEN, ACCEPT voire RUNNING WILD. Un petit mot pour vous parler quand même de la production, moins aboutie que de coutume (Arthur Rizk n’est pas Jens Bogren).

Au moment de faire le point, il faut raison garder : KREATOR sait composer et proposer un Thrash qui depuis vingt ans n’est plus à prendre en défaut côté mélodique, ni côté Thrash tout court depuis 1985 maintenant ! Pourtant, ce "Hate Über Alles" laisse un coup d’inachevé trop marqué.
C’est un bon album mais il ne tient pas la comparaison avec ses illustres aînés, à tous les niveaux. On sent le frein à main avec un morceau qui illustre un peu tout cela à mon sens : "Pride Comes Before The Fall" qui tente de reproduire la merveille "Death Becomes My Light" sans transformer l’essai clairement…
C’est terrible cette histoire car Mille est irréprochable, Ventor est un monstre (et en live c’est toujours aussi impressionnant), Sami n’a pas son pareil avec sa guitare (j’adore le jeu de ce musicien depuis toujours et encore davantage) mais c’est bien ici le contenu qui pêche… Espérons que ce "Hate Über Alles" ne soit qu’une mise au point au sein d’un groupe qui a connu une évolution dans ses rangs (je tente la méthode Coué mais je connais la réponse).
Quand on vient chez KREATOR, on veut du mémorable, et cette cuvée n’en propose que très peu...

Hail To The Hordes.

Note réelle : 3,5 sanctionnée à l’inférieure.

Top : "Hate Über Alles", "Stronger Of The Strong", "Become Immortal".

(*) il me tarde donc de lire ici sa kro-express !