Quand on prend la discographie de GAMMA RAY dans son ensemble, "Sigh No More" se démarque des autres par le fait qu’il ne ressemble à aucun des rejetons de la bande à Kai Hansen. Il se veut donc différent, plus sombre, plus lent, plus varié également et avec sa jaquette originale hors normes il ne passait pas inaperçu. Il est peut-être également l’album le plus personnel de GAMMA RAY, unique en son genre et sa diversité, où les musiciens pouvaient s’exprimer, chacun amenant ses idées et ses influences sans que cela ne transpire et ne soit trop visible, comme cela sera parfois le cas par la suite.

Nous sommes en 1991 et la Guerre du Golfe avait secoué le Moyen Orient alors que la Yougoslavie entrait dans une guerre civile des plus meurtrières. L’euphorie de la chute du Mur était retombée depuis longtemps et Kai Hansen ne supportait plus de voir les informations à la télévision, où l’écran lui renvoyait que des images de guerre et son naturel optimiste a flanché. Il va exprimer son désarroi à travers de nombreuses compositions plus tourmentées, moins joyeuses, il va également habillement grimer la facette la plus happy avec une espèce de cynisme parfaitement calculé ("Rich And Famous").

Aussi, quand commence l’album, on est vite surpris. "Changes" est un mid tempo sinistre et désabusé, qui dégage quelque chose de fort, poussé par un solo intense et une prestation magistrale de Ralf Scheepers, qui est d’ailleurs impérial tout du long. La brusque et brutale accélération finale nous transporte ailleurs et la version du "Blast From The Past" ne parviendra pas à véhiculer ce que dégage cette chanson, qui est un véritable instantané d’une époque, le reflet d’un état d’esprit parfaitement capturé.

"Sigh No More" sonne plus comme un album de Heavy Metal que de Power Metal, il est plus grave et ce ralentissement général lui sied bien. Bien sûr, on retrouve des speederies, comme l’intense "As Time Goes By" (avec encore une fois un énorme travail de Scheepers) ou le moins réussi "Start Running", plus commun. Mais à côté, nous nous retrouvons face à des mid tempos parfois étranges, qui n’auront plus jamais d’équivalents, comme "(We Won’t) Stop The War", groovy en puissance ou encore l’excellentissime "One With The World".

Mais la grande hétérogénéité de ce disque ne s’arrête pas là. Tout le monde met la main à la pâte et il y a de quoi être très surpris, comme avec l’intimiste et lumineux "Father And Son", l’épique et torturé "Dream Healer" ou le très nuancé "The Spirit". Tout le monde ne va pas dans la même direction et c’est tant mieux, finalement. "Sigh No More" n’est absolument pas formaté, et c’est là qu’il tire sa force, sa puissance.

Quand on jette un coup d’œil rapide aux crédits, on constate que Uwe Wessel a beaucoup collaboré avec Hansen (ou Scheepers) sur ce disque et on peut se demander à quoi aurait ressemblé GAMMA RAY s’il était finalement resté au sein du groupe. De même, il convient encore une fois de saluer l’énorme prestation de Ralf Scheepers qui est ici intouchable. Il n’a – pour moi – jamais aussi bien chanté que sur ce titre, capable d’envoyer la sauce ou d’être tout en retenu, complet et sûr de lui, véhiculant ses émotions de bien belle façon.

Vous l’aurez compris en lisant ces lignes, "Sigh No More" est l’album de GAMMA RAY que je préfère, celui que j’écoute toujours, qui me suis partout depuis sa sortie, il y a pas loin de trente ans de ça (bravo pour l’auto-coup de vieux). Et de ce fait, je ne suis absolument pas objectif à son sujet. Allez, je dirai que "Countdown" est dispensable, mais à la base, il s’agissait d’un bonus pour l’édition CD de l’opus. Comme quoi…