Longtemps, je criais à qui voulait bien m’écouter que "Highway To Hell" était le meilleur Assedess. Qu’il était insurpassable, qu’il était la sève d’un groupe qui représente à lui seul la quintessence du Rock. Oui madame, quelque chose de ce genre. Et un beau jour, j’ai réalisé que je n’écoutais absolument pas ce disque. Jamais. Que, lorsque je voulais écouter un disque du groupe, je sortais toujours "Powerage", "Let There Be Rock" et "Back In Black". Dans cet ordre-là. Et que j’avais même tendance à plus passer "High Voltage" et "Dirty Deeds Done Dirt Cheap" que l’"Autoroute Vers l’Enfer". À ce moment, il y a deux façons de penser : soit on croit être malade et dans quel cas, on se fait une cure, soit on se dit que cet album n’est peut-être pas aussi incontournable que ça.

Le cheminement des idées fait que la seconde option s’est imposée à moi, avec une raison majeure : sur ce disque, AC/DC joue du AC/DC mais ne ressemble pas tout à fait à du AC/DC. Le coupable, c’est Mutt Lange, qui va lisser le son, qui va rendre la musique des Australiens tubesque, clinquante, prête à passer à la radio ou mieux, à la télévision. Faire de ce trublion agressif quelque chose de plus mainstream et de le doter d’un chanteur, d’un vrai, d’un mec qui n’est pas qu’un charisme démesuré. Bon Scott paraît en effet moins instinctif dans sa manière d’appréhender son art et les chœurs qui le secondent ont de quoi désarçonner quelque peu. C’est trop propre. On ne s’y attend pas et à un moment donné, on est étonné que ça ne fasse pas saigner les oreilles.

Bien entendu, il y a le mythe. La chanson "Highway To Hell" qui est un hymne intemporel, immédiat et simple. C’est super efficace, boosté par un refrain à sa hauteur, mais il lui manque un petit truc, un côté tranchant que l’on retrouve finalement plus facilement en live ou le groupe a toujours su doper le riff, poussé par le public. C’est d’ailleurs l’un des morceaux parmi les plus connus de la formation, si ce n’est le plus connu. J’ai bossé sur suffisamment de mariages pour voir qu’elle fonctionne bien à ces soirées (et que bizarrement les dj ne diffusent jamais "The Jack"), elle possède une espèce d’universalité. Une universalité qu’aurait pu avoir "Touch Too Much", qui surfe également sur quelque chose proche de l’easy listening (pour du AC/DC).


Bien que ces morceaux soient très bons (voire excellents pour "Touch Too Much", qui est injustement écarté des setlists du groupe), ils ne suffisent pas à propulser le groupe au somment des charts mondiaux, toujours pas assez grand public pour cela, ils continuent à être réservés à un public Hard Rock de base, Rock tout au plus. Le disque en lui-même regorge de bons titres, comme "Girls Got Rhythm", "If You Want Blood" et surtout "Night Prowler" qui est peut-être le morceau qui se rapproche le plus du AC/DC des seventies pur jus avec son Blues traînant et inquiétant. Ce que je reproche ici n’est pas une qualité moindre des morceaux (même si certains sont discutables, comme "Walk All Over You" et ses chœurs étranges), mais une espèce de standardisation du son.

En effet, auparavant, Assedess semblait fonctionner à l’instinct, voire terminer certains morceaux alors que l’enregistrement venait de débuter. Il transpirait bien plus la sincérité que sur "Highway To Hell" ou le compromis semble tellement présent qu’il en devient audible. Alors certes, AC/DC ne serait peut-être jamais devenu ce colosse mondial si la paire Vanda/Young avait continué à produire ses albums à ce moment-là mais les musiciens y laissent une part de personnalité dans l’histoire. Attention, "Highway To Hell" est un très bon album, mais il est peut-être surcoté en raison de son title-track et très certainement par rapport au destin tragique de Bon Scott quelques mois après la sortie de ce disque.