Deux ans ont passé à la vitesse de l'éclair pour CRADLE. Après un semi coup d'épée dans l'eau avec son premier album et un uppercut saisissant en "Vempire", un E.P à saveur d'album, le groupe originaire d'Ipswich signe avec Music For Nations pour son deuxième album, le label avec lequel il aura le plus de succès en vendant plus d'un million d'albums. Une autre page se tourne, un nouveau chapitre commence pour ce « tas d'immondices » dont de plus en plus de metalleux parlent.

Nous sommes en 1996 et la concurrence est forte. Le Black Sympho est dorénavant un sous-genre en plein envol. Les deux plus grands antagonistes de CRADLE ne chôment pas (DIMMU BORGIR sortira "Stormblåst" et EMPEROR continuera de travailler sur son chef-d'œuvre absolu qui verra le jour l'année suivante) et d'excellents groupes viennent gruger des parts du gâteau, dont ARCTURUS, BAL-SAGOTH, LIMBONIC ART et THY SERPENT, et dans un registre plus atmo, LUNAR AURORA, SEAR BLISS et SUMMONING. Sauf que même si la faune des tireurs est plus luxuriante, "Dusk..." se détachera aisément du lot grâce à un chapelet de « hits » qui feront perdre la tête aux fans et en rameuteront une autre bande.

Gros changement au line-up sur "Dusk" : Gyan Pyres est engagé comme deuxième guitariste à la place de Paul Allender, qui reviendra en 2000 pour remplacer Stuart Anstis. Plus de muscle, plus de mélodies, plus de profondeur, la formation est archi ferme. Avec son nouveau label en plus et sa confiance gagnée grâce à un "Vempire" scotchant et vibrant, le nouveau prince du Black gothique est prêt à décapiter quiconque se mettra sur sa route. Et ça s'entend !

Les compositions d'abord, aussi fouillées que sur "Vempire" avec une moyenne dépassant les six minutes (excluant les instrumentales), jouissent d'une production correcte et croulent sous les idées de génie. Les ambiances sont lourdes, gothiques à souhait (la rédemption de "The Principle Of Evil Made Flesh") et Thrash, les mélodies sont mémorables et du synthé s'échappent à chaque morceau des trames sonores de films d'horreur. Absolument tout sur "Dusk..." fait oublier le premier album, sans toutefois effacer le brio de "Vempire", sorte de parenthèse dorée inattaquable. Le podium vous montrera mes préférences, mais force est d'admettre que les moments faibles sont rares sur cette cuvée 96. La tracklist est encore excellente dans son ensemble malgré le fait que COF tire un peu dans tous les sens, la démoniaque pièce-titre bûche toujours autant avec ses changements constants de tempo et un chouchou des fans, "Funeral In Carpathia", coule merveilleusement. N'oublions pas aussi l'ovni "Beauty Slept In SODOM", la presque lascive par moments "A Gothic Romance" et les deux extrémités, "Heaven Torn Assunder" et "Haunted Shores", qui lancent et terminent les hostilités avec ferveur.

"Dusk..." aura été une école pour une bonne majorité de metalleux, vendus ou pas du tout au Black Sympho. CRADLE OF FILTH a été leur dieu pendant cette période florifère, leur a montré que le Black Sympho n'était pas une farce et pouvait être considéré sérieusement comme un truc recherché et capable d'élargir le cercle, autant musical, social, qu'économique. "Dusk" faisait aussi le pont entre plusieurs genres et prouvait que la polyvalence du groupe allait lui ouvrir les portes du paradis... avant de les jeter dans les flammes de l'Enfer beaucoup plus tard.

Si CRADLE a vraiment commencé à se faire connaître et respecter à partir de "Dusk", c'est grâce à ses deux prochains albums qu'il sera sacré maître accessible ès Black Sympho à corpse paint. C'est aussi à partir de là que la meute de ses détracteurs grandira, question d'équilibrer la foule de gens prosternés à ses pieds... Malgré sa réputation de vampire qui hurle comme une corneille prise dans une clôture de barbelés ! À ce sujet : si la voix de Dani vous horripile, concentrez-vous sur la musique, vos horizons s'étendront...

Un régal difficilement inflammable. Pour craquer une allumette sur "Dusk...", il faut être sacrément de mauvaise foi, j'ai dit !

À noter que la version deluxe comprend une reprise du classique de SLAYER, "Hell Awaits" et l'instru' "Carmilla's Masque". C'est pas à dénigrer, surtout pour "Hell Awaits", que COF amène à un autre niveau.

Note : 4,5/5, car impossible de s'en lasser. Ce sera encore bon dans 100 ans !

Podium : (or) "Dusk And Her Embrace", (argent) "A Gothic Romance", (bronze) "Funeral In Carpathia".