Les premières années de LOUDNESS furent tellement fructueuses qu’elles obéissent peut-être à un plan de carrière parfaitement exécuté. En effet, après avoir mis à genoux l’archipel nippon, LOUDNESS a su se faire une place en occident, ce qui était loin d’être gagné d’avance, et ce qu’aucun autre groupe japonais ne parviendra à réitérer par la suite. Et tout cela en seulement 5 ans. 5 années révolues pour 6 albums studio, un Live bien garni à mi-parcours, plus des singles et EP. Que de travail abattu ! Si Akira Takasaki, l’âme du groupe, a su mener ses troupes à la victoire avec un tel brio, cela n’est bien sûr pas le fruit du hasard. C’est qu’avant même de former LOUDNESS, malgré son jeune âge, Takasaki était déjà un musicien professionnel accompli (5 albums tout de même avec le groupe LAZY, qui jouissait d’un grand succès). Impressionnant. Quoi de mieux donc que de fêter cette demi-décennie d’existence par un double album live ? LOUDNESS, peut-être inspiré par le "Live After Death" d’IRON MAIDEN, proposa alors à un point nommé ce "8186 Live".

Toujours enregistré à Tokyo, comme le "Live-Loud-Alive", ce nouveau témoignage en public a aussi pour but de montrer la progression du groupe en termes de popularité. Capté cette fois-ci au Yoyogi Olympic Pool Stadium (une salle dont la capacité est presque équivalente à notre Bercy), situé à Ginza, en plein cœur de l’immense capitale nippone, on passe à la catégorie supérieure par rapport au Nakano Sun Plaza où fut enregistré le premier Live. Le groupe a gravi les échelons et tient à nous le faire comprendre. Désormais Minoru Niihara n’hésite plus, pour haranguer le public local entre deux chansons, à utiliser la langue anglaise ! Histoire de bien montrer leur envergure internationale sans doute, et aussi car cet album avait d’emblée vocation à être distribué dans le monde entier. Cela enlève cependant un peu de charme à ce disque…

Bien que censé célébrer la puissance scénique du groupe, il apparaît avec un peu de recul que ce disque n’est pas exempt de tout reproche. Outre évidemment la performance musicale, ce qui fait l’intérêt de tout album live c’est la setlist, et force est de constater ici qu’il y a de quoi ronger son frein ! Seulement un titre issu du cataclysmique "Thunder In The East", c’est tout simplement scandaleux ! Alors que depuis les années 2000 c’est sans doute l’intégralité de cet album qui a été interprété en live, nous n’aurons droit en tout et pour tout qu’à cette version de "Crazy Nights", en tant que témoignage live issu des années 80, soit la période où le groupe disposait de toute la fougue de sa jeunesse. Cela est parfaitement regrettable !

Par contre, des morceaux de "Lightning Strikes" on va en bouffer. Logique puisqu’il s’agissait de la tournée de cet album. Là pour le coup ces interprétations ont un certain intérêt : plus brutes que les versions studio qui souffraient d’une production quelque peu commerciale, on gagne donc au change. Néanmoins, 6 titres de "Lightning Strikes" pour un titre de "Thunder In The East", ça fait un peu rager ! Et contrairement au 1er Live, celui-ci n’offre aucun morceau inédit, par contre ils ont trois titres en commun (l’inévitable "Loudness", mais aussi "In The Mirror" et "Speed" qui eux auraient pu être avantageusement remplacé pour ne pas faire doublon). Notons également que "Disillusion" n’est représenté que par deux titres : "Crazy Doctor" et "Ares' Lament", excellents d’ailleurs, tandis que "Devil Soldier" est une fois de plus aux abonnés absents.

Beaucoup de considérations au sujet de la tracklist donc, mais il faut avouer qu’il y a de quoi être un peu frustré. Une bonne surprise tout de même : la présence du morceau "Geraldine", qui fait bien plaisir et qui fonctionne particulièrement bien en live.
Pour ce qui est de la performance des musiciens, avec de tels virtuoses on ne peut être déçu. Le groupe muscle les morceaux issus de "Lightning Strikes", et assure sans problème sur les autres titres. On ne peut dire en plus que LOUDNESS se soit assagi depuis le "Live-Loud-Alive", se faisant juste un peu plus carré. Takasaki est bien sûr toujours aussi phénoménal et Niihara envoie du bois comme jamais. Le groupe nous sert les inévitables soli de basse, batterie et guitare, sans jamais nous ennuyer. Le son du Live se fait assez brut de décoffrage, ce qui peut d’ailleurs s’expliquer par le fait que Max Norman a désormais laissé sa place de producteur.

"8186 Live" propose donc une excellente performance scénique de la part des Japonais, un témoignage essentiel des plus belles années de ces talentueux musiciens. Mais, à moins d’être un fervent défenseur de l’album "Lightning Strikes", on ressentira un léger agacement vis-à-vis de cette setlist déséquilibrée, ce qui inévitablement lui coûte une étoile.