COF, comme il est désormais coutumier de les nommer, avait réussi un tour de force incroyable en sortant en cette fin de novembre 1996 ce "Dusk And Her Embrace" à l’imagerie léchée comme autant de poses osées au marketing rutilant. Un peu avant DIMMU BORGIR, Dani et sa clique avaient réussi le tour de force exceptionnel d’enivrer une génération avide de s’accaparer tous les codes sanguinolents que les Anglais jetaient enfin à la face du monde. "Dusk…" serait cette rampe de lancement d’un aller simple vers les hautes sphères de la célébrité et de la postérité. Et comment ne pas y trouver son compte dans cet album soigné dans les moindres recoins, produit magistralement par le label Music For Nations.

Novateur pour l’époque, s’allégeant de l’oppressante scène Black Metal, vampirisant toutes les armadas scabreuses des critiques, COF réussit à imposer dans la grâce, la beauté noire et les éructations criardes, son propre phénomène. Tour de force, tour de bras peu importe, j’ai moi-même succombé à cette fantasmagorie que cet opus formidable a dicté dans toutes les amygdales des ados que nous étions. Les textes complexes de Dani, la basse incroyablement puissante, les claviers magistralement orchestraux et les riffs vifs, racés et attachants n’auront fait qu’une bouchée des petits émois du peuple. Chaque titre est une œuvre à elle seule, un chemin complexe où il faut se frayer, se glisser dans l’obscurité pour sentir la palpation des spectres et des esprits, caresser le corps et l’esprit.

"A Gothic Romance (Red Roses For The Devil’s Whore)" fait partie de ces titres que je n’oublierai plus, son romantisme transpire et miroite comme autant de joyaux ciselés finement, et lorsqu’il cède le pas au monumental "Malice Through The Looking Glass" je traverse les âges pour y contempler mon propre portrait, tel un Dorian Gray rajeuni ou un Des Esseintes sauvé du taedium vitae. Le concept gothico-vampirico-romantico littéraire excelle et virevolte avec légèreté et aplomb sur ce disque tant la congruence est prégnante et l’ambiance engloutit complètement l’âme et les sens. Rien, pas même une sommaire note n’a été laissé au hasard, tout a été travaillé jusqu’à l’intérieur même de la moelle.

En 2016, Cacophonous Records - pas peu fier et sans doute un peu avide de sommités financières - décide de sortir "Dusk And Her Embrace (The Original Sin)" qui contient le premier enregistrement de l’album. Le groupe avait réussi à se départir de l’emprise de ce label après un procès complexe qui aurait pu sonner le tocsin du groupe tant l’issue semblait incertaine (ce qui du reste a sapé certains membres du line-up originel, dont Benjamin & Paul Ryan, ainsi que Paul Allender partis formés The BLOOD DIVINE mais aussi Jon Kennedy parti rejoindre HECATE ENTHRONED). Entre la première mouture et celle produite par Music For Nations, le gap est sans équivoque, tant la dynamique est sans commune mesure, les performances de Dani sublimées, l’articulation des instruments complètement magnifiée. COF aura prouvé que ne pas rogner sur ses exigences, ne pas concéder un pouce à la médiocrité leur aura permis de conserver avec brio le sésame pour créer une œuvre ultime, mégalomaniaque et géniale, totalement originale et décomplexée.

Nos Anglais avaient décidé de frapper un grand coup à tout point de vue et la résultante leur a donné raison. Beaucoup leur reprocheront encore et toujours d’avoir sali à jamais l’image solide et brutale de la scène Black Metal, celle de la fureur, de la haine, de la noirceur la plus crasse et vile. Dans son petit château de campagne, Dani continue à ajuster ses lentilles de couleur devant son miroir d’épouvante. Et si Dorian Gray c’était lui ? Il n’en a que faire de toutes ces tribulations et sortant de son domaine fastueux et impeccable, il s’en va fendre l’air de la campagne alentour dans son bolide tout de noir peint, droit dans ses bottes plateformes, le petit doigt sur la couture du pantalon.