1972. La naissance d'une future légende aux yeux du monde. "Lonesome Crow" marque le tout premier pas discographique de SCORPIONS. En cette année, les germains quittent le domaine de l'anonymat pour côtoyer ceux qui explorent les multiples facettes de la notoriété : des essais malhabiles à la perversion du commerce. Et cette première expérience musicale n'est pas à classer dans la catégorie des conceptions dévoyées par la cupidité. Non, aucun doute, on retrouve bien sur cette galette des compositions et une production de facture inexpérimentée, et l'avidité paraît encore inexistante dans la démarche !

Ça sent la spontanéité, et bien que l'on croise parfois quelques envolées poussives (à l'image des hurlements fort peu sincères de Klaus sur "I'm Going Mad"), l'ensemble revêt une silhouette follement ambiante et drape les titres d'une sorte de coulée engluée et progressive, d'où ressortent ça et là les échos d'un chant distrait qui semble hélas avoir été jugé trop immature pour aiguiller la section instrumentale... le comble ! Puisqu'avec une participation vocale davantage encouragée et des paroles moins insipides, le tout eût-il pu comporter quelques instants forts... et c'est bien ce qu'il manque à ce skeud !
Techniquement cependant, le groupe est déjà au point avec un Michael qui excelle à merveille dans l'art de faire crisser une six-cordes, et un bassiste répandant des lignes délicieusement groovy pour des morceaux par ailleurs mal ficelés, dans lesquels il n'est pas toujours évident de s'y retrouver. En cela, les compos décousues confrontent un aspect psychédélique et planant à une rythmique trop effacée pour soutenir les soli du frangin à Rudolph. Et au final, le seul titre construit en deux segments bien distincts ("In Search Of The Peace Of Mind") se révèle aussi être le plus massif et le seul qui rende réellement à SCORPIONS l'étendue de sa crédibilité. L'album clôt heureusement de lui-même ce premier chapitre qu'il avait entamé, pour laisser à son successeur l'appétence de nous prouver que "Lonesome Crow" n'avait jamais eu pour vocation d'être le chef-d'oeuvre du groupe...