Passé la sortie du colossal "Falling In Between Live", TOTO est rentré dans une phase franchement pas cool. Entre un Steve Lukather emprisonné dans ses addictions (le redoutable combo alcool/coke), un Mike Porcaro éloigné de la scène pour maladie (diagnostiqué ALS, il s'éteindra au moment de la sortie de "Toto XIV"), un Bobby Kimball qui devient sourd et commence à avoir du mal à suivre en live devant le répertoire rigoureux et exigeant qu'il a contribué à établir, ce qui a nécessité l'utilisation de bandes sur la tournée "Falling In Between", ce que Luke ne parvenait plus à assumer, donnant l'impression de mentir au public. Avec l'absence prolongée de David Paich, et sans aucun Porcaro à bord, le guitariste-chanteur déclare ne plus pouvoir monter sur scène et jouer "Hold The Line" en regardant honnêtement son public, et avec son départ, c'est TOTO qui est dissous en 2008.

Jusqu'au diagnostic de Mike, ce qui donne l'idée aux potes de lycée de remettre le couvert afin de lever des fonds (on ne dira jamais assez combien la France est protégée par son système de santé) et assouvir mine de rien une envie de rejouer ensemble et de retrouver l'état d'esprit des débuts. C'est donc une formation des plus alléchantes qui est révélée pour (au départ) quelques concerts caritatifs, sans objectif autre que de faire du live. Joseph Williams, après une séparation lamentable après la tournée "Seventh One", reprend la scène avec un peu plus de barbe (ce qui tend à le faire ressembler de plus en plus à son illustre père), mais surtout des capacités vocales revenues à leur top niveau. David Paich fait son grand retour à temps complet, même s'il connaîtra des ennuis de santé pendant la tournée de "Toto XIV" plus tard, et surtout Steve Porcaro retrouve la scène ! TOTO retrouve sa configuration classique à deux claviers ! Ironie du sort, Steve avait lui aussi quitté le navire à l'époque "Seventh One" même si ses contributions en studio sur "Falling In Between" étaient redevenues plus conséquentes. Nathan East remplace un Leland Sklar trop occupé, et Simon Phillips remonte sur scène pour une dernière tournée, qui sera celle célébrant les trente-cinq ans du groupe.

Et c'est à Łódź, en Pologne, qu'une arena va accueillir à bras ouverts un TOTO en très grande forme ! Le set révèle bien sûr les têtes de gondole de "The Seventh One" avec un "Pamela" monumental, sur lequel le travail vocal de Joe Williams est à la hauteur du chef d'œuvre de 88. Il en va de même pour "Stop Loving You" en version électrique et bien sûr l'épique "Home Of The Brave" encore plus brillant que la version énergique de 2003 délivrée par Bobby Kimball sur le "Live In Amsterdam". Mais là où ce Live se démarque, c'est à travers les arrangements de clavier de nouveau prolixes qui permettent à la paire Paich/Porcaro de rendre justice aux pièces plus ambitieuses comme "Better World" ou "St George And The Dragon", ou encore "Hydra" l'un des premiers grands moments de ce "Live In Poland" après un medley ébouriffant pour ouvrir les festivités avec le Hard "On The Run" qui passe par un clin d'œil à "Child's Anthem" pour parfaitement s'imbriquer à "Goodbye Eleanore" (un de mes morceaux favoris toutes époques confondues). TOTO fouille son catalogue (quatre extraits de "Hydra" tout de même !) et en révèle le tempérament le plus ambitieux ("Falling In Between", cette perle au riff plombé et asymétrique, n'est pas oubliée).

Ne se perdant pas trop en improvisations longuettes, TOTO continue tout de même de glisser des clins d'œil dans ses moments de liberté (le final de "Pamela" en est l'exemple le plus explosif, "Rosanna" bien sûr), et frappe juste avec ce "Goin' Home" idéalement placé, et seconde rareté (avec "On The Run") extraite de "Toto XX" ou encore le rare "Wings Of Time" sur lequel Luke fait hurler sa Musicman. En belle forme vocale, il délivre une superbe version de "I'll Be Over You" qui voit le public communier avec lui. La setlist est une nouvelle fois superbement articulée, encore plus que le "Live In Amsterdam" à mon avis, et surtout le groupe a une pêche d'enfer, et il semble revitalisé par cette nouvelle formation qui lui redonne davantage de spontanéité, surtout que les capacités des protagonistes étant à leur paroxysme, c'est à une démonstration d'ampleur que les Californiens nous invitent, la guitare étant largement aussi conquérante que les claviers se mêlent et se répondent ; les contrastes de "How Many Times" le mettent bien en valeur. De plus, la facette Prog de TOTO est à l'honneur, et si je devais trouver une unité pour définir chaque Live de TOTO, nul doute que celui-ci serait le Live "Prog" du groupe.

Un très grand Live, et sans doute celui que je conseillerais pour découvrir le groupe avec son prédécesseur de 2007, le Live "Metal".